Souvenirs ( Basé sur un rôle play )

Ne nous oublie pas

Début du souvenir

Sa famille était connue pour avoir une hyper mémoire. Capables de mémoriser des manuscrits entiers jusqu'à dépeindre des lieux dans les moindres petits détails sans omettre le plus infime recoin, et cela avec une précision effrayante. Cétait le pouvoir principal des Rosamund.
La Guilde leur gardait toujours une place spéciale aux archives, aux ateliers de cartographie ou aux centres de recherches. Elle les envoyait aussi à l'abysse avec les chasseurs débutants pour leur enseigner les bases de la faune et flore abyssale. Certains étaient des enseignants réputés, comme Wilfried Rosamund. Le frère aîné de Belmond et Luc Rosamund.
Cette capacité n'apparaissait pas chez les Rosamund de la même manière, ni avec le même degré. Certains étaient plus aptes à mémoriser les images que les textes, d'autres les textes que les images. Puis il y avait ceux qui se souviennent de tout. D'absolument tout. Comme si chaque jour de leur vie était un chapitre écrit et stocké dans les archives de leur cerveau. C'était ceux qui perdaient la mémoire en premier, car oui, aucun don ne vient sans prix. Surtout quand il s'agit d'un don venant de l'Abysse, maître des malédictions et des bénédictions.
Tout les Rosamund finissaient un jour ou un autre par perdre leur pouvoir, c'est pourquoi c'était souvent les premiers à prendre la retraire. Une fois leur pouvoir usé, ils ne pouvaient plus servir la Guilde, ils retournent donc vivre en ville auprès des leurs ou fondent leurs propres familles.
Puis il y avait ceux qui débloquait la mémoire maximale. Ceux là ne finissait jamais bien. Arrivé à un certain âge, souvent jeune, leur cerveau perdait brutalement ses capacités de mémorisation, mais aussi ses acquis et ses souvenirs. Ils étaient touchés par une amnésie progressive et aiguie. Ces Rosamund finissaient à l'hôpital psychiatrique d'où ils ne sortaient plus jamais, car ils n'étaient plus capable de s'occuper d'eux même. Sans aide ils mourraient chez eux, incapable de se souvenir de qui ils étaient, où ils étaient, qu'est ce qu'ils faisaient. Ils oubliaient de parler, de marcher, de vivre, d'exister.
Et c'est ce qui arrivait à Wilfriend Rosamund.

Il n'avait que trente cinq ans, pourtant ses cheveux étaient déjà blancs et son visage ridé. Sa femme, Anita Ohana, une infirmière par profession, s'occupait de lui tout les jours. Luc et Belmond allaient le voir quand ils étaient libérés de leur travail, et ils ne ressortaient de la maison que plus tristes. La santé de leur grand frère se dégradait à vue d'œil. La dernière fois que Luc était allé le voir, quelques jours avant la descente aux nids, Wilfried ne l'avait pas reconnu.
Luc s'était assis à côté du lit où son frère mourait lentement de sa maladie. Il l'avait regardé le fixer avec stupeur, ne reconnaissant pas son frère cadet. Anita préparait à manger à leur petite Dina pendant que Belmond restait en retrait, dans la chambre du malade. Si Luc avait toujours su parler avec leur frère, pas Belmond. Wilfried avait toujours été plus proche du cadet, en fait c'est lui qui avait pris soin de lui jusqu'à sa maturité, pendant que Belmond avait été dans un internat, loin de la maison.

- Wilfried.. C'est moi. Luc, je suis ton frère. Ton petit frère. Tu te souviens ?

- Ça ne sert à rien, Luc. On le perd, répondit Belmond avec amertume.

- Non, non. Ne dis pas ça Belmond. Il essaye.. je sais qu'il essaye.

Mais Belmond secoua la tête. C'était inutile.

- Tu as entendu le médecin. La maladie effrite son cerveau. Avec les médicaments il se souviendra de nous par moment mais pas pour longtemps. Dans un an on sera des inconnus pour lui. Pire, il sera inconnu de lui même.

Les deux hommes observèrent leur frère allongé, ses yeux perdus posée sur eux. Anita Ohana prenait bien soin de lui, hélas le traitement médical coupait l'appetit à Wilfried. Il faisait la moitié de l'homme que Luc avait connu il y a trois ans.

- Pourquoi ça devait être Wilfried ? Murmura Luc. Qu'est ce qu'il a fait pour mériter ça ?

- Rien, répondit Belmond. Il a été bon, le meilleur de nous. Et il a été malchanceux

Malchanceux, c'était le cas de le dire. Luc regarda le visage blafard de son frère qui l'observait, ahuri. Son cœur s'accelera quand il remarqua que le visage de Wilfried s'était soudainement détendu, ses yeux n'abritaient plus la peur à sa vue mais plutôt de la chaleur.
C'est avec un coeur plus léger que Luc comprit qu'il s'était souvenu de lui.

- Luc.. Chuchota Wilfried en forçant un sourire sur son visage tiré par la fatigue. Tu n'es pas encore descendu à l'abysse ?

- On y va dans trois jours. Comment tu te sens, grand frère ?

- Fatigué. Où est Anita ?

- Elle s'occupe de Dina.

- Dina ?

Luc garda le sourire.

- Ta fille. Elle pleurait, Anita lui fait à manger.

C'était toujours la même chose. Les mêmes questions. Les mêmes réponses. Wilfried essayait de reconstruire sa mémoire et Luc l'y aidait, simplement pour tout oublier le jour suivant, et de recommencer dès le début. Qui suis je ? Où suis je ? Que fais-je ici ?
Qui es tu ?

Aujourd'hui, cependant, quelque chose avait changé. Wilfried n'avait pas posé autant de questions comme avant, il sembla plutôt se perdre dans ses pensées, puis sans prévenir, des larmes coulèrent sur ses joues. Alarmé, Belmond appela Anita, Luc resta auprès de son frère aîné. Il avait pris sa main osseuse dans les siennes.

- Qu'est ce qu'il y a grand frère ? As tu mal quelque part ?

- Je suis désolé, Luc, sanglota Wilfried. Je suis terriblement désolé. Je n'y arrive plus. Je vais encore vous oublier.

- Tu peux le faire Wilfried. Il suffit que tu le veuilles, comme maintenant, tu vois que ça marche. Il suffit que.. que.. bon sang..

Luc essuya son visage humide, la boule au gorge. Les mots suivants de son frère le blesserent comme des lames de rasoirs.

- J'ai peur Luc.. J'ai peur de sombrer dans l'oubli. L'obscurité m'effraie. Elle envahit mes pensées. Je commence à vous oublier, toi et Bel. Je commence à oublier Anita..

Puis, en sussurant presque l'aveu douleureux, Wilfried Rosamund fixa le plafond, anéanti :

- Je ne me souviens plus du visage de ma fille..

Son désespoir provoqua celui de Luc qui se pinça les lèvres. Anita déboula en vitesse dans la pièce et commença à prendre les mesures de son mari, son poul, sa pression artérielle.. Luc sentit la main de Belmond sur son épaule. Ils devaient partir, mais Luc refusa de bouger.
Il devait faire quelque chose.
Il ne pouvait pas laisser leur frère finir comme ça.

- Je vais trouver cette plante Wilfried. Je te promets que je le ferai, même si c'était la dernière chose que je devrais faire. Tu ne nous oublieras. Tu seras soigné.
Je te le promets. Juste.. Juste tiens bon jusqu'à là ? Ne lâche pas l'affaire. Je t'en prie. N'abandonne pas.

Je t'en supplie, ne nous oublie pas.

Fin du chapitre