Where hope leads us

chapitre 7

     Depuis ce jour, tout avait changé. Même la dynamique entre père et fille. Distant, Mike n'était plus ce père aimant qui l'accompagnait dans ses chants dévergondés en voiture et ce père qui se tournait au ridicule pour la faire rire. Bientôt, ça allait faire dix ans que Megan avait été assassinée. Dix ans que Mike sillonnait les routes à la recherche d'indices sur le meurtrier de son épouse, traînant Lucy avec lui. Elle avait dû faire le deuil de sa mère en silence, ne pouvant compter sur son père. Chaque nuit, la jeune femme qui venait de fêter ses vingt ans cauchemardait ; la même scène se montrait sous son nez. Le désordre en pénétrant dans le salon ce jour fatidique, le sang qui traînait sur les murs et le corps de Megan noyé dans son sang. À ce jour, elle se maudissait ne pas l'avoir approchée quand elle était mourante. S'être tenue à l'écart était son plus grand regret. Cette peur qui l'avait paralysée, Lucy refusait de l'avoir de nouveau. Depuis, elle se livrait à tous les dangers sans crainte ; elle ne se laisserait plus retenir par la peur.
     Le trois décembre approchait. L'anniversaire de Mike. Mais aussi l'anniversaire de la mort de Megan, son premier et dernier amour. Ça l'avait détruit. Lucy avait dû le voir s'éteindre à petit feu quand elle l'avait connu joyeux. Assise sur le fauteuil abîmé de la chambre d'hôtel où elle logeait avec son père, la jeune femme écrivait la suite de son journal numérique. Elle tenait compte de ses journées et de l'avancée de leur enquête. En réalité, Lucy ne comprenait pas comment sillonner les routes du pays les mènerait à celui qui leur avait enlevé Megan mais son père n'avait jamais voulu répondre à ses questions. Elle devait le suivre sans broncher. Parfois, il lui était arrivée d'envisager à partir mais pour aller où ? Mike était tout ce qui lui restait. Elle n'avait personne d'autre.

Cher journal,
Je t'ai dit que papa semblait aller mieux ces derniers jours mais j'avais tort. Je ne sais pas pourquoi j'ai cru que les choses s'amélioreraient, papa retombe toujours dans sa mélancolie. Maman me manque à moi aussi, mais je sais qu'elle n'aurait pas souhaité nous voir ainsi. Quand je dis ça, papa me dit qu'il connaissait maman plus que moi ; il sait mieux que moi. Mais je pense franchement qu'il ne la connaissait pas entièrement, il y a des parties d'elle qu'il ne remarquait pas mais que j'ai vu. Je crois qu'il cherche un but pour survivre sans elle. La seule option qu'il a trouvée, c'est traquer son meurtrier. Je ne sais pas si maman a été tuée par quelqu'un qui lui en voulait. Je commence à me demander si ce n'est pas un cambriolage qui a mal tourné. Ou quelque chose d'autre. Mais c'est vrai que rien n'a été volé... Je ne sais pas, j'ai tellement réfléchi à ça mais rien ne me vient.
Ah comme maman me manque. Sa sagesse et sa philosophie. Et papa, comme il me manque aussi. Son optimiste et ses blagues nulles. C'est encore plus dur parce que je le vois mais il n'est plus là. Il respire mais il n'est plus celui que je connaissais. Celui que j'aimais tendrement et attends encore à ce jour.
Ce matin, j'ai entendu papa parler dans son sommeil. Il a dit le prénom de Jay. Son meilleur ami. Je crois qu'il lui manque lui aussi. Parfois, je me demande pourquoi il ne revient pas vers lui. À cause de sa fierté ? Et du silence qu'il a laissé s'éterniser quand il lui avait dit qu'il reviendrait ? Papa ne le sait pas mais j'ai appelé Jay il y a quelques années. Je lui ai annoncé la mort de maman. Il a pleuré. Et il a demandé comment papa allait. Il ne m'a pas semblé en colère ou rancunier mais je crois qu'il a abandonné lui aussi. Il ne s'attend plus à que papa le rappelle. J'imagine que Jay a tourné la page. Je me demande s'il serait capable de ramener papa à la raison. Mais je me dis que c'est papa qui a choisi de partir. En réalité, il n'y avait que maman pour le rendre vivant. Et maintenant, elle n'est plus là. Et moi, je ne suffis pas pour le ramener.
Mais Max est là. Max nous aide, même quand papa le traite mal des fois. Je suis obligée de m'excuser à sa place parce que j'apprécie Max. Malgré tout, il fait tout pour nous aider et je dois bien admettre qu'il sait faire sourire papa quand je n'y arrive pas.

     Quelqu'un toqua à la porte et Lucy s'empressa de ranger son téléphone en allant ouvrir. Elle se retrouva nez à Max, qui lui tendit un sachet de restauration rapide. Du poulet frit comme elle aimait. La jeune femme sourit et le laissa entrer. Max lui arracha un sifflement. Sa chevelure brune était toujours impeccable, même au milieu de la nuit, et son chemisier blanc dévoilait des poils au torse.
     — Aujourd'hui marque nos treize ans de rencontre. Enfin, si on ne compte pas les trois premières années où on ne s'est pas vus du tout.
     — Oh Max, tu t'es souvenu de la date ? sourit Lucy.
     — J'ai juste une bonne mémoire, gloussa-t-il.
Il était revenu dans leur vie après la mort de Megan et avait proposé de les aider.