Chapitre 24 : Justice

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La pluie frappe violemment contre les vitres, alors que j'observe par la fenêtre les maisons défiler dans le paysage sous mes yeux.

Tout s'était déroulé selon mes prévisions, comme si chaque pièce du puzzle avait été méticuleusement placée par mes soins. Aucun détail ne m'avait échappé, pas même le plus infime. Je savais, d'une certitude implacable, qu'il succomberait à mon stratagème. Lorsque les verres se sont croisés, j'ai observé avec satisfaction son regard qui trahissait une confusion momentanée, un léger flottement dans ses pensées. Puis, comme prévu, il a porté le verre à ses lèvres sans se douter un instant de la supercherie qui se tramait. Un sourire imperceptible a effleuré mes lèvres alors qu'il buvait, et avant même qu'il ne réalise ce qui se passait, il était trop tard.

Il s'est effondré sur le sol. Je n'ai plus eu qu'à mettre en place la suite de mon plan. 

- Et donc, demande Henry Cyno, le chef de la police, tu comptes reprendre ta vie comme si de rien était ? 

- Oui, je lui réponds, je veux juste retrouver ma vie d'avant. Tout reprendre...

Ses yeux rivés sur la route, il a l'air hésitant. Ses mains s'enfoncent autour du volant et j'ai un peu mal au cœur. Il change de vitesse puis tourne les yeux vers moi. 

- Est-ce que ce n'était pas cruel, il demande, je veux dire...il est immortel, il va se noyer pour l'éternité, certains diraient même que c'est un sort pire que la mort, pire que l'enfer. 

Je le dévisage et sens la colère montée en moi. 

- Cruelle ?, je rétorque en déglutissant, ça se voit que ce n'est pas vous qui étiez entre ses mains, ce n'est pas vous qu'il torturait, ce n'est pas à vous qu'il a fait toutes ses choses. Non, mais vous êtes culotté, c'est tout de même vous qui lui avez donné ma localisation pour sauver ses enfants ? Vous m'avez sacrifié alors que je ne vous connaissais même pas ?!

C'est à son tour de déglutir, il hoche la tête, signe de compréhension, et tourne la tête vers moi. 
- Oui, je ne prétends pas être un homme bon ou juste, la vie de ses enfants m'était plus importante que la tienne. 

Les paroles résonnent dans le silence comme des lames acérées, transperçant l'air ambiant de leur froideur implacable. Elles m'atteignent, m'écorchent, laissant derrière elles une empreinte douloureuse dans mon esprit. Pourtant, malgré la douleur qu'elles infligent, je saisis parfaitement le raisonnement qui les sous-tend. Une vie pour en sauver cent, un calcul macabre mais implacablement logique. C'est alors que me revient en mémoire un instant similaire, où moi-même j'avais imploré Adam de sacrifier son propre bonheur pour sauver celui d'un enfant, une ultime tentative pour préserver un semblant d'innocence dans ce monde marqué par la cruauté.

Quand je revois le visage de cette enfant, quand j'entends la joie qui a fait trembler la voie de ses parents. Je me dis que le choix semble juste. 

La voiture s'arrête finalement 

- Et puis, vous aussi, vous êtes cruelle, Adam a sauvé 100 enfants, comme il vous l'avait promis, mais cela ne vous a pas empêché de le trahir quand je vous l'ai demandé. 

- Oui, tu as raison, il me répond, mais Adam reste un démon, un démon qui a commis des actes barbares et horribles au fil des années, des siècles, des millénaires qu'il a vécues. Il est le seul qui connaisse l'étendue de sa propre cruauté, j'espère juste que de là, ou il est, au fond du Lac Georgie, il ne reviendra jamais. 

Oui, pourvu qu'il ne revienne jamais, parce que je crois que cette fois, il me montrera sa cruauté, et que celle-ci n'aura aucune limite. 

La voiture ralentit enfin pour s'immobiliser devant la maison, mais mon esprit refuse d'accepter la réalité qui se présente à moi. Une seconde d'immobilité s'étire comme une éternité, pendant laquelle le monde semble retenir son souffle. La vie qui palpitait autrefois dans ces murs semble s'être évaporée, ne laissant derrière elle qu'un silence pesant. Mon regard est attiré inexorablement par le panneau affiché devant la maison, un message simple mais dévastateur : "À vendre". Un frisson glacial me parcourt l'échine alors que la question surgit dans mon esprit, brutale et inévitable : Ma maison est-elle vraiment à vendre ?

Blasphemous (DARK ROMANCE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant