May

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Tori Kelly – Unbreakable Smile

Il est six heures du matin. On est un samedi, alors pourquoi j'entends mon putain de réveil sonner ? Je tâte le chevet de mon lit pour attraper mon téléphone et j'appuie sur n'importe quelle touche dans l'espoir d'arrêter ce bruit insupportable avant que mon sommeil ne s'en aille. Mais ce n'est pas mon réveil qui sonne. Non, le bruit vient de ma fenêtre. Pourtant mes parents ne sont pas à la maison. Le samedi matin, ils font leur jogging jusqu'à huit heures. Ça doit être un petit con du coin qui s'amuse à emmerder les gens.

Je me lève et ouvre grandement la fenêtre, prête à aboyer.

-Putain ! Vous vous foutez de ma gueule ?! je crie, hors de moi.

J'écarquille les yeux en voyant Marcus posté dans le jardin. Comme reflexe, je couvre rapidement ma bouche. Oh non ! Il vient de voir la pire version de moi. Les cheveux en pagaille, la mauvaise haleine et l'aigreur. Pardon mais je ne suis vraiment pas une personne matinale.

-Et bah, ça ne rigole pas, dit Marcus, amusé.

-Putain, Marcus...

-Ouais, c'est moi.

-Putain, Marcus...

-Ça tu l'as déjà dit, me dit-il avec un sourire aux lèvres.

Je suis contente qu'il le prenne à la rigolade.

-Je suis vraiment, vraiment trop désolée, je m'excuse. Je ne voulais te crier dessus comme ça. J'ai cru que c'était encore ces gamins qui cassent les pieds à tout le voisinage.

-Non, ce n'est pas de ta faute. Il est quand même super tôt, me dit-il.

-Je peux te demander ce que tu fous ici ? Comment tu as trouvé mon adresse ?

-T'es très belle !

Je souris. Il arrive à me dire ça alors qu'en vrai, je ne ressemble à rien du tout.

-Tu n'as pas besoin de me mentir, je lui dis. Tu veux que je t'ouvre la porte ?

-Non, pas besoin, me répond-t-il.

-Mes parents ne sont pas là. Ils font leur footing et ils ne reviendront pas avant au moins une heure. Tu peux monter si tu veux.

-Je commence mon service dans une demi-heure.

-Ah d'accord.

-J'ai juste fait un saut ici pour te dire qu'un très bon ami à moi pourrais faire publier tes dessins dans le journal local. Il y'a quelques mois, il a ouvert une rubrique pour les gens talentueux comme toi qui voudraient faire publier anonymement leur art. Comme ça, personne ne saura que c'est toi.

-Quoi ? je fais.

Une seconde ! J'espère qu'il ne s'est pas imaginé que j'avais envie de dévoiler mes dessins, parce que je ne suis pas du tout prête pour ça. Certes, j'ai montré mes dessins à Marcus mais ça ne veut pas dire que je veux les montrer au monde entier. Et de plus, ils restent très personnels pour moi. Ces dessins ne sont pas juste une manière de m'exprimer, ils représentent carrément toute ma vie. Je ne suis pas une artiste incomprise ou un talent caché, je suis une peureuse qui ne veut pas montrer ses dessins.

-C'est vraiment très gentil, Marcus, mais tu n'avais pas besoin de faire ça, je lui dis. Je te l'ai déjà dit, mes dessins, je les garde pour moi.

-Tu ne devrais pas. Ce que tu fais est juste incroyable. S'ils m'ont parlé, je suis sûr qu'ils peuvent aussi le faire avec un tas de gens.

-Je ne peux pas...J'en suis pas capable. Tu comprends ? Ces dessins ne sont pas seulement mes pensées, c'est toute ma vie.

-Justement.

-Mais non, tu ne comprends pas ! Ce n'est pas quelque chose que je fais pour avoir de la visibilité auprès des gens.

-C'est ton moment de sortir de l'ombre. T'as le droit de te faire entendre, t'as le droit à cette chance.

Qu'est-ce que j'aimerais y croire ! Mais c'est impossible. Je n'ai pas envie que les gens voient cette face obscure de moi. Me dévoiler, c'est quelque chose que je n'ai jamais fait auparavant et j'ai peur de décevoir. J'ai peur de me trahir par la même occasion.

-Mais je ne suis pas prête pour ça, je lui dis.

-Ecoute, May, tu ne sauras jamais de quoi tu es capable si tu ne prends pas ton courage à deux mains. C'est une chance unique qui ne se reproduira peut-être jamais.

-Marcus, je t'ai dit que je ne veux pas que les gens voient ce que je fais...

-Laisse-toi une chance. Tu n'es pas obligée de continuer si ça ne te plait pas. Je veux juste que tu le fasses une fois. Je crois en toi.

Il croit en moi. Il croit en moi. Et il est venu jusqu'ici pour me dire qu'il croit en moi.

-Et t'es venu jusqu'ici pour me dire ça ? T'aurais pu m'appeler ou me texter, je lui dis.

-C'était vraiment important.

Il me sourit et je souris également. Il s'est déplacé pour me voir, MOI ! C'est quelque chose de complètement fou, d'ailleurs c'est la chose la plus folle qui m'est arrivée. Je vous jure ! Même Coachella ne m'a pas fait cet effet. Un mec, un vrai mec, s'est déplacé pour moi. Etrangement, ça me rappelle la scène entre Hailey James et Nathan Scott dans les Frères Scott. Vous vous rendez compte ? Je vis une série télé !

Marcus ne s'en rend peut-être pas compte, mais qu'il croit en moi est vraiment important pour moi. Je lui ai dit des choses que je n'ai jamais dites à personne, j'ai partagé avec lui des trucs que je n'ai jamais partagés avec personne. Et putain, il croit en moi alors que moi-même je ne crois pas en moi. Comment ce gars peut-il être aussi parfait ? Plus je le regarde et plus je me dis qu'il sera beaucoup plus précieux pour moi que ce que je ne m'imagine.

Putain, rien ne peut gâcher ma journée.


PhillyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant