Chapitre 37

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Le matelot sursauta et la regarda, les yeux écarquillés. Il était en train de décharger quelques tonneaux de ce qui semblaient être des épices, et visiblement ne s'attendait pas du tout à ce que l'on vienne l'aborder. Ou, du moins, à ce qu'une personne comme elle vienne. En d'autres circonstances, elle aurait pensé à sa première rencontre avec Elijah, aux grands yeux couleur cèdre qui l'avaient regardé avec le même air irréel, mais aujourd'hui son cœur et son esprit étaient ailleurs. Elle enchaina.

« Je suis à la recherche d'informations, sur une frégate ayant quitté le port il y a des mois. Une expédition à l'est des Caraïbes. Tu en as entendu parler ?

— Je... Non madame, désolé madame. Nous n'étions pas dans les eaux caraïbéennes, mais... Le navire, là-bas, vous le voyez ? »

Il pointa du doigt un bâtiment naval à l'allure quelconque, le mat en piteux état et l'équipage moindre. Elle hocha la tête.

« C'est le bateau du vieux Juan, un marchand qui traine souvent dans ces eaux-là. 'Devriez aller le voir. »

Nouveau hochement de tête.

« Très bien, merci. »

Elle lui lança une pièce sans prévenir, qu'il attrapa au vol dans un réflexe naturel, les yeux un peu plus écarquillés encore devant l'argent que cela représentait. La jeune femme s'éloigna en direction de l'autre navire, n'ayant pas de temps à perdre. Elle connaissait Juan Pablo, c'était un marchand très ami de son père, et il avait souvent été le messager de bien des nouvelles.

C'était aussi un Espagnol. Si de prime abord elle s'en était méfié, il avait vite su gagner sa confiance. De plus, elle savait qu'il devait être méprisé régulièrement dans ce contexte de tensions entre les Anglais et sa nation. Des navires anglais attaquaient les Espagnols depuis déjà quelques temps, désireux d'élargir leur zone de commerce en affaiblissant l'ennemi. Peu importe si c'était pour le commerce, les deux nations se détestaient.

Heureusement pour le marin, il disposait d'un laisser passer de la couronne britannique, en échange de quelques impôts supplémentaires.

Déglutissant, elle s'avança vers lui.

« Juan ! »

Le marchand tourna le visage vers elle, ses épais sourcils profondément froncés, avant que ses yeux ne s'illuminent en la reconnaissant.

« Mademoiselle Samaras ! »

Un grand sourire éclairait totalement son visage, déjà habillé par une immense barbe mal taillée. Ses vêtements étaient sales, preuve de son long séjour sur le bateau, et il semblait épuisé.

Elle s'avança vers lui en souriant.

« Mon vieil ami, cela fait longtemps que l'on ne t'avait pas vu mouiller au port.

— Tu connais les affaires, Adryanna, pour des achats de grande valeur, il faut faire de longues distances ! Enfin, surtout pour éviter les Anglais qui peuplent les routes maritimes à la recherche des Espagnols. Ils ne se soucient pas de savoir si j'ai l'autorisation ou non ! »

Elle adorait la consonnance de son accent sur les syllabes des mots anglais.

« Que nous ramènes-tu cette fois ?

— De tout, surtout des étoffes qui plairont aux riches ma foi, mais j'ai préféré multiplier les escales pour faire un maximum d'échanges avant de rentrer avec la cargaison finale. Et toi, que deviens-tu ? »

Elle pinça les lèvres.

« Je suis bloquée à quai. Mon père est parti pour une longue expédition, à la recherche d'une épave à l'est des Caraïbes, mais je suis sans nouvelles depuis quelques temps déjà. Tu n'aurais rien entendu, à tout hasard ? »

Les larmes de la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant