Aux yeux d'un chat -3-

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Satoshi s'était réveillé quelques jours après, mais était longtemps resté à l'hôpital. Je restais avec lui, car je m'inquiétais affreusement qu'il lui arrive quelque chose. J'avais peur qu'il parte quand je serai à la maison, comme la dernière fois.
Ollie m'avait apporté ma niche et ma litière, comme si elle avait compris ce que je voulais. Elle était la meilleure, même si elle vivait le pire. Mais elle était forte. Moi, boule de poils, était sûre qu'elle s'en sortiras.
Satoshi allait mieux de jour en jour, ce qui suprenait les médecins, mais il devait tout apprendre de nouveau. Comme marcher sur ses jambes. Je le regardais faire, assise sur le lit. Je voyais qu'il avait changé. Depuis qu'il a ouvert les yeux, il n'a pas dit un seul mot. Les médecins pensaient qu'il a peut être perdu l'usage de la langue, ou pire, touché sévèrement au cerveau, mais moi je savais que ce n'était pas ça.
Il avait l'air si triste, si triste qu'il ne pouvait pas parler.
Ollie dut le comprendre aussi, car elle ne lui disait pas grand chose, à part des mots encourageants. Elle assistait à sa réhabilitation, l'aidait à marcher, à plier ses jambes et ses bras inactifs. Moi, pour ma part, je venais m'allonger sur ses pieds pour le réchauffer. Ou lui montrer de l'affection. Quand il remarquait ma présence, il me caressait la tête, mais c'était tout.

Il sortit de l'hôpital quelques mois après. Ollie l'aida à marcher jusqu'à chez nous. La maison avait beaucoup changé depuis mon départ. Les affaires de Jacob manquait, ainsi que ses photos. Ollie avait tout jeté. Nous recommençames une nouvelle vie, mais ça ne sera jamais comme avant. Les silences s'allongeaient chez nous, Ollie était souvent perdue dans le vide, Satoshi s'enfermait dans la chambre de Ray. Ça dura d'autres plusieurs mois.
Satoshi commença à mieux marcher,il n'utilisait plus les drôles de bâtons qu'on appelle les béquilles. Et il avait décidé quelque chose d'horrible, car Ollie s'effondra quand il lui parla enfin. Ils se serrèrent dans les bras.

- Je dois y aller

- Non !

- Je dois y aller, Ollie.

- Non ! Tu viens de sortir de l'hôpital !Tu ne reviendras jamais !

- Je dois partir, pour Ray. Pour qu'il n'ait pas d'autres Ray..

Je ne comprenais pas tout, mais je voyais la douleur d'Ollie. Je voyais aussi celle de Satoshi. Je sentais aussi autre chose.
Une haine puissante.
Le monstre était réveillé.

Satoshi partit, Ollie pleura pendant des jours entiers. Elle arrêta de travailler pendant un certain temps, accablée par la douleur et l'inquiétude. Je détestas Satoshi pour lui causer tant de mal. S'il ne revenait pas, elle allait mourir de chagrin. Pourtant, il revint. Et il revint changé. Même Ollie le remarqua.
Il redevient le Satoshi souriant qu'on connaissait, un sifflet noir autour du cou. Je savais que ce n'était qu'une façade pour rassurer Ollie , mais peu importe, ça marchait.
Il avait réussi ce qu'il devait faire pour Ray. Ollie lui sauta au cou, et Satoshi lui promit de ne plus lui refaire un coup pareil. Il lui promit aussi de rester avec elle autant qu'elle le voudra, et elle lui proposa de prendre la chambre de Ray, d'y habiter. C'est comme ça qu'il passa plus de temps chez nous que chez les siens. Il occupa le vide qu'avait laissé Ray.

Le temps passa, et la blessure disparut sous une nouvelle croûte artificielle. Les cœurs brisés portaient des sourires pour imiter les heureux. Ma famille recommença vraiment une nouvelle vie. Ollie se fit des amis, Satoshi aussi. Ils en avaient beaucoup ! À l'anniversaire d'Ollie, j'étais descendue aux jardins, pour les voir fêter sa quarantaine ensemble.. Ollie dansait avec une fille blanche comme ma plus jeune petite-fille. Et oui, j'étais une grand mère chat ! J'avais quinze ans, c'était un bel âge. Satoshi, quant à lui, dansait avec un homme, tout autant blanc. Et ils avaient l'air heureux. Ollie et Satoshi. Ma famille. Je les laissas s'amuser et retournas surveiller ma progéniture jouer sur le tapis. Je n'avais plus la force de m'amuser avec eux, mes poils commençaient à tomber, mes pattes étaient fatigués, ça ne m'empêchait pas de m'asseoir et les observer profiter de leur jeunesse. Un jour, moi aussi j'étais comme ça. Et j'avais rêvé d'une présence maternelle. Je ne priverais pas mes petits de ça.

Il sembla que je n'allais pas tenir à toute mes promesses.
Le jour suivant la fête, Ollie et Satoshi partirent à la plage avec leurs amis. Ils nous laissèrent assez à manger pour une semaine. Comme toujours. Ils avaient peur qu'on crève de faim pendant les quelque heures de leur absence. Mes chatons et mes vieux amis mangèrent, mais pas moi, je restais dans ma niche. Je n'avais pas vraiment faim.
Le jour après, Satoshi est le seul qui sortit, Ollie resta avec nous. Elle remarqua que je ne mangeais pas, alors elle appela le vétérinaire Ohana qui a pris soin de moi depuis si longtemps. Quand elle me vit, elle secoua gravement la tête.
C'est l'âge.
Moi, je le savais. Et je n'étais pas triste, seulement fatiguée. Satoshi ne revint pas ce soir, ni les suivants. Je m'efforcais à manger, pour faire plaisir à Ollie, je ne voulais plus la voir en larmes à cause de moi.
Mais au bout de la dernière semaine, mon corps lâcha. Mes pattes ne voulaient plus soulever mon poids, ma tête était lourde. Je respirai mal.
Ollie était entrain de me caresser alors que je rendais mon dernier souffle dans ma niche quand la porte s'ouvrit. J'entrevis ses jambes courir vers moi, il arrivait à temps.
Qu'est ce qu'elle a ? Qu'est ce qui lui arrive ? Boule de poils.. ? non ! non ! Boule de poils !
Je toussais, ma poitrine osseuse se soulevait lentement. Je ne pouvais pas tourner les yeux vers lui.
Boule de poils, s'il te plaît ! Tiens bon !
Je rassemblais mes dernières forces pour miauler. Un long miaulement qui déchira mes vieux poumons.
Si seulement je pouvais parler, je leur aurai dit de ne pas me pleurer. J'ai été le chaton le plus heureux du monde avec eux. Je leur aurait aussi dit qu'à travers mes yeux de chat, ils étaient la plus belle famille que j'ai eu. Qu'ils étaient forts, qu'ils pouvaient survivre sans moi.
J'ai veillé sur eux pendant tout ce temps, maintenant il est temps pour moi de partir, et eux de continuer d'exister, d'aimer, de vivre leur plus belle vie avec leurs proches, leurs amis, comme moi avec eux.
Mon deuxième miaulement fut extrêmement faible. J'avais quitté ma niche, Satoshi me serrait contre lui. Mais je ne bougeais plus.
Mon cœur de chat arrêta de battre.
Adieu, mes amis.
Adieu, ma famille.

Souvenirs ( Basé sur un rôle play )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant