Alessia Cara – Growing Pains
Je suis épuisée. Je suis fatiguée. Je me sens seule. Est-ce que c'est normal ce vide en moi qui grandit chaque seconde ? Est-ce que c'est normal cette douleur permanente que je ressens ? Elle est présente tout le temps, jours et nuits mais je ne peux rien y faire. La nuit, je me réveille en sursaut parce que je fais le même rêve où cette ordure vient me chercher encore. Le jour levé, j'ai l'impression qu'il m'observe tout le temps. J'ai peur chaque fois que je cligne des yeux.
Pourtant je suis là, assise à la cafétaria à écouter May, Simone, Jude et Barbie discuter. Je n'ai pas prononcé un mot depuis que je suis arrivé mais ça n'a pas l'air de les déranger tant que ça. On n'a pas discuté depuis cinq jours et quand je suis arrivé, elles se sont contentées d'un « Alors, tu te rappelles qu'on est tes copines ? ». Dites-moi, est ce qu'on peut avoir pires amies qu'elles ?
-Qu'est-ce que tu gribouilles ? demande Simone à May.
May ferme son calepin alors que Simone se penche pour regarder ce qu'elle fait.
-De quoi je me mêle ? répondit May en souriant.
-Tu fais des cachoteries maintenant ?
-Je ne fais pas de cachoterie. Et toi, tu n'es pas obligée de tout savoir.
-Laisse tomber, meuf. Toi t'es toujours comme tu es.
May arque les sourcils en souriant. C'est l'une des rares fois qu'elle discute avec Simone sans que la discussion ne prenne une autre tournure. J'hallucine, elles se taquinent même.
-Comme je suis ? Et je suis comment ? fait-elle.
-Hé ! Arrête avec ton casque, dit Barbie en tapotant Jude.
Jude lève les yeux vers elle. May et Simone se tournent vers Jude. Elle retire son casque.
-Qu'est-ce qu'il y'a ? demande Jude.
-T'en as pas marre d'avoir ces trucs collés aux oreilles ? Qu'est-ce que tu écoutes ? dit Barbie
-Quoi ? Eminem vient de sortir un nouvel album. C'est cool, vous devriez l'écouter.
-Est-ce que cet homme a dit un mot que tu n'as pas aimé ?
Elles parlent et parlent et parlent et moi je sens mon sang bouillir. C'est insupportable de les entendre jacasser et piailler sur des sujets futiles. Je me sens oppressée, frustrée et les entendre jaser ne fait qu'empirer les choses
J'ai l'impression qu'elles se fichent complètement de moi ou pire qu'elles le font exprès.
-J'arrive pas à y croire ! je m'écrie.
Elle se tournent vers moi. Barbie, avec son cerveau aussi gros qu'un petit pois, ne saisit rien.
-Moi non plus. J'arrive pas à croire qu'on puisse aimer quelqu'un qui dégage tant de..., elle commence.
-Vous n'êtes pas mes amies, je l'interromps.
-Pardon ? Fait Jude, confuse.
-Qu'est-ce que tu racontes ? demande Simone, dans le même état que Jude.
-Ça fait cinq jours qu'on ne s'est pas vu et vous ne vous êtes pas douté même l'espace d'une seconde que je n'allais pas bien, je leur dis.
-Et en quoi c'est notre faute ? fait May. C'est toi qui as passé ton temps à nous éviter. Nous on n'a rien fait.
Oh ! Vous n'avez rien fait ? Oh, s'il vous plait. En plus d'être de grandes hypocrites, elles sont aussi des égoïstes. Je ne suis pas en train de diriger ma colère contre elles, je dis juste la vérité. Comment j'ai pu passer tout ce temps sans me rendre compte qu'elles étaient aussi mauvaises ?
-Si, vous vous êtes comportés comme les pires amies au monde, dis-je.
-Qu'est ce que tu voulais qu'on fasse ? lance May.
-Qu'on te cours après peut-être ? dit Simone en faisant la moue. Oh, s'il te plait. C'est toi qui nous fuis depuis le début de la semaine, pas le contraire.
-On ne peut pas savoir ce qui se passe si tu ne nous dis rien.
-Elles ont raison, soutien Jude.
-Je viens de vivre l'une des semaines les plus difficiles de ma vie et vous...vous vous fichez pas mal de ce qui m'arrive. Vous êtes là à raconter des conneries.
-Meuf, je ne sais pas de quoi tu parles mais peu importe, je ne te laisse pas me parler comme ça, prévient Simone.
-Nous aussi on a des problèmes, dit Jude. Des merdes nous tombent sur la tête à nous aussi mais si tu ne nous en parles pas, on ne peut rien faire pour toi.
-Ouais, tu ne peux pas nous en vouloir de ne pas savoir ce que tu ne nous dis pas, lance May comme la chienne de garde qu'elle est.
-De quelles merdes vous parlez ? De vos problèmes de mecs ? Ou de vos problèmes de
-Qu'est-ce qu'il t'arrive ? me demande Barbie, choquée.
-Il m'arrive que je ne vous supporte plus. Vous êtes les pires amies qu'on puisse avoir !
Tous les regards sont tournés vers nous mais ce n'est pas bien grave, c'est exactement ce que je veux ; que tout le monde se rende compte du genre de personnes qu'elles sont. Le plomb que je pète n'a rien à voir avec mon viol. C'est l'accumulation de tous mes maux, de tout ce que j'ai vu et que j'ai entendu sans réagir, de l'hypocrisie quotidienne dont témoignent ces filles. Le viol a juste été l'élément déclencheur.
-Arrête ! crie Simone. Tout le monde nous regarde.
-Tout ce que tu arrives à faire c'est à nous coller la honte et à te donner en spectacle, ajoute Barbie.
-Les filles..., fait Jude.
-Là je n'en ai rien à foute, je leur réponds.
-Mais nous au moins ce qui ne va pas, dit May.
-Non, laisse tomber ! s'écrie Barbie. Laisse-la faire la folle. Si t'as pas envie de nous pourquoi tu te mets à crier comme une hystérique, c'est la même chose...
Je n'ai pas la patience de suivre la fin de sa phrase. Avant qu'elle ne cligne des yeux, je porte ma main à son visage et lui offre une violente gifle. Les autres filles sont tellement sous le choc que May et Simone se lèvent en entendant résonner la gifle. Jude et Cassie me regardent scandalisée comme la plupart des élèves présents dans la pièce. Désolée mais pas désolée, Barbie. Il fallait que je me défoule et c'est tombé sur toi.
-Mais t'es devenu dingue, pétasse ?! crie Simone. Qu'est ce qui ne tourne pas rond chez toi.
Aussitôt, je commence à culpabiliser. Je hais cette facette de moi. Je finis toujours par regretter d'avoir agi comme une tueuse. Barbie a la main collée à sa joue en feu.
-Tu en fais beaucoup trop, me dit doucement May. Tu ferais mieux de t'en aller.
-Ouais, barre-toi d'ici ! crie Simone, en colère.
Je prends mon sac et je cours vers la sortie. Quelque part, j'ai honte. Pas seulement parce que les gens me regardent mais parce que je viens de gifler Barbie pour quelque chose dont elle n'est pas coupable. Je suis plus en colère contre moi que contre elle.
Cool ! Maintenant, j'ai envie de pleurer.
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Philly
Teen FictionPhiladelphie. Jude ne connait que ça. Mais pourtant elle ne s'y sent plus chez elle et elle n'a qu'une seule envie; partir sans se retourner. Si tout le monde fait des erreurs, pourquoi est-elle jugée pour les siennes ? Jude sait que rien ne sera pl...