Prologue - La naissance

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Je suis née avec un don.

Avec un pouvoir invisible, presque inoffensif.

J'ai pris conscience de mes facultés aux alentours de l'âge de 7 ans. L'âge de raison, dit-on. Et raisonnablement, j'avais décidé de faire de mes parents mes premiers cobayes.

Je ne sais encore aujourd'hui, de quelle manière se manifeste mon don. Ce que j'ai intégré rapidement en revanche, c'est ma capacité à manipuler mon monde.

Je suis capable d'influer, orienter, modifier l'humeur de mes congénères. C'est sympa en soirée pour motiver ses amis à faire la fête, mais l'on minimise grandement le pouvoir de l'humeur sur notre quotidien.

Une mère heureuse sera moins encline à réprimander son enfant.

Un adolescent déprimé ressentira une incapacité à sortir de sa chambre.

Un homme en colère cherchera la confrontation comme exutoire à sa violence.

J'ai 17 ans et 10 ans de maîtrise de mon don. Cette maîtrise a évolué au fil du temps et j'ai dû m'adapter. Me couler dans cet univers qui ne m'était pas destiné.

Enfant, j'influais sur l'humeur de mes parents par le biais de mes pleurs, mes hurlements, mes mots. Mes désirs se transmettaient via mes cordes vocales à mes géniteurs, qui étaient miraculeusement prêts à accepter tous mes caprices. Aussi, m'arrivait-il de hurler à qui pouvait l'entendre qu'il devait être plus gentil avec moi.

- Sois moins triste !

- Souris maman !

- Rigole !

J'étais devenue la championne de la phrase impérative. Aucun être humain ne semblait pouvoir me résister.

Mais ma mère, cette grande avocate intelligente et reconnue, s'éloignait de moi inexorablement. À première vue, elle semblait tout aussi réceptive à mon don, mais contrairement aux autres, elle sentait que quelque chose clochait. Elle me trouvait déjà, à ce moment-là, anormale.

La thérapie familiale s'imposa donc à nous. Enfin... maman nous l'imposa. Et je n'aimais pas cette inconnue qui me regardait droit dans les yeux, draguant mon âme à la recherche de mines létales. Mon don de manipulation fonctionnait bien sûr sur la thérapeute, mais cette dernière était douée pour me contrer. Au palmarès des femmes froides et fuyant mon contact, elle obtint la bonne seconde place, juste derrière ma mère. Car elle osait me museler. Mes mots étaient devenus interdits, indésirables... En somme, une thérapie où seuls mes parents avaient le droit de s'exprimer. Ces séances n'étaient bonnes qu'à être maltraitée par cette femme sans cœur, adoratrice de la censure.

Vexée, j'adoptai donc dans un premier temps le mutisme et cela même en dehors du cabinet de la psychologue. Mon père s'inquiéta, tel le drogué qu'il était devenu, en manque de son shoot de manipulation cérébrale quotidienne. Mais les enfants sont doués d'une capacité d'adaptation impressionnante. Car j'étais au fond une simple gamine. Enfin presque...

C'est ainsi que je me suis mise à siffloter, à fredonner. Découvrant grâce à celle m'ayant intimé le silence, que la musicalité de mes cordes vocales transportait tout aussi efficacement mes exigences. Une sorte de télépathie musicale, transformant en sons mes ordres tant adorés. Cette découverte me permit de continuer à jouer, avec une subtilité et une invisibilité qui devint très vite jouissive pour moi. Les dépendants à mon don n'étaient pas ceux que l'on pourrait croire car la dealeuse elle-même en souffrait, puisant à outrance dans cette capacité que j'avais déjà conscience d'être la seule à posséder.

BLOWER SOULOù les histoires vivent. Découvrez maintenant