Where hope leads us

chapitre 19

     Pour le dernier client, il leur avait fallu attendre quelques jours avant de le rencontrer. Parti en vacances avec sa famille, Franklin Powers, ancien policier, revenait tout juste du Canada. En guettant son retour, le trio avait vaqué à ses propres occupations — toujours les mêmes. Mike s'était isolé pour revoir son enquête et vérifier s'il n'avait rien manqué. Sa fille avait choisi de se mêler au monde en participant à un salon du tatouage qui s'était déroulé sur deux jours, accompagnée de Max. Ces deux personnes s'étaient bien gardés de dévoiler à Mike le tatouage que chacun s'était fait. Lucy avait opté pour des ailes d'ange sur son dos et le trentenaire avait choisi un lettrage qui signifiait tant.
     M3L pour
     Max.
     Mike.
     Megan.
     Lucy.
     Ces dix dernières années lui importaient beaucoup — un point tournant dans sa vie, même si ça l'avait chamboulé. Il s'était senti vivre pleinement et plus valorisé en cette période que durant sa vie entière. Placé sur sa cuisse, Mike ne le verrait pas.
     À moins que...
     Non, ne pense pas comme ça !
     Max chassa cette idée de ses pensées aussitôt. Ce désir qu'il ressentait n'était pas partagé et il ne devait se faire aucune illusion.
     — Allez, il va nous attendre ! râla Mike.
     — Tu devais beaucoup l'apprécier pour te presser autant, commenta Max.
     — C'est compliqué.
     L'air tendu, son attitude surprenait Lucy. Rencontrer les autres clients ne l'avait pas tant tracassé. Elle regrettait ne pas avoir pris connaissance de son fichier, accaparée par ses sorties au salon de tatouage et au spa de beauté. Max semblait savoir puisqu'il ne dit rien. Insistant pour conduire parce qu'il se sentait beaucoup mieux, Mike refusa et ne lui céda pas la place à sa grande déception. Passionné de conduite, il détestait ce manque de manier le volant.
     À l'approche du carrefour, Mike fut soudainement pris par une douleur violente à la tête et dût s'arrêter brusquement, il cala inévitablement. Alarmée, Lucy descendit du véhicule, ouvrit la portière du conducteur et inspecta son père qui saignait du nez — une deuxième fois à la connaissance de Max. Ce dernier lui tendit quelques mouchoirs avant de retirer son propre t-shirt afin d'empêcher le sang de s'éparpiller partout. Sous le choc de le voir ainsi, la jeune femme lui pria d'aller à l'hôpital immédiatement mais se retrouva heurté à son refus, minimisant son état.
     — C'est juste la fatigue ! Pas besoin d'en faire tout un plat.
     — Ça pourrait être plus que ça, papa ! Tu ne dors pas assez et tu as à peine de l'appétit !
     — Nous avons rendez-vous.
     — On s'en fiche ! Ce n'est pas le plus important !
     — Ça suffit, Lucy. Ne cherche pas des bêtes là où il n'y en a pas. On va au rendez-vous et c'est indiscutable. Compris ?
     Face à sa détermination, la jeune fille céda en soufflant et retourna au siège arrière. En colère, elle ne se préoccupa plus de son état, laissant les soins à Max qui constata que le saignement avait cessé. Par chance, les vêtements de Mike semblaient intacts, mais pour son ami, c'était loin d'être le cas ; il n'avait plus de haut, le torse à découvert. Afin d'y remédier, Mike retira sa veste et la lui prêta malgré la différence de taille. À la carrure plus large, ce dernier ne pouvait que fermer jusqu'à la moitié, cachant tout juste ses tétons.
     — Désolé...
     — Ce n'est pas grave ! assura Max. Ça me donne un style, je me démarquerai de toi.
     Mike échappa un rire et reprit la route. Heureusement, aucune voiture n'était derrière eux.

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     Sans surprise, Franklin les attendait déjà, buvant une tasse de thé. À trente-sept ans, il paraissait plus vieux avec ses rides marqués. Le dos avachi, il ne prêtait aucune attention à ses alentours et gardait la tête baissée. Comme s'il avait pressenti sa présence, l'ancien policier leva la tête vers l'entrée et aperçut Mike, entouré de deux autres personnes. Il contracta sa mâchoire, le suivant du regard au fur à mesure de ses pas. Leur dernière rencontre avait été sanglante, il ne gardait pas un bon souvenir de son ancien garde du corps et le revoir avait toujours été hors de question. Pourtant, le voici, devant lui, l'air béat.
     Il regarda la jeune femme derrière lui et sembla reconnaître les traits de Megan puisqu'il s'adoucit. Franklin leur fit signe de prendre place et jaugea chacun d'entre eux. La fille avait une tenue sombre, ce qui contrastait avec ses cheveux clairs, et celui qui accompagnait Mike portait une drôle de veste, trop petite pour sa carrure ; il pouvait même voir son téton gauche.
     Drôle de personnage...
     — T'as osé demander à me voir après tout ce qui s'est passé.
     Ce ton féroce surprit Lucy qui visualisait une véritable animosité à l'égard de son père. Celui-ci n'avait pas voulu parler davantage de Franklin Powers mais son angoisse avait montré un passif compliqué. Jamais il ne lui était venu à l'esprit que cet homme le détesterait tant. Dans son regard, elle y lisait une haine qui assassinait.
     — Je suis désolé, il le fallait.
     — Quel comble ! Julie doit se retourner dans sa tombe.
     Julie ?
     L'épouse de Franklin, décédée dans la mission de Mike, qui n'avait pas su la protéger. Cela avait été son dernier contrat en tant que garde du corps ; il s'était juré de ne plus exercer la profession.
     — Comment vont Laura et Mario ? demanda-t-il.
     — Tu crois que je vais te répondre ? s'agaça Franklin, outré.
     — Je sais que mes excuses ne suffiront jamais.
     — Tu dis bien !
     Une ombre de douleur glissa dans ses yeux, l'évocation de sa défunte épouse l'avait clairement troublé. Franklin se redressa sur sa chaise et se caressa inconsciemment la moustache en dévisageant Lucy. Ce n'était pas le même regard pervers de Jackson mais un qui se souvenait de la petite fille. Elle semblait si différente de ses souvenirs, où était sa joie de vivre ? Il reporta son regard sur Mike qui avait tout autant changé et se demandait comment ces deux personnes vivaient depuis le décès de Megan. Leur disparition soudaine à la découverte de son corps l'avait pris au dépourvu et suite à ça, l'ancien policier s'était mis à enquêter sur le passé de Mike. Cela lui avait pris un temps fou mais il avait réussi à trouver sa trace jusqu'à découvrir la raison de son changement d'identité. Cet homme à l'allure bien innocente avait tué son père.
     — J'aurais même pas dû venir, regrettait Franklin.
     — Alors pourquoi être venu ? enchaîna Lucy, les sourcils froncés.
     — Parce que sinon vous m'aurez harcelé jusqu'à que je vienne, voilà pourquoi ! Je déteste quand on me dérange. Encore plus si c'est toi, Mike.
     Sa dernière phrase le piqua à vif mais il ne dit rien, comprenant la raison de sa colère. L'incrédulité sur le visage de sa fille lui échappa, il balança ce qu'il était venu faire.
     — J'ai juste une question, dit Mike.
     — Qu'est-ce qui te fait croire que j'ai envie de te répondre ? grommela l'ancien policier.
     — Parce que t'as hâte de ne plus voir ma tête, souligna-t-il.
     — Bien vu... C'est quoi ta question ?
     — Megan, ma femme. Tu l'as tuée ?
     — Ah j'aurais bien voulu mais n-... Qu'est-ce que- ?
     Il se figea à la vue de l'écoulement nasal de Mike qui semblait plus important que les précédentes fois. Le sang se répandit sur son maillot et tâcha la table. Affolé, Max se leva d'un bond et vola le torchon d'une serveuse pour limiter les dégâts sous son nez. Un profond malaise lui survint subitement, ses paupières s'alourdissaient et il avait les muscles affaiblis. Toujours assise sur sa chaise, Lucy en oubliait la présence de Franklin et passa son bras derrière la nuque de son père, le recueillant tandis qu'il s'évanouit.
     — Papa ? Reste avec nous ! Papa ?
     À côté, Max urgea le serveur à la crête d'appeler les secours, sous les regards médusés des autres clients du pub, et se retourna sur Lucy, qui pleurait à larmes chaudes. Son cœur se serra, le regret rongeant ses pensées ; il savait qu'il aurait dû l'emmener à l'hôpital la veille, à la découverte de cette serviette trempée de sang. Les planètes s'alignaient devant lui, rappelant certains symptômes qu'il aurait dû prendre au sérieux bien plus tôt.
     — Mike...
     Les yeux fermés, il ne réagissait pas à leurs appels, à leurs pleurs. Ce brouhaha dans lequel il les laissait creusa un fossé dans leurs cœurs, là où le doute s'installa, un avenir incertain qui ne prédisait pas s'ils se retrouveraient le lendemain.

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Les deux chapitres sont postés aujourd'hui !
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