chapitre 33

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      Somnolant dans la chambre, Mike paressa sur le lit, plutôt hors de lui. Ce sentiment de malaise ne le quittait pas et à plusieurs reprises, il avait cru qu'il allait vomir. Quand il essayait de se remettre debout, il avait l'impression que le monde tanguait devant lui et qu'il se dérobait sous ses pieds. Seul dans la pièce, le trentenaire gémissait de douleur. Si seulement il pouvait perdre connaissance et oublier la souffrance qui tiraillait son corps.
      Sa solitude ne dura pas plus longtemps puisque Lucy et Max débarquèrent dans les cinq minutes qui suivirent. Mais une surprise se présenta à sa porte, des cheveux mi-longs se balancèrent à la démarche de l'homme, celui qu'il reconnaissait comme Andy Diaz. Forcé à se relever, le malade redoubla d'efforts pour paraître en forme mais ses cernes creux parlaient en son nom.
      — Ne te ménage pas trop, dit Andy. Il ne vaudrait mieux pas dans ton état.
      Tous les regards se braquèrent dans sa direction et gêné, Andy justifia aussitôt sa réaction.
      — Je sais que tu es malade...
      — Comment vous le savez ? demanda Lucy.
      — Hum, toussota-t-il en fixant Mike, j'ai été agent secret. Je sais me procurer quelques informations...
      — Comment ça ? s'étonna la jeune femme.
      Comme si c'était un secret déterré, Lucy se tourna vers son père et leva les deux bras en l'air. Elle lui murmura qu'ils auraient pu lui demander de l'aide en cas de besoin. Les deux hommes ne réagirent pas, un silence qui n'en disait pas autant qu'ils l'auraient pensés. Max, rangé au côté de son ami pour le soutenir, reporta son regard sur Andy et ce dernier l'évita aussitôt. Lui aussi le mettait mal à l'aise. Il n'y avait que son vieil ami, Mike, pour le conforter à rester.
      — Pourquoi vous êtes là ? s'élança Max.
      Assis sur le bord du lit, luttant contre ses maux intérieurs, Mike s'efforça de garder les yeux ouverts et de suivre la conversation que Max menait de front.
      — Je suis venu te dire que je ne t'ai jamais trahi, Mike. Il faut que tu me croies.
      — Vous n'êtes venu que pour dire ça ? soupira Lucy.
      Il ne lui répondit pas, tournant le dos au trio et semblait décompter à voix basse depuis vingt.
      Dix-neuf. Dix-huit. Dix-sept...
      Son anxiété s'était abruptement manifestée, Andy vacillait. Les deux autres hommes de la pièce échangèrent un regard surpris tandis que Lucy l'approcha silencieusement. Elle posa une main sur son épaule et il se retourna. Un bagage émotionnel semblait le peser, Mike ne se souvenait pas l'avoir vu autant accablé.
      — Non, il y a quelque chose d'autre. Au sujet de Nikolaï...
      — Oui ? attendit Mike, forçant un sourire.
      — C'est vrai que j'étais à son immeuble, peu avant sa mort.
      — Pourquoi alors ?
      — Hum, et bien, quand vous étiez venus me voir par rapport au meurtre de Megan, je suis devenu curieux. Après dix ans, l'histoire refaisait surface et j'avais compris que vous alliez voir les autres aussi. Tous tes clients, Mike. Nous étions tous les suspects. Je le sais, parce que c'est moi qui a dit à l'informateur de te contacter anonymement. Pour te dire que le meurtrier devait être l'un de nous.
      — Qui est le tueur ?
      Il secoua la tête.
      — Ça, je l'ignore, répondit-il. Mais je sais que ça vient de ton travail.
      — Comment tu le sais, à moins que ce ne soit toi ? répliqua Mike.
      — Parce que vos seuls ennemis, à toi et Megan, ne venaient que de là. De ton travail en tant que garde du corps.
      Cherchant les bons mots, Andy parût hésitant. Une lenteur qui agaçait Lucy, assez pressée, mais elle contrôla son impatience. Le cœur en feu, la jeune femme était sur les nerfs à l'idée de découvrir une nouvelle information. Elle avait une franche impression que la vérité approchait vraiment cette fois-ci.
      Et peut-être que papa pourra partir la conscience tranquille.
      — Et ce jour-là, je suis passé chez toi. J'ai vu Megan par terre, il y avait tellement de sang...
      Père et fille frémirent au souvenir toujours vif dans leurs esprits, une image qu'ils étaient incapables d'effacer. Dix ans après, la douleur restait, s'intensifiait même. Si l'espoir renaissait dans leurs cœurs meurtris, le vide depuis son absence continuait de se creuser.
      — Et quand je me suis rapproché, elle m'a tendu ta carte professionnelle, Mike, de garde du corps. Celle qui contenait ton numéro personnel pour le job. Cette carte que seuls nous cinq pouvions avoir. Elle a juste dit un mot en me la donnant.
      — Lequel ? demanda Mike d'une voix tremblante.
      — « Ici », c'est ce qu'elle a dit en me donnant la carte, révéla Andy. C'était presque inaudible... Mais ta voiture arrivait et j'avais peur que tu me crois coupable... Alors j'ai fui, avec la carte. Je pensais vraiment qu'elle survivrait.
      De sa poche, il sortit la carte tâchée de sang. Il y avait l'empreinte de Megan. Son sang dessus. Cette dernière preuve matérielle émût Mike, même s'il aurait voulu l'obtenir bien plus tôt. Il ne manifesta sa frustration, trop épuisé pour réagir, mais ce n'était pas le cas de Lucy.
      — Pourquoi attendre dix ans ? C'est long dix ans. On aurait pu arrêter le tueur avant !
      — J'avais peur, avoua Andy. J'étais lâche, c'est vrai. Je suis désolé.
      — C'est le cas de le dire...
      Exprimant son mécontentement à travers un grognement, la jeune femme le contourna et rejoignit son père à l'autre bout de la pièce. La carte en main, Mike ne put détourner son regard et se perdit dans ses pensées. Le corps de Megan dans une mare de sang clignotait devant lui, une vision qui continuait de le hanter jour après nuit, l'empêchant trop souvent de dormir. Il sentit la main de Max se glisser derrière son dos et le caresser, un geste de réconfort qu'il appréciait.
      — Je suis vraiment désolé d'avoir trop attendu, gémit Andy.
      — Qui nous dit que ce n'était pas vous, hum, le tueur ? rétorqua Lucy.
      — Moi. Je suis là, devant vous. Je veux vous aider. Je veux t'aider, Mike, à trouver la vérité et la paix avant de mourir. Tu vois, je sais que tes jours sont comptés.
      — Et Nikolaï ? Vous avez trouvé quelque chose sur lui ?
      — Rien. Ce mec est clean. Puis son meurtre le prouve assez je pense.
      Ils le toisèrent, à la recherche d'une faille mais son aura dégageait une pure sincérité qu'il était difficile d'en douter.
      — Je ne l'ai pas tuée ! jura Andy.
      — Hum, si tu le dis... Et tu ne sais pas qui est son tueur ?
      — Non...
      Mike cueillit le regard de Max à sa gauche, qui enchaîna dans l'échange.
      — Et vous pensez que c'est lié à la mort de Megan ? songea Max.
      — Oui, enfin il a été tué peu après votre retour. Ça me paraissait logique...
      — On pensait la même chose...
      Andy acquiesça et garda un regard triste. Pour Lucy, les choses paraissaient plus claires et quelques questions avaient eu leurs réponses, comme celle de l'information. Elle se demandait pourquoi Andy ne s'était pas manifesté de lui-même au lieu d'envoyer quelqu'un d'autre mais elle se rappela de sa lâcheté, suffisante en elle-même.
      Le silence qui suivit alourdit le cœur d'Andy, même s'il se réjouissait d'avoir livré son secret. Désormais, Mike avait tout entre ses mains, ils approchaient de la vérité. Maintenant qu'Andy avait rempli son rôle, l'homme les salua et saisit la poignée avant de se retourner une dernière fois.
      — J'ai une info pour vous. Jackson Ramsey revient de son séjour à l'étranger demain. Je me suis dit que vous voudriez peut-être le savoir.
Et laissant ce cadeau à leur portée, il s'en alla.

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