May

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Bethany Joy Lenz – Elsewhere

La nuit vient de tomber mais il fait déjà très sombre. Il y'a beaucoup de nuages dans le ciel, je crois qu'il va pleuvoir. Mais ce n'est pas grave, j'adore quand le vent souffle et soulève mon épaisse chevelure brune au passage et j'adore sentir la brise sur mon visage, c'est apaisant. Je me sens plus légère. De plus, ce soir, je suis avec Marcus. Vous vous souvenez ? Le serveur à qui j'ai montré mes dessins. J'ai cru halluciner quand il m'a proposé de faire un tour avec lui quand je me suis arrêté au fast-food cet aprèm.

-Où est ce qu'on va ? je lui demande.

-Quelque part, me répond Marcus.

-Et c'est où ce quelque part ?

-Tu m'as dit que si je chantais pour toi, tu me montrerais tous tes dessins.

Je soupire. Alors il l'a vraiment pris au sérieux ? Pardon d'en douter, ce n'est pas tous les jours qu'on me prend au sérieux. C'est du nouveau pour moi.

-À quoi tu penses ? me demande-t-il en se tournant vers moi.

Le délire ! On est là tous les deux, à baguenauder dans les rues tard dans la nuit alors qu'on se connait à peine. Mais pourtant j'ai l'impression de le connaitre depuis des années.

-Rien, je réponds. Je ne pensais juste pas que tu prendrais ça au sérieux.

-Et qu'est ce que je ne devais pas prendre au sérieux ?

-Ce que je t'ai dit.

-Pourquoi je ne le prendrais pas au sérieux ?

-Je veux dire, on ne se connait pas et on n'a discuté qu'une fois.

-Et alors ? C'est comme ça qu'on apprend à faire connaissance.

D'un coup, mon expression se raidit. Je crois qu'il le remarque parce que lui aussi arrête de sourire. Pourtant je commençais à me détendre. Mais qu'est ce que je suis nulle comme fille.

-Qu'est-ce qu'il y'a ? fait-il.

-T'as dit faire connaissance ?! je dis.

-Ça te dérange ? T'es en couple ou...

-Non ! Je n'ai pas de copain.

Oh mon Dieu ! Est-ce que je parais trop désespérée sur le coup ? J'ai lui est presque crié que je suis célibataire. En même temps, je le suis, je n'ai pas envie qu'il pense que j'ai déjà quelqu'un alors que ce n'est pas le cas. Et en plus, il a l'air plus rassuré et moi, je suis moins gênée.

-Je n'ai même jamais eu de copain, j'ajoute.

Je vois l'expression sur son visage. Il a l'air surpris. Peut-être qu'il est déçu.

-C'est si choquant que ça ? je dis.

-Non...

-Si, si. J'ai bien vu la tête que t'as fait. Elle a dix-sept et elle n'a jamais eu de copain ? Wow !

-Ce n'est pas à ça que je pensais, me dit-il.

-Et tu pensais à quoi alors ?

-Que t'es trop jolie pour être resté seule aussi longtemps.

Je me sens rougir. Je souris alors que mes pommettes s'enflamment. Moi, plutôt jolie ? Avant, je n'avais pas droit à ce genre de commentaire. Ça me fait plaisir que Marcus s'intéresse à moi et pas pour les mauvaises raisons. Auparavant, si les mecs m'approchaient c'était parce que j'étais le second choix, parce qu'ils ne pouvaient pas avoir une telle ou une telle. Je n'ai jamais été apprécié à ma juste valeur et en vrai, je suis aussi nulle pour flirter donc. Je suis vraiment contente que Marcus soit juste différent.

-C'est juste là, me dit-il.

Il me montre un salon de thé de l'autre côté de la rue. Je regarde mais il n'y a pas de lumière allumée, il est même fermé. Je me tourne vers lui, confuse. Je croyais qu'il allait m'amener à une de ces soirées scène ouverte où des gens ordinaires pouvaient montrer un peu de leur talent devant un petit public mais non. On est en face d'un salon de thé fermé.

-On fait comment pour entrer si c'est fermé ? je lui demande.

-Je connais quelqu'un qui connait quelqu'un, dit Marcus. Et...j'ai les clés.

Il agite un trousseau de clés qu'il a sorti de la poche de son blouson. Il prend ma main – Oui, il prend ma main ! – et m'entraine avec lui de l'autre côté de la rue. Rapidement, il ouvre la porte et nous enferme à l'intérieur. Tandis qu'il allume les lumières, je remarque le piano dans un coin de la pièce. Parce qu'en plus il va me jouer du piano ? Dieu, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter un Bruno Mars dans la peau de Dejounte Murray ? Je n'invente rien, je vous jure. Il ressemble trop à Dejounte Murray. Ne soyez pas jalouses, les filles ! Tout le monde ne peut pas être aussi chanceux pour une première fois.

Marcus et moi nous asseyons à une table, celle qui est plus proche de la fenêtre. Il a déjà commencé à pleuvoir dehors. J'aime voir les gouttes d'eau ruisseler sur la fenêtre. C'est relaxant. Qui n'aime pas la pluie ?

-On va faire un truc, je commence.

Marcus se tourne vers moi.

-Je vais te montrer mes dessins mais je veux que tu me dises honnêtement ce que tu penses d'eux, je poursuis. On n'a faire comme si t'es une critique qui vois une œuvre pour la toute première fois au musée.

-D'accord, dit Marcus.

-Tu seras honnête avec moi ?

-Je peux faire ça.

Je sors le calepin de mon sac à dos. Hésitante, je lui donne mon carnet. Il arrive à lire l'appréhension sur mon visage. Vous arriverez à la lire même si vous étiez placé au Texas. Mon carnet c'est mon journal intime et tous les dessins à l'intérieur représentent l'entièreté de mes pensées, me représentent moi toute entière.

Marcus tourne chacune des pages, avec douceur mais aussi beaucoup de sérieux. Il a une expression fermée et moi mon cœur se resserre chaque fois qu'il tourne une page. J'ai l'impression que la tournure que va prendre ma vie dépend de ce qui va sortir de sa bouche. Putain ! Le temps est long. Il s'arrête sur le dernier dessin que j'ai réalisé. Un ange vêtu d'une tunique tâchée et en pleurs. Je crois que c'est qui me parle le plus.

-C'est magnifique, me dit-il au bout de quelques secondes.

-Qu'est ce que tu ressens quand tu le vois ? je lui demande. Soit honnête !

Marcus prend une profonde respiration. Je sens mon sang se glacer dans mes veines. Il baisse les yeux vers le dessin.

-Honnêtement ? Je vois de la tristesse. Je vois aussi de la peur. Beaucoup de regrets. Un peu de colère aussi. Mais je vois aussi le désarroi, la confusion. Celle qui réalisé ce dessin est à point de sa vie où elle se demande qui elle est. Est-ce qu'elle est une personne bien ou c'est juste un masque qu'elle porte ? Est-ce qu'elle est la personne qu'elle veut vraiment être ? Elle ne l'est pas. Pas parce qu'elle ne peut pas, mais parce qu'elle ne veut pas. C'est ça qui la souille.

Il m'a vu. Il m'a vu.


PhillyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant