Famille

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Les fleurs du cerisiers venaient d'éclore. Ses pétales roses paraissaient translucides sous le doux soleil de printemps, la saison favorite du seigneur Tanaka. Avec un âge aussi avancé que le sien, on commence à apprécier la simplicité des choses que la vie avait à nous offrir. Par exemple l'élegance des jardins que ses ancêtres avaient planté autour de leur palais, fleurs et arbres fruitiers, le parfum des abricots mûres attendrissait l'air, le bourdonnement des abeilles venu se nourrir de leur récolte.. Mahito Tanaka aimait la nature. Comme ses ancêtres, et comme les générations à venir des Tanaka. Leur bonheur de coeur était étroitement lié à elle et cela depuis toujours.
La nature était la définition de la paix, la prospérité et la richesse spirituelle.
Le seigneur Tanaka trompa son pinceau dans l'encre noir et dessina délicatement la première lettre shuan de son actuel ressenti sur un parchemin blanc.
Ataraxie. Paix du corps et de l'âme. Il allait ajouter un autre symbole quand il entendit des pieds nu fouler l'herbe. Il leva la tête sur un petit garçon en kimono rouge qui courait vers lui. Ses cheveux roux lui arrivaient aux épaules, très courts pour un Tanaka.

- Grand père Mahito, cache moi ! Aiko va me trouver !

Il observa longuement le visage du garçon. Ses courts cheveux rouges en pagaille.. il trouvait ça affreux, mais pas autant que ses yeux aveugles. L'enfant de Hikaru, le Tanaka maudit.
La misère de leur famille.
Mahito Tanaka souleva le pan de ses vastes robes rouges. Satoshi s'y glissa, le seigneur laissa tomber le tissu sur lui. Bientôt une jeune fille apparut, accompagné de son petit frère qui avait le pouce dans la bouche. Tout les deux, des longs cheveux rouges.

- Grand père, tu n'aurais pas vu Satoshi par hasard ?

- Oui, répondit-il de sa voix grave. Il était là.

- Il est parti où ?

- Vous devez le trouver vous même. Ce sont les règles du jeu. Mais vous êtes sur le bon chemin, il est passé par là.

- Merci grand père ! Viens Daisuke, on va trouver Satoshi ! On va pas le laisser gagner.

Elle traîna son petit frère derrière elle vers les jardins de pêches et d'abricots parfumés. Ce n'est que quand ils furent loin, que Mahito retira les habits de la tête de son petit fils, attendant qu'il se lève mais il ne le fit pas. À la place, il palpa ses parchemins et ses bouteilles d'encre devant lui.

- Grand père, tu fais encore de la cali.. Cali.. euh..

- Calligraphie.

- Oui ça ! Maman dit que tes écritures touchent le cœur !

Le petit Satoshi quitta sa cachette et s'assit juste à côté de son grand père, sous le cerisier. Il se dirigeait avec ses mains pour trouver sa place. Pas une fois le seigneur ne tendit la main pour l'aider. Il devait se débrouiller seul.

- Tu ne vas pas jouer avec tes cousins ?

- Non, je veux rester avec toi, grand père.

- Tu vas t'ennuyer, Satoshi. Va jouer avec les enfants.

Le petit Satoshi secoua vigoureusement la tête. Il n'allait pas bouger d'ici. Le seigneur Tanaka ne le congédia plus, il reprit le pinceau, et réfléchit au prochain symbole qu'il dessinera.

- Grand père, comment je peux reconnaitre une pêche et un abricot ?

La saison de récolte approchait. C'était la saison préférés des enfants Tanaka, car leur famille leur préparait des bons gâteaux de riz aux fruits. Ils aidaient à récolter les fruits des arbres.
Satoshi n'a jamais été permis de le faire, car il était aveugle. Il n'était pas permis de faire plusieurs choses. Ses parents avaient peur pour lui, peur que son grand père ne décide de s'en débarrasser s'il devenait encombrant, comme le voulait la tradition. Il leur faisait une énorme faveur, et tout simplement parce que c'était le fils d'Osamu.
C'est ce qu'il avait pensé.

- Les abricots sont plus petits et plus doux, quand tu les coupes en deux, tu sens que la chair est moelle, et plutôt sèche. Les pêches ont la peau plus rêche, et une chair à filament, très juteuse.

À un enfant normal, il aurait suffi de montrer les deux fruits, mais avec cet enfant, c'était impossible. Tout devait être dit en détail.. Exactement comme son éducation. Le Seigneur Tanaka faisait suivre Osamu pour bien l'éduquer, histoire de contenir sa transformation le plus longtemps possible.

Le petit Satoshi fermait et ouvrait ses mains, imaginant sans doutes la pêche et l'abricot.. Le seigneur Tanaka ébouriffa ses cheveux désordonnés, coupés à la hâte.
Ils avaient pris feu tout seuls, avaient-dit ses cousins.. Et les clous sur lesquels il a marché, c'était aussi un accident.. Exactement comme le sable et les graviers tranchants dans ses chaussettes, personne ne savait comment c'était arrivé là..
Le seigneur Tanaka n'était pas dupe. Son petit fils était la cible d'harcèlement de ses cousins. Pas tous, mais la plupart parmi les héritiers. On le détestait parce qu'il était aveugle, et parce qu'il avait montré des aptitudes avancés pour son âge. Si Mahito Tanaka avait fermé les yeux sur le côté tordu de son histoire, il l'aurait appelé un prodige. Un enfant qui le dépassera un jour en tout, et qui fera la fierté de sa famille. Parce qu'il avait bon cœur, en plus de ça. Quand ses cousins devaient être puni, il demandait toujours qu'on leur pardonne. Le seigneur Tanaka les faisait fouetter malgré tout. La correction était inévitable. Les Tanaka ne voulaient pas de lâche dans leurs rangs.

- Je crois que j'ai compris ! Je vais demander à maman si je peux aider dans la récolte cette année !

Le garçon se levait, et détalait déjà vers le palais, laissant un sillage derrière lui dans les hautes fleurs.
Il lui rappelait son fils, quand il était plus jeune.
Le seigneur Tanaka regarda longuement les pétales du cerisiers tourner dans le vent, trompa son pinceau dans l'encre, et traça sur le parchemin son actuel ressenti.
Famille.

Souvenirs ( Basé sur un rôle play )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant