Loups

28

Louis et Gabriel restèrent dîner. Ce dernier raconta tous les "souvenirs" de notre voyage. Bien sûr il ne s'agissait que d'histoires qu'il inventait au fur et à mesure. Mais cela lui venait tellement naturellement qu'il n'était pas difficile d'y croire. Louis, à mes côtés, jouait avec mes doigts. Ils avaient l'air d'être intéressants puisqu'il ne redemanda même pas de viande. Il écoutait son père avec attention. Sûrement pour enregistrer chaque détail de ses mensonges et être capable de raconter les mêmes. Il fallait absolument que nous soyons en accord pour que mes parents ou qui que ce soit d'autre n'aient des soupçons.

- La pente était plutôt raide mais le spectacle valait le coup d'œil. On avait la vue sur toute la vallée. C'était magnifique. On a même vu un aigle.

Gabriel se tourna vers moi et me fit un clin d'œil. Mais il détourna vite son regard et poursuivit son histoire.

Je ne comprenais pas vraiment pourquoi il avait dit ça. Peut-être pour que ça est l'air plus crédible. De cette manière il ne mentait pas vraiment. Mais un mensonge de plus ou de moins quelle importance cela avait à ce stade ?

Un bruit de pas retentit dehors. Ces derniers se rapprochaient de la porte d'entrée. Louis et Gabriel, trop absorbés par leurs occupations, ne semblaient pas l'avoir entendu. Ou alors faisait-il comme si de rien n'était ? Comme des personnes normales ? La deuxième hypothèse paraissait plus vraisemblable.

Trois coups retentirent dans la maison. Ma mère, également absorbée par les histoires de Gabriel, sursauta. Mon père, lui, fronça les sourcils puis se leva pour aller ouvrir. Ils n'attendaient apparemment pas de visite ce soir-là. Je me levai à sa suite pour aller voir. Je n'avais jamais été à l'aise quand des gens venaient, tard le soir et encore moins maintenant que je savais que de vrais menaces rodaient en liberté.

Mon père appuya sur la poignée et la porte s'ouvrit sur Juline. Juline ? Pourquoi était-elle là ? La dernière fois que nous nous étions parlées ça ne s'était pas spécialement bien passé. Elle m'avait paru légèrement en colère. Quand elle me vit un sourire apparu sur ses lèvres. Je n'était pas sûre de comprendre.

- Salut, lança-t-elle, joyeuse.

- Salut..., répliquai-je, hésitante, Entre.

Mon père se décala sur le côté pour la laisser passer. Louis c'était aussi levé de table et se tenait à présent derrière moi. Ils se saluèrent brièvement et il retourna à sa place pour continuer d'écouter son père. Le mien fit de même puis j'entraînai Juline dans ma chambre. Elle s'assit directement sur mon lit comme elle avait pris l'habitude de le faire quand elle venait chez moi. Quand à moi, je pris place face à elle, assise sur le tapis.

- Bon pour commencer je voulais m'excuser, débuta-t-elle. J'ai compris que tu ne pouvais pas retarder tes vacances et que de toute façon c'était important pour toi donc même si tu aurais pu, tu ne l'aurais sûrement pas fait. Enfin peut-être que si mais là n'est pas la question. Je me suis énervée pour rien et aujourd'hui je m'en rend compte. Donc je m'excuse. Au passage je voulais m'excuser aussi d'avoir interrompu votre dîner. Je sais que j'aurais sans doute dû attendre lundi au lycée ou tout simplement venir te rendre visite dans le week end comme une personne normalement constituée. Mais il se trouve que je ne suis pas une personne normalement constituée. J'ai attendu ton retour toute la semaine mais tu ne revenais pas alors je commençais un peu à m'inquiéter. Finalement j'ai croisé Jade dans le centre-bourg. J'ai donc décidé de te rendre visite maintenant au lieu de me ronger les ongles toutes la nuit. Du coup tu me pardonne ?

Elle me fit une tête de petite fille mal traitée. Son petit discours m'arracha un petit rire. Je l'avais toujours trouvée très bavarde mais là c'était impressionnant.

- Oui je te pardonne, lui souriai-je.

Elle se leva et vint me serrer dans ses bras en me répétant un nombre incalculable de fois qu'elle m'aimait. Ses petits bras, serrés autour de mon corps, auraient du me faire mal mais je ne sentis rien. Sûrement encore un avantage de mes nouvelles capacités.

- Bon maintenant je vais vous laisser parce que moi aussi je suis sensée dîner présentement.

Je lui souris et la raccompagnai à la porte. Elle me salua et partit en trottinant. Je refermai la porte, souriante et heureuse de m'être réconciliée avec Juline, et retournai à table. Ma mère me questionna :

- Que voulait-elle ?

- Parler d'un truc important.

- Oh.

Les discutions reprirent leurs cours jusqu'à la fin du repas. Avant de partir Louis me chuchota à l'oreille :

- Rendez-vous dans trente minutes en haut de la colline.

Je lui souris et refermai la porte derrière lui. Ma mère en profita pour me serrer une nouvelle fois dans ses bras.

- Oh, ma chérie ! Tu m'as tellement manquée !

- Toi aussi maman, répondis-je en lui rendant son étreinte.

- Aw les deux femmes de ma vie se font un câlin !

Mon père se joint à nous. J'avais l'impression d'être un nounour- Non ! Je ne suis pas un nounours ! Je suis un être humain avec deux bras, deux jambes et une tête. Peut-être finalement que ce serait plus facile que je le croyais. Du moment que je me rend compte que ce à quoi je pense risque de me transformer je ne risque
rien.

- Voulez vous regarder un film ?, demanda soudainement mon père.

- Non, répliquai-je. Le voyage m'a un peu épuisée donc je pense que je vais aller dormir.

- D'accord, dit ma mère. Bonne nuit chérie.

- Bonne nuit maman ! Bonne nuit papa !

Je dirigeai rapidement vers ma chambre, ne voulant pas perdre de temps pour rejoindre Louis. J'entendis à peine mon père me répondre. Il me fallait environ cinq minutes pour m'y rendre à présent. Se qui signifiait qu'il me restait un quart d'heure pour ranger les affaires de ma valise et me poser un instant.

Le temps passa plus vite que prévu et j'arrivai un peu en retard. Louis était là, allongé dans l'herbe à regarder le ciel étoilé.