Chapitre 51

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Depuis trois semaines, je trouve Amir devant ma porte, à l'école ou au travail. Il est bien comme son père, il est acharné. À la différence que j'aurais tout donné pour lui. Mes sentiments étaient réels, j'ai appris à aimer sa personne au gré de nos voyages, de nos échanges.

Ce soir, je l'observe en bas de mon immeuble, il est trempé sous la pluie et il tient une pancarte, l'encre s'efface peu à peu. Ally me rejoint, le regarde, elle rit.

— Il commence à me faire de la peine.

— Tu as trop de cœur, Ally.

— Arrête, ça se voit que tu es touchée.

— Il ne mérite pas mon empathie.

J'enfile un manteau, je claque la porte de l'appartement, je descends les marches à reculons, je m'insulte intérieurement. J'aurais aimé être cette femme qui le regarde souffrir en riant. Mais j'en suis incapable. J'ouvre la porte du hall. Il me fixe avec tristesse, j'ai le cœur en miette. J'avais tout vu dans ce regard, sauf autant de chagrin.

— Tu veux finir en soin intensif ?

— Tu t'inquiètes pour moi.

— Non !

— Alors, je vais rester là.
Je souffle lourdement.

Je lève la tête vers le ciel, la pluie tombe en trombe. Je ne réfléchis pas longtemps, je le saisis par le bras. Il ne se laisse pas faire, il reste sur place.

— Tu es complètement fou.

— Je suis fou de toi.
Ma main le relâche.

— J'ai enfin mis des mots sur ce que je ressens.

— Je crois que c'est trop tard pour.

Sa tête se baisse, cette image me brise viscéralement. Mes larmes se mélangent aux gouttes de pluie, j'aimerais ne rien ressentir, avoir une révulsion pour les mots que j'ai tant espérés. Mais j'en suis incapable et je me déteste d'être comme ça.

Je l'attire vers l'intérieur du hall et il se laisse faire cette fois. On monte les marches, ses vêtements gouttent sur son passage, je l'entends grelotter. Je le fais entrer, Ally nous observait, elle affiche un sourire aux lèvres. Je lis sur ses lèvres : il est canon. Je pouffe de rire.

— Je vous laisse, je vais me coucher.

J'enlève sa veste et l'accroche près du radiateur. Je le dirige dans ma chambre, je me saisis d'une serviette, je lui sèche la tête, il ne réagit pas. Je l'entraine dans ma salle de bain, il se déshabille, toujours le regard baissé. Cette fois, c'est moi qui lui relève la tête. Il me fixe avec tristesse. Je suis happée par sa peine. Il se glisse sous l'eau chaude, ses yeux ne me quittent pas du regard. Je peux y déceler ses regrets, je me déshabille. Il est perturbé par mon geste. Je me glisse à ses côtés, je profite de l'eau chaude. Les quelques minutes sous la pluie ont eus raison de moi. Je m'approche de lui.

— Pourquoi, Amir ?

— Pour de mauvaises raisons.

— Je suis quoi ?

— Le fruit d'une vengeance.

— Est-ce que c'est toi qui l'as révélé à mes parents ?

— Je t'ai déjà dit que non.

— Est-ce que c'est ton père ?

— Je ne sais pas, on ne s'adresse plus la parole.

— Pourquoi ?

— À cause de toi. En trois mois, il a perdu toute sa tête. Il a quitté femme et enfants pour une petite jeunette qui profitait de lui.

— Ça ne s'est pas passé comme ça, Amir.

Je sors de la douche, je me sèche et enfile un t-shirt. Je me rends dans ma chambre, je fouille dans mon placard et récupère un t-shirt et un boxer. Je lui ramène et lui tends.

— C'est à un de tes amants ?

— C'est très insultant, étant donné que ce sont tes affaires.
Il me regarde, hébétée.

Il se saisit des affaires et les enfile. Je l'invite à se mettre au lit, comme n'importe quelle petite amie qui prendrait soin de son copain. Sauf que je ne suis pas sa petite amie et que je suis une simple vengeance.
Je reviens dans la chambre avec deux chocolats chauds, je lui tends sa tasse, je m'installe sur le bord du lit et en bois quelques gorgées.

— Merci, Inès.

— Je ne voulais pas avoir ta mort sur la conscience.
Il sourit.

— Raconte-moi ce qui s'est passé ?

— C'est un ami qui nous a présentés lors d'une réception. Omeïr a insisté pour me revoir. Mais j'étais déjà en contrat, j'ai donc décliné. Les jours suivants, il m'a retrouvé et s'est ensuivi une sorte de harcèlement. Il me faisait livrer les plus chers articles. Au bout de trois semaines de poursuite, j'ai cédé, la pire erreur de ma vie.

— Qu'est-ce qu'il t'avait dit ?

— Qu'il était un veuf et qu'il se sentait seul.

Michto malgré moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant