Souvenirs ( Basé sur un rôle play )

Marque ton nom sur ma peau -1-

Quand on veut parler d'un couple heureux, nous disons souvent "qu'ils s'aimèrent jusqu'à ce que la mort les séparent"
Mais si c'était l'inverse ? si ce n'était pas la mort qui les sépara, mais plutôt celle qui les assembla et qui les unit ?
Car c'était leur cas.
Ils se sont retrouvés lors d'une tragédie, et c'est la mort qui leur avait tenu la chandelle.

Dominik Ohana était médecin légiste, ça fait six ans qu'il est dans la profession. Il travaille à la morgue d'Illubu où il avait emménagé sa petite salle d'opération, que ses collègues appelaient ironiquement " l'atelier du démontage humain". Le pire, c'est qu'ils avaient raison en tout point, c'était exactement ce que Dominik faisait. Il était expert en autopsie et en analyse des cadavres, son travail consistait de comprendre ce qui a fait mourir ses patients. Ses opérations pouvaient durer d'une heure à plusieurs jours, selon la complexité des blessures. Quand il finissait, ils rassemblaient les corps le mieux qu'il pouvait et les rendaient à leur famille, Domink faisait toujours en sorte de masquer les traces de violence, de rendre le cadavre moins difficile à voir pour les proches. Il leur donnait cet air reposé qui faisait qu'ils semblaient dormir paisiblement dans leur cercueil, à leur inhumation.

Dominik avait dû s'occuper de plusieurs cas durant sa carrière, des morts naturelles comme des meurtres. Il avait aidé les gardiens à avancer dans plusieurs affaires criminelles, il continuait toujours de le faire d'ailleurs. Sa cousine, Joline, faisait le même travail que lui, seulement elle se déplaçait directement sur le terrain, tandis que Dominik restait à sa morgue. Ça l'arrangeait ainsi, de rester en ville mais surtout auprès de sa famille. Il arrivait que son frère aîné, Ivan, sollicite sa présence. Non pas pour le travail, mais pour garder ses enfants quand il descendait à l'abysse avec sa femme, Darcia. Comme Joline, ils se rendaient beaucoup sur terrain, seulement eux s'occupaient des vivants et non des morts. Ils étaient tout les deux médecins spécialistes, Ivan était en plus de ça chirurgien, et Darcia pharmacienne.
Dominik aimait beaucoup ses neveux, même s'il aurait aimé que Yuji se comporte mieux, quoique le garçon grandissait. Dominik l'avait connu depuis très jeune. Les jumeaux avaient quatre ans quand Ivan les avait amenés de l'hôpital chez sa famille avec l'idée de les adopter. Personne ne s'y était opposé, Ivan avait toutes les qualités pour être un bon père pour les orphelins, mais tous savait que c'était surtout pour sa femme qu'il avait pris cette décision. Darcia aurait tout fait pour être mère,  mais son corps était bien trop faible pour supporter la grossesse. Les Ohana étaient bien qualifiées pour savoir comment les choses auraient fini pour elle si elle avait ignoré sa condition médicale afin de porter leur enfant. Lors du rassemblement familial, qui ressemblait plus à un meeting professionnel, Ivan avait parlé plusieurs fois qu'il envisageait d'adopter des orphelins de l'abysse. Il avait avoué à Dominik que Darcia souffrait beaucoup ces derniers temps, son obsession pour la maternité devenait clinique. Elle était passée par une grossesse nerveuse ce mois-ci et malgré les tests négatifs, Darcia avait refusé de croire qu'elle n'était pas enceinte, qu'elle n'allait pas devenir mère. Ivan essayait de l'aider comme il pouvait, malgré tout, sa patience et son professionnalisme ne suffisaient pas pour chasser l'anxiété constante dans laquelle vivait Darcia. Même sa tendresse et son amour pour elle ne la sauvait plus. Dominik avait compris que son frère avait peur de perdre sa femme pour de bon. c'était la première fois qu'il voyait Ivan si las et si misérable.
Qui aurait cru que Yuji et Ozen auraient pu être le déclic de leur vie ? Ils avaient magiquement arrangé tout. Y compris leur vie de couple. Darcia alla instantanément mieux, Ivan aussi. Dominik qui venait souvent leur rendre visite, avait mainte fois remarqué que le couple était beaucoup plus proche qu'avant. Non pas qu'ils aient été distants avant, mais leur relation s'était renforcé depuis qu'ils étaient devenus parents des jumeaux. Ils étaient bien obligés de passer plus de temps avec eux, et entre eux, ce qui les arrangeait.
Parfois, Dominik enviait son frère et l'amour que Darcia avait pour lui. Ce n'était pas vraiment de leur faute, mais quand Dominik les regardait se parler doucement, se chuchoter à l'oreille ou se caressaient inconsciemment les mains.. Il le faisait sentir seul.
Il était certain que lui ne connaîtrait jamais ce genre de bonheur, sa profession jetait un voile noire sur sa réputation, sans parler du fait il passait plus de temps avec les cadavres que les vivants. Il ne connaissait que le froid de la morgue et l'immobilité des morts. Plus jeune, il avait pensé que ça lui conviendrait de vivre ainsi, mais le poids de la solitude commençait à devenir écrasant. Quand il se confia à Joline, elle le prit en pitié, on dirait qu'elle vivait la même situation que lui. Seulement elle avait ses partenaires, et même si ce n'était pas des relations à long terme, Joline se suffisait de leurs compagnies.

- Voir plusieurs personnes à la fois.. je ne pourrai pas Joline.

Dominik sortait d'une réunion au poste des gardiens, où il avait déposé un dossier rassemblant les résultats de son autopsie. Il s'agissait d'un cas particulier, quelqu'un avait trouvé un tableau conçu de peau humaine, vendu dans une vielle brocante. Dominik n'a pas encore pu identifier le prioritaire de la peau, c'est ce qu'il allait essayer de faire dans les prochains jours.
Il avait croisé Joline à la sortie, elle avait troqué son tablier blanc pour des habits chics, ses cheveux noirs étaient coiffés avec soin. Elle attendait une amante. C'est ce qui les amena à discuter le célibat de Dominik.

- Tu veux te caser une fois et c'est bon ? Comme Ivan ?

- Je ne sais pas..

- Il faut savoir Dominik. Si tu ne sais pas, ne t'attend pas à ce qu'on le devine pour toi.

- Ça je le sais.

- Tu commences à vieillir, il faut commencer à chercher dès maintenant. Tu es le dernier célibataire de notre génération, tu le sais ça ?

- Et toi donc ? Demanda Dominik, un peu vexé.

- À ton âge j'avais déjà plusieurs relations en cours, et je ne te parle pas du nombre de ruptures..

-  Ce n'est pas quelque chose dont tu devrais être fière Joline.

- Certes, mais je ne vais pas pleurer non plus. On ne vit qu'une seule fois. Trouve toi une femme et remet ta vie en ordre.

- C'est facile pour toi. Tout le monde t'apprécie.

- Tu n'es pas moche non plus, tu peux facilement plaire si tu étais un peu plus..

- Drôle ? Souriant ? Engageant ?

- Ouaip, mais ne t'inquiètes pas. Comme on dit il faut trouver chaussure à son pied. Je veux bien croire que tu rencontreras la juliette qui n'aura des yeux que pour son Romeo. Une avec un estomac solide, au cas où tu l'emmènes visiter ton atelier du démontage humain..

- Ha, ha, ha.

Ils se séparèrent quand la date de Joline arriva, une blonde magnifique en robe courte et en chapeau rouge. Dominik ne la connaissait pas, bien qu'il soit au courant que sa cousine ait un faible pour les blondes..
Ce soir encore il rentra seul chez lui.
Dominik n'avait d'autres choix que d'ignorer cette sensation de froideur quand il rentrait dans sa maison vide. Il choisit de travailler encore plus pour remplir ses heures et ne plus devoir y penser. Ça marchait à moitié, mais ça marchait tout de même.
En allant se coucher, il repensa au tableau de peau.. Il en a vu des choses bizarres, mais ce morceau était de loin un des plus bizarres qu'il a examiné.
Demain il devrait recevoir une tatoueuse qui était censée accélérer l'identification de la peau, enfin, du tatouage qui y était capturé.
Il se demandait où tout cela les mènera.