Chapitre 31

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La jeune femme déglutit, accusant le coup en restant quelques instants figée, puis redressa la tête en le regardant d'un air plus dur.

« Sa Majesté a toujours su pour le mal qui m'affectait, comme mes sautes d'humeur, mon père le lui avait dit et je n'ai en aucun cas de comptes à rendre à ce sujet. Cela ne me concerne que moi, et si j'ai fait serment à la reine d'être en état de diriger un bâtiment et tous ses hommes, c'est que j'en suis capable.

— Je n'en doute pas, mais tu peux comprendre que les bruits qui courent la poussent à rester prudente...

— Quels bruits ? Vous évoquez des rumeurs, des commérages, mais soyez plus précis je vous en prie. Je ne peux répondre à des accusations fantômes. »

Tredy se tritura quelques instants les doigts, évitant le regard d'Adryanna pendant qu'il essayait de choisir les meilleurs mots avec lesquels dire ce qu'il allait formuler.

« Eh bien... D'après ce qu'il se dit, tu pourrais avoir des accès de violence et de colère. Certains disent même que tu aurais déjà fait du mal à des marins, à cause d'un manque de respect. Evidemment, il n'y a pas de preuves, mais...

— C'est vrai. »

Son ton était sec, sans appel. Elle le regardait de ses yeux marron durs et perçants, sa pupille légèrement agrandie comme à son habitude. Sa marque distinctive était aussi celle qui rendait visible ses faiblesses, elle l'avait toujours su, mais elle ne pensait pas qu'un jour tous ses défauts les plus intenses seraient liés de cette façon. Elle croisa les jambes et le toisa du regard. Ses traits étaient secs et tirés, sans adoucissement.

« Ce que vous venez de dire est vrai, à propos de ces hommes sur le port. Je comprends la justice de sa Majesté, et je la respecte comme je la ferais toujours respecter, mais il se trouve des occasions où la loi n'est nulle alliée.

— Adryanna, te rends-tu compte de ce que cela signifie ? Si l'on trouve des éléments contre toi, tu pourrais avoir droit à un procès ! Et je ne parle même pas des rumeurs de meurtre qui avaient circulées il y a des années, en France !

— Ces rumeurs n'ont jamais trouvé de preuves ! L'enquête n'a rien donné. Et personne n'ouvrira un procès contre moi, vous le savez. Et, de plus, nous nous écartons du sujet. Que dit-on d'autre à mon encontre ?

— Certains... Pensent que vous êtes une sorcière. Ils voudraient vous voir au bout d'une corde, vous les effrayez. Bien sûr, nous avons fait taire les rumeurs mais...»

Le visage de la jeune femme se radoucit tandis qu'elle murmura presque, d'un ton calme.

« C'est à cause de mes yeux, n'est-ce pas ? Cela n'a rien à voir avec mon statut, ces rumeurs-là viennent de mon visage. De mes pupilles. »

Le jeune homme se contenta de déglutir en hochant la tête, l'air contrit.

« Je crains fort que oui. Ça et votre... instabilité émotionnelle.

— Je n'ai pas à me justifier à ce sujet. Ma mère avait des connaissances de ce mal, il est purement familial et personnel, j'en souffre déjà assez pour qu'en plus on me reproche ce que je ne peux changer.

— Je sais, croyez-moi je le sais bien, mais tout le monde en ville n'est pas de cet avis. Votre place devrait être en pension, d'après ce qu'ils disent, et sûrement pas... Au commandement d'un navire. Ils disent que c'est la punition de la mer pour avoir osé mettre une femme sur un bateau. »

La brune se leva d'un coup, dans un sursaut, et trancha d'un ton sec :

« J'en ai assez entendu. Que pense la reine de tout ça ? Que pensez-vous, de tout ça ? »

Les larmes de la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant