chapitre 5

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     Des pleurs résonnèrent dans la pièce. Rentré plus tôt que prévu, Louis avait découvert une forte odeur et les corps mêlés de son fils avec une fille qu'il appréciait vaguement. S'il avait d'abord ri, sa colère avait pris le dessus. Megan cachant son corps nu sous la couverture, Mike avait juste eu le temps d'enfiler son short avant de recevoir un coup au visage. Il tomba à la renverse et évita de justesse le radiateur.
     — Je croyais que cette gonzesse était une couverture pour ta relation de pédé avec Jay, j'imagine que j'avais tort.
     — Papa, arrête. Laisse-nous, on ne t'embêtera pas.
     — C'est un spectacle que tu me réservais là ! Une belle minette. Je l'avais jamais vue comme ça. T'as du goût, fiston.
     La peur terrassa Megan qui imaginait le pire. Elle lit dans ses yeux une certaine salacité et son état d'ivresse l'effrayait. La jeune femme repensa à Chris qui avait abusé d'elle pendant des années. Revivre la même chose était impensable. Megan se tourna vers son petit-ami qui semblait comprendre sa détresse, connaissant son histoire. Mike se releva malgré sa tête qui l'élançait et s'interposa entre Megan et son père. Ce dernier rit grassement, un son qui retournait l'estomac de la jeune femme. Louis semblait ne pas la quitter des yeux et s'amusait à prétendre qu'il retirerait le drap. La pièce était petite, quelques secondes suffiraient pour lui d'atteindre le lit.
     — Quoi ? T'as peur que je me la tape ? J'te la volerai pas, fiston. J'veux juste un coup d'œil.
     — Hors de question ! Laisse-la tranquille ! Je ne te laisserai jamais faire ! s'écria Mike.
     Son corps entier tremblait de peur et de colère, il ne survivrait pas si son père venait à toucher Megan. Il faudrait le tuer d'abord. La force cuisante de Louis surpassait la sienne et il ne lui fallait aucun effort pour l'écarter de son passage. Balayé à l'autre bout de la pièce, Mike se heurta violemment le dos contre le miroir qui se brisa sur lui. Il sentit quelques morceaux de verres entailler sa peau et gémit de douleur. Mais il l'oublia en voyant Louis arracher la couverture que Megan avait essayé de garder contre son corps nu. Le rire gras de Louis l'horripilait, comme si un insecte entrait à l'intérieur de sa peau et se multipliait partout. Les cris et pleurs de sa petite-amie s'intensifiaient, continuant de repousser Louis avec ses bras frêles. Et à ce moment, son cerveau s'éteignit, la main droite saisissant un gros morceau de miroir qui le faisait saigner et ses jambes s'élancèrent malgré la douleur qui tiraillait son corps entier. Il traversa la pièce à grandes enjambées et abattit sur son crâne le morceau de verre. Megan s'écarta, se réfugiant dans les bras de son petit-ami, et tous les deux regardèrent le corps inerte de Louis s'effondrer au sol.
     — Ça va ? demanda Mike en la forçant à détourner les yeux.
     Ainsi, elle ne vit pas le sang se répandre sur la moquette. Cette vision d'horreur ne laissait aucun doute, Louis était mort sur le coup ; il ne respirait plus, ses yeux perdus dans le vide. Megan se libéra de la prise de Mike et réalisa ce qui était en train de se passer. Bouche bée, elle n'avait jamais imaginé ce dénouement.
     — Mike...
     — C'est fini maintenant, murmura-t-il. On est libres. Je suis libre.
     — Mais tu vas te faire arrêter ! Et s'ils te mettent en prison ? s'affola Megan. On aurait dû le laisser faire !
     — Quoi ? s'étrangla Mike. Mais tu t'entends ? Jamais de la vie ! Tu n'as pas le droit de penser comme ça, Megan !
     Elle finit par sangloter dans ses bras mais il ne dit rien. Il comprenait sa réaction. Mike risquait la prison, et si les forces de l'ordre ne le croyaient pas ? Après tout, Louis s'était toujours montré respectable en société, avec un emploi de cadre et stable. Une fois que la porte se refermait derrière lui, il redevenait le monstre. Megan, qui avait subi de nombreux abus sexuels dans son enfance, s'était dit qu'une fois de plus ne serait pas si grave, tant que ça épargnait Mike. Cette idée le rendait fou. Il ne laisserait personne abîmer son corps. Il ne laisserait personne l'atteindre. C'était eux deux contre le monde entier et il la protégerait toujours, même si cela signifiait devoir tout quitter.
     — Fuyons ensemble. Comme je te l'avais dit. Fuyons.
     — Mais ta-
     — Tais-toi ! le coupa-t-elle. Je sais ce que tu vas me dire. Ma vie n'a pas à se finir mais je ne veux pas la continuer. Je ne veux pas de celle que j'ai maintenant. J'étais sérieuse en te demandant de fuir ensemble. Avant que tu débarques, ma vie était misérable. Je détestais mon corps parce que je le voyais seulement avec les mains sales de Chris, alors j'essayais de sentir les mains de n'importe quel autre homme suffisamment bon pour les effacer. Je me forçais à aller en classe quand je rêvais toujours de tout effacer, et ma mère, tu me diras mais elle s'en fiche. Elle savait ce que Chris me faisait, elle savait ce que je m'efforçais de subir des autres pour oublier et elle n'a rien fait. Et mes cicatrices, je sais que tu les as remarquées même si tu n'as rien dit, ma détresse qu'elle a préféré ignorer. Je n'ai rien ici. Rien qui ne me donnait envie de vivre. Jusqu'à que tes beaux yeux marrons se posent sur moi.
     Les larmes aux yeux, sa sincérité le touchait en plein cœur.
     — Mais pourquoi tu as dit qu'on aurait dû le laisser faire ?
     — C'est idiot, j'ai dit ça par impulsion... Parce que j'avais peur. Peur que tu ailles en prison et que je te perde, je ne peux pas vivre comme ça. Écoute-moi alors quand je te dis que nous devons fuir ensemble.
     Mike acquiesça. Il ne s'imaginait pas dans un monde sans elle, alors comment refuser ?
     Se rendant compte que Megan était encore nue, le jeune homme récupéra le drap et l'enlaça dedans.
     — Allons-y, mon amour. Fuyons ensemble, rien que tous les deux.

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