Philly

Jude

Mandy Moore – In Real Life

Je n'arrête pas de penser à Liam. Je sais que je ne devrais pas mais c'est plus fort que moi. Beaucoup plus fort que moi. Le voir la nuit dernière, lui parler, qu'il me serra dans ses bras même si ce n'était pas de mon gré, ça m'a chamboulé. Comment s'est possible après tout ce qu'il m'a fait ?

-M ! me dit ma mère.

Elle dépose la pièce de scrabble qu'elle a pioché. On joue au « Mini Bac ». C'est un jeu simple qui consiste à citer trois célébrités avec une lettre énoncée et celui qui n'y arrive pas a droit à un gage. Maman croit que c'est moi qui l'ai créé mais en fait, c'est Liam. Il l'a inventée pour moi parce que je n'arrivais pas à parler de moi. Alors il me posait des questions en gage pour apprendre à mieux me connaitre.

-Meghan Markle, Mandy Moore, Meagan Good, je commence.

-Michael Jackson, Megan Fox, Madonna, dit maman.

-Mark Wahlberg, Michael Ealy, Michael Jordan.

-Oh non ! Tu as dit Michael Jordan. Tu ne pouvais pas trouver des célébrités de ton époque ?

-Tu dois quand même citer. Sinon, c'est le gage.

-De toute façon, je suis de garde à l'hôpital dans une heure. On laisse tomber le jeu.

-Pourquoi ? Je gagnais.

-On va le reprendre quand je rentre. Mais on change de lettre ein.

-C'est toi qui as pioché.

C'est tout Danna Hall ça. J'adore ma mère. Elle est vraiment la personne la plus importante pour moi et je le suis aussi pour elle. A part mes frères et moi, elle dédie toute sa vie à faire naitre des bébés. Elle est sage-femme. Ça doit être cool de faire sortir une vie d'une autre vie.

Cette année n'a pas été facile pour moi mais aussi pour elle. Apprendre que j'ai des problèmes avec la drogue l'a bouleversé. Je sais que je lui ai fait beaucoup de mal avec l'histoire de la drogue mais j'essaie de me rattraper. Elle n'a pas donné naissance à un monstre. C'est les circonstances de la vie qui m'ont rendu comme ça.

-Comment tu t'en sors avec les thérapies ? demande maman.

-M'man, c'est celui qui perd qui a droit aux questions, je dis.

-Sauf que là je ne joue plus.

Je baisse le regard.

-Jude, j'essaie de te faire confiance pour cette thérapie même si mon petit doigt me dit de ne pas le faire, me dit maman.

-J'essaie mais ce n'est pas aussi facile.

-Mais je sais que ce n'est pas facile. Tu as retouché à de la drogue ?

-Tu sais que ce n'est pas mon truc, tout ça...Parler aux gens. Je le fais pour toi.

-Et c'est ce qui m'inquiète le plus. Tu devrais le faire pour toi. Je me dis que ça t'aiderait plus des séances chez le psy.

-Tu ne peux pas te permettre de m'envoyer chez le psy, m'man.

-Ça va t'aider...

-Ce qui va m'aider c'est de me barrer d'ici après mon diplôme.

-On appelle ça fuir et tu sais que ce n'est pas ça qui va t'aider à soigner tes problèmes avec la drogue ou à oublier ce qui s'est passé ici.

-Je veux juste aller à l'université.

-Peut-être qu'il faut en parler à ton père.

C'est quoi ça ? Une blague ! Je refuse que mon père soit mêlé à cette histoire pour la simple et bonne raison que le connais. Je le vois déjà dire que je dois aller avec lui en Virginie, traiter maman d'incapable. Il l'a fait tellement de fois. Si j'ai voulu rester à Philadelphie, c'est pour que maman ne se sente pas seule. Quand ils ont divorcé il y'a deux ans, j'ai bien vu que ça l'a fait souffrir de partager la garde des jumeaux qui n'avaient que dix ans. Et maintenant, papa vit sa vie parfaite avec sa femme parfaite et sa famille parfaite.

-Hors de question ! je m'écrie. Papa va vouloir que j'aille vivre avec lui. Moi je veux rester avec toi.

-Mais si ça se trouve j'aurais besoin de son aide pour ton université.

-Ce n'est pas tellement grave si tu n'y arrives pas.

-Non. Si tu veux étudier la littérature, tu vas étudier la littérature.

-Tu sais qu'il va te faire la gueule quand il saura pour mon overdose, je lui dis.

-Il me fait la gueule tout le temps. Je préfère qu'on ait cette discussion de vive voix, pas au téléphone.

-Donc on va attendre Thanksgiving pour lui dire ?

-Comme tu mourrais d'envie de le lui dire.

-C'est toi qui veux. Si ça ne tenait qu'à moi, il ne le saurait jamais.

Ouais, il ne le mérite pas. Ne croyez pas que je le déteste ou quelque chose dans le genre. C'est juste qu'il est sorti de ma vie il y'a deux ans et depuis il n'est plus vraiment mon père. On n'a plus la relation qu'un père a avec sa fille.

-Tu crois qu'il va vouloir que je parte avec lui ? je demande à maman.

-Certainement.

-Et ?

-T'as intérêt à aller mieux.