Jude

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Calum Scott – You Are The Reason

Vous avez déjà eu l'impression qu'on vous ment ? Est-ce que vous avez déjà eu un hypocrite en face de vous ? Ils continuent à mentir même quand vous savez qu'ils savent que vous savez qu'ils mentent et ça, ça me tue. Quand vous avez un hypocrite en face de vous, vous ne pouvez pas vous empêcher de vous dire que c'est un menteur. Quelque part ça vous donne un sentiment de puissance parce que vous savez qu'il ment et par ailleurs, ça vous fait juste paraître stupide. Du coup, vous ne croyez plus en ce que la personne vous dit même si c'est la vérité. Et si vous me dites que vous n'avez jamais eu l'impression que cette personne vous ment à nouveau, c'est que vous êtes aussi hypocrite que les autres.

-Tu es défoncée ? me demande Emmett.

J'écarquille les yeux en prenant mon air surpris. Généralement, ça me donne un air angélique, un peu innocent. Mais ça c'est loin de fonctionner sur Emmett.

-Je ne suis pas..., je commence.

-Oh arrête ! me coupe-t-il en agitant les mains. Ne gaspille pas ta salive. La dernière fois qu'on s'est parlé aussi tu étais défoncée, je le sais. J'ai fait ça avant toi.

Je pouffe de rire.

Et oui ! J'ai bel et bien replongé et cette fois-ci ce n'était pas que de la beuh. Ne me jugez pas ! Vous saviez que ça allait arriver et moi aussi d'ailleurs. J'ai juste retardé les échéances.

-Depuis combien de jours t'étais sobre avant de replonger ?

Je ne peux m'empêcher de sourire. Jours ?! Il me surestime. Il est marrant ce bon vieux Emmett.

-Ah pardon ! Depuis combien d'heures ? se corrige-t-il.

-Je vais aller mieux, dis-je sans trop de conviction.

-Est-ce que t'as même l'envie d'aller mieux ?

-Hum...Ouais. Sinon pourquoi je fais toutes ces thérapies ?

-Tu ne fais pas les thérapies parce que t'as envie, tu les fais parce que tu y es obligée.

Je garde le silence. Il a raison, j'en ai rien à foutre de ces thérapies en vrai. Ça n'aide que pour un temps. Ce n'est pas que je débloque. Ça ne m'aide plus. Peut-être que ça aide les autres mais moi non.

-Je sais ce que ça fait, dit Emmett. Tu stagnes, tu fais du surplace. Quand on a des problèmes avec la drogue, il y'a toujours plus de bas que de hauts. Et quand tu es sobre, t'essaies d'éviter de replonger. Tu te demandes combien de temps avant la rechute. Tu ne peux pas lutter contre ça, c'est un problème à vie. Il n'y a pas de solution miracle.

-Ça tu l'as dit. Et ça fait chier, je lui dis.

-Mais le problème que t'as c'est que tu ne sais pas vraiment où est ton problème et c'est pour ça que tu ne sais pas où commencer. Je vais te dire c'est quoi ton problème. Le souci avec toi, Jude, c'est pas que tu ne peux pas décrocher. C'est juste que tu n'as envie de lutter contre l'envie de rechuter à nouveau. Et tout ça, ces merdes, c'est dans ta tête.

-Tu sais, chaque fois que j'arrive à ne pas me laisser, il y'a ces trucs dans ma tête qui revienne toujours.

-Et c'est contre ça que tu dois lutter.

-Mais j'arrive pas à faire taire ces voix dans ma tête. C'est comme si j'ai un putain de démon sur mon épaule qui me chuchote à l'oreille.

J'ai un démon dans ma tête et pas un petit. C'est même le diable en personne. Vous savez, être la Jude que tout le monde connait demande beaucoup de choses. Ça veut dire garder pour moi cette colère, cette tristesse, cette frustration, cette pression que je me mets et un tas d'autres choses. C'est l'enfer.

-C'est quoi ton problème Jude ? Tu t'es déjà posé cette question ? me demande Emmett.

-Ouais..., je commence

-Et c'est quoi la réponse à cette question ?

-J'en ai aucune. Je ne sais pas.

-Au moins tu es honnête. C'est un bon début.

Il sirote son jus de pomme. Pour une fois qu'il n'accompagne pas ses pancakes avec son habituel jus d'orange. À force, il n'y a plus d'oranges en Amérique. C'est vendredi soir, ce qui veut dire que j'ai rendez-vous avec Emmett, mon parrain, au café-resto du coin. De cette thérapie, c'est la partie la moins mauvaise de l'histoire.

-Pourquoi tu te sens obligée d'être forte ? me demande Emmett.

-Hum..., fais-je.

Je secoue la tête. Bon sang, arrête de vouloir me psychanalyser !

-Tu ne sais pas vivre, Jude, me dit-il en me regardant droit dans les yeux. T'as pas les bons outils. T'es trop occupé à embrouiller ton entourage et à faire croire aux gens que t'es une dure et que tu n'en as rien à foutre de tout mais c'est faux.

-La seule fois que j'ai baissé la garde, je me suis retrouvé étalée parterre à lutter pour ma putain de vie.

-La faute à pas de chance. Mais ça ne s'arrête pas là.

-Pour moi si. J'étais pas comme ça...

-Justement, tu n'étais pas comme ça. T'es pas née comme ça. Et tu peux continuer à traumatiser tes petits frères, à casser les pieds de ta mère, à fuir ton père et à faire chier tes potes et venir ici me dire que t'es encore défoncé la tronche, ça ne change rien. Il est temps que tu comprennes que tu n'es pas la grosse merde à la traine que tu crois que t'es. Tu n'as rien fait. Les gens dans notre situation, ils souffrent, ils sont aussi malades que les gens atteints de cancer. Tu sais pourquoi ? Parce que la drogue c'est aussi mortel que le cancer. Mais ce qui est pire que d'avoir cette maladie, c'est que pour les autres ça n'en pas vraiment une. Ils nous considèrent juste comme des égoïstes, comme des faibles et des idiots qui ne méritent pas d'être aidés parce qu'on n'arrive même pas à s'aider nous-mêmes. Heureusement, tu n'es pas encore au stade où cette maladie devient une addiction.

-Et alors ? C'est fini comme ça pour moi ?

-Non. Tu n'as pas encore à jeter l'éponge. Crois-moi, tu n'as pas dit ton dernier mot. Jude, je crois en toi.

-Le problème ce n'est pas tant la drogue. Avant mon overdose, ce n'était pas à la drogue que j'étais addicte. Avant, je dépendais de lui. J'ai tellement baissé ma garde avec ce mec que je l'ai laissé représenter tout pour moi. J'étais accro. Si ce n'est pas de la faiblesse alors c'est quoi ?

Et une partie de moi est toujours accro à Liam. Je le sais. J'ai beau le nier, c'est ma vérité.

-Tu iras mieux quand tu auras pardonné et quand tu te seras toi-même pardonné.

Hum...Le pardon. Plus facile à dire qu'à faire !


PhillyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant