Chapitre 23

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L'atmosphère était lourde sur le port. Ce n'était pas simplement le fait qu'un vent du Sud y soufflait puissamment malgré la basse température qui y régnait, il y avait quelque chose de bien plus profond que cela.

Le brouhaha des passants et des badauds emplissait si bien l'endroit que l'on s'y entendait à peine échanger, les cris des capitaines et des marins surpassant les paroles de chacun. L'odeur habituelle de poissons ramenés par les marins était remplacée par celle des barils de poudre que l'on chargeait sur le navire, accompagnés du ravitaillement.

Il fallait un nombre de matelots incalculable pour remplir la cale avec les provisions nécessaires à ce trajet, tout en sachant qu'ils ne pouvaient tout prendre pour la totalité du voyage. Si les fruits et légumes pourrissaient, tout le monde savait quel genre de maladie pouvait se répandre parmi l'équipage. Ismaël connaissait ces risques mieux que quiconque à bord, et il avait déjà veillé personnellement à ce que tout soit prêt et organisé de façon précise.

Si des cris de joie se faisaient entendre occasionnellement, ce qui surplombait l'ambiance était un mélange curieux de fascination et d'appréhension, un pacte entre le mystère et l'angoisse. On aurait cru qu'un étrange cortège mortuaire s'y préparait, tant certains visages étaient fermés. Bien sûr, chez certains, on lisait la fierté et l'assurance, celle de naviguer sur un bateau affrété par sa Majesté elle-même dans une expédition que très peu de marins pourraient s'être vanté d'avoir effectué.

La plupart des visages de ceux qui avaient l'honneur d'embarquer reflétaient une part d'appréhension, l'angoisse du départ pour un voyage dont beaucoup ignoraient la destination.

Le capitaine du bateau, Sir Francis Hamilton, se tenait sur le bord du quai. Sa tête était baissée sur une planche récapitulant tout ce qui devait se trouver au sein du navire avant leur départ. Ses traits étaient tirés, et ses épaules voutées auraient parfaitement pu refléter combien il semblait porter le monde. Il semblait ne pas avoir dormi depuis une décennie.

Adryanna le regardait au loin, seule une mine grave et sérieuse se lisant sur son visage. Elle ne prêtait pas attention à son environnement, seul le bateau devant ses yeux captant son intérêt, ainsi que son équipage et ses commandants.

Son père était d'ores et déjà en train d'échanger avec le gouverneur, venu personnellement superviser l'expédition depuis Londres.

En le reconnaissant, Adryanna faillit laisser échapper un mince sourire. Il s'agissait en réalité du fils d'un vieil ami de son père, et un de ses intimes qui avait appuyé sa candidature en tant que corsaire à peine quelques années auparavant. Tredy était un jeune gouverneur, cela se lisait sur ses traits pas encore assez ridés pour qu'on le respecte pour son expérience. Quoique, quelques cheveux gris faisaient déjà curieusement leur apparition, ce qui amusait certains. Une esquisse de sourire se forma sur le coin de ses lèvres.

Les larmes de la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant