Chapitre 35

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8 mois plus tard

Je vérifie le courrier comme tous les soirs en rentrant du travail. Encore une enveloppe sans cachet, je sais déjà d'où elle provient. J'en reçois une par semaine, le même chèque avec ce montant qui me révulse désormais. Mais il ne veut pas comprendre, que je ne veux plus de cet argent sale. Je le déchire et le jette à la poubelle. Je pénètre dans mon appartement en colocation. Mes moyens actuels ne me permettent pas autre chose. Entre l'école de stylisme et mon emploi précaire dans une maison de couture prometteuse, je ne roule pas sur l'or.

À chaque fois, que je reçois ce chèque, je pense à lui. Je me sens si bête de penser à mon bourreau. Des mois pour me relever de cette trahison. Depuis, mon père refuse de me parler, ma mère a passé l'éponge. Elle me donne de ses nouvelles, mais il refuse de me pardonner. J'ai tenté il y a un mois de me rendre en Floride, grâce à ma colocataire qui m'a prêté de quoi acheter un billet. Je me sens si misérable. Mais il a refusé de me voir, on m'a ramassé à la petite cuillère.
Ma colocataire, Ally, prépare le dîner, c'est son tour. Avec nos moyens, fini les mets les plus succulents. Mais étrangement, ça m'importe peu, je suis en paix avec moi-même, je peux me regarder dans une glace.

— Hey Inès, tu rentres tard.

— Oui, on prépare ce satané défilé et tu sais comment est Roberto.
Elle pouffe de rire.

— Va te rafraichir, on ne va pas tarder à manger.

Je profite pour masser ma jambe, qui prend cher à rester debout des heures.
Je me douche et enfile le premier pyjama premier prix acheté dans une chaîne bon marché. Mais je m'en contente, c'est mieux que de porter des pyjamas en soie en échange de ma compagnie.
Je rejoins Ally, qui est déjà en train de nous servir, une vie simple, loin de l'agitation médiatique, je mange en silence.

— Encore ce chèque.

Je n'ai pas caché mon passé d'escorte à Ally, elle a été le seul soutien ces derniers mois. Elle sait ce que ce chèque produit sur ma santé mentale.

Je confirme d'un hochement de tête et avale quelques bouchers.

— Ce connard a du culot.
Je souris.

— N'en parlant plus. C'est lui accorder de l'importance.

Je finis de manger, je me débarrasse et m'occupe de laver la vaisselle. On allume la télévision, une chaîne qui parle des célébrités et de la mode. On s'informe des dernières nouvelles et nouveautés que porteront les stars de Hollywood.

Je suis en train de répondre à un message de camarade de l'école de mode quand j'entends un prénom qui a une consonance arabe. Mes yeux se posent sur l'écran et je me fige. Ce que je vois me renvoie des mois en arrière. On parle de lui. Je demande à Ally d'augmenter le son, ce qu'elle fait en me fixant avec curiosité.
Ce que j'entends me paralyse sur place, il se fiance à une actrice de renom international. Je crois rêver, le sort s'acharne aujourd'hui.
J'éteins la télé et je fonce dans ma chambre pleurer sur mon sort. La porte s'ouvre sur Ally, cette fille est une perle rare, elle comprend assez vite mon état.

— C'est lui ?

— Oui.

— Je suis désolée.

— Pourquoi ? Tu n'y es pour rien.

Elle s'éclipse de la chambre, me laissant avec mes démons, car je dois les affronter seule. Je décide de faire des recherches sur Internet. Je m'étais jurée de ne jamais le faire après sa trahison. Mais le revoir a suscité une sorte de curiosité malsaine. Je fouille, sur un site à scandale omanais. Il n'a pas connu de déboire ces derniers mois, sa vie était plutôt calme, ce qui est étonnant vu son tempérament explosif. Je n'ai pas appris grand-chose, sa vie est très secrète. Je me déconnecte et je m'allonge, repensant à cette histoire qui a bouleversé ma vie. J'espère qu'une chose au fond de moi, ne plus jamais le croiser, car qui sait ce qu'il se passera, ma haine s'est agrandie. Mais ne dit-on pas qu'il n'y a qu'un pas de l'amour à la haine, et en sens inverse ?

Le lendemain, je me prépare à rejoindre l'école de mode pour la matinée et mon travail avec Roberto. Ce travail, je l'ai obtenu après un acharnement effréné. Je l'ai inondé de demandes écrites, téléphoniques, par e-mail durant des semaines. Je me rendais à la maison de couture tous les jours, qu'il vente, qu'il pleuve. Et un jour, je reçois un appel de son assistante, m'informant d'un entretien, mais qu'il ne me promettait rien, car je n'avais aucune expérience. Le jour de son entretien, il m'a posé une condition : intégrer une école de mode pour apprendre les bases, ce que j'ai accepté. Il s'est occupé de mon inscription, j'ai refusé, mais il a insisté. Je ne voulais plus refaire marche arrière dans ma vie. Je le rembourserai une fois que je réussirai par mes propres moyens.

Le matin, je m'initie à la couture. C'est une formation accélérée, tout va trop vite. Mais je tiens bon, je dois avoir les bases le plus rapidement possible. Je pose mon patron, je me masse la nuque. Je range mes affaires, je mange sur la route, je n'aurais pas le temps de manger avec Roberto.

Michto malgré moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant