Chapitre 11

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Narcisse la rejoignit dehors à peine quelques minutes après l'avoir laissée. Adryanna avait revêtu son manteau pourpre, épais et adapté au genre de climat qu'il régnait en France : un froid glacial et un vent tout aussi gelé. La blonde portait à présent une cape verte, couleur sapin, qu'elle avait fait retomber sur le haut de son visage pour cacher ses cheveux.

La brune esquissa un sourire en coin.

« Tu as peur d'être reconnue ? »

La voleuse se porta à sa hauteur, secouant la tête.

« Tu pourrais l'être aussi, maintenant. »

Cela fit l'effet d'une douche froide à la corsaire, qui ravala sa fierté en détournant le visage. Il était plus qu'inutile de lui rappeler les évènements de la veille, qu'elle avait encore du mal à traiter. Elle serra le poing, essayant de ne pas enfoncer ses ongles dans sa peau jusqu'au sang.

« Allons-y. »

Sans faire attention à la présence de la voleuse à ses côtés, elle se mit à avancer en direction des ruelles. A cette heure-ci, personne ne marchait dans la rue sauf les passants les plus éméchés, qui n'avaient plus conscience de leurs obligations et de la nuit profonde. Seules les vagues de la mer qui venaient se briser sur le quai s'entendaient au loin, ainsi que quelques cris de mouettes et de rares calèches passant sur les pavés. Décidée à en savoir plus, elle inspira profondément avant de briser le silence qui accompagnait leurs pas.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé, avec mon père ? Pourquoi était-il blessé ? »

Le regard de Narcisse croisa celui de la brune, l'air navré et sincère.

« C'est ma faute. Des gardes m'ont reconnu, quand nous étions en train de marcher pour nous éloigner de la taverne. J'étais en train de parler, et je n'ai pas vu leurs uniformes. Ton père a voulu me défendre, c'est lui qui a pris le coup à ma place. Mais heureusement, ce n'était pas trop brutal. »

Adryanna souffla du nez sans aucune joie. Pas trop brutal ? C'était facile à dire, pour quelqu'un qui en était sorti indemne. Elle hocha la tête en regardant droit devant elle, l'air pincé. Décidemment, cette fille avait le chic pour mettre les autres dans des situations embarrassantes, ou plutôt catastrophiques. Elle-même avait tué pour elle, sans y réfléchir un instant. A cette pensée, elle retint un nouveau frisson de dégoût, et secoua la tête pour ne plus y penser.

« Comment mon père t-a-t-il reconnu exactement ? Je n'avais même pas connaissance de ton existence, pourtant je connais dans les grandes lignes ta famille. »

La blonde regardait ses pieds, l'air pensive. Son visage était caché par la nuit, mais on devinait ses traits irréguliers, et son nez en trompette. La corsaire avait aperçu ses yeux verts, lors de son arrivée peu de temps auparavant. Elle avait un visage commun, passe-partout. Mais on comprenait sans mal qu'elle possédait un caractère affirmé, et peu ordinaire. Cela se lisait dans son regard, accentué par une ride prononcée au-dessus des sourcils, qu'Adryanna avait remarqué à la lueur des bougies. La voleuse devait souvent avoir de bonnes raisons de les froncer.

« Je ne connaissais pas ton père. Est-ce qu'il t'a dit qui j'étais ?

— La sœur de Makarios Medvedev. C'est tout ce que je sais. »

Et ce n'est déjà pas quelque chose de rassurant. Elle n'aimait pas cet homme. En fait, leur famille entière était réputée pour ne pas être digne de confiance. Makarios était un manipulateur, de ce que l'on lui avait dit. Et il avait la personnalité d'un serpent, se faufilant dans la vie et l'esprit des autres sans même qu'ils ne s'en rendent compte. Le peu de visites que celui-ci avait déjà rendu à son père ne lui avait pas laissé un bon sentiment. Il était gentil, enfin en apparence, mais on sentait derrière la façade de la gentillesse un esprit vif et tordu. Elle s'en méfiait viscéralement.

Les larmes de la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant