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Les heures passèrent, puis les jours, les semaines et les mois. Sept mois exactement s'étaient passés depuis ma transformation. Je me maîtrisais parfaitement à présent. J'avais cessé d'être nerveuse en public. Oublier que je n'étais plus humaine n'était plus aussi dure. Juline et Lisa n'avait jamais eu de soupçons quant à ma seconde vie.

La fin de l'année approchait à grand pas. N'ayant jamais aimé passer mes journées enfermée dans une salle de classe, j'en étais plutôt ravie. Louis disait que j'avais tort puisque c'était pour la bonne cause et qu'apprendre était la meilleure chose qui soit. Mais les vacances avaient aussi leurs avantages. Comme, par exemple, le fait que je pourrais me reposer. Mes cauchemars ayant redoublés de fréquence je me retrouvais à faire des nuits de quelques heures. Je rêvais de la même scène toutes les nuits si ce n'était pas deux fois . Je supposais que la signification était que l'événement approchait.

Cela stressait beaucoup Eléna qui détestait se retrouver dans cette situation d'ignorance. La voix était de plus en plus nette mais jamais je ne parvenais à déterminer à qui elle appartenait.

- Bon, voyons voir ce que ça donne, décréta Lisa.

Ma prof d'histoire nous avait demandé de faire un exposé sur l'un des sujets que nous avions abordé dans l'année. Pour ce faire nous devions constituer des équipes de trois. J'étais donc avec Trina et Lisa dans la chambre de cette dernière. Trina jouait avec l'une de ses longues mèches brunes. De nature timide elle avait longuement hésité quand je lui avais proposé de travailler avec Lisa et moi. À la réflexion elle s'était dit qu'il valait mieux qu'elle se retrouve avec moi qu'avec "deux imbéciles ignorants", selon ses mots.

Après deux heures de travail nous avions enfin terminé. Nous avions même enregistré notre premier essai à l'oral et nous nous apprêtions à l'écouter. Lisa appuya sur la touche play et sa voix se fit entendre. Puis dans la deuxième partie se fut la mienne.

Je fronçai les sourcils. La voix ou plutôt ma voix me rappelait quelque chose sans que je parvienne à me rappeler de quoi il s'agissait.

Une heure plus tard, j'étais allongée sur mon lit, le regard fixé au plafond. Étant épuisée par ma semaine, mes yeux se fermèrent peu à peu. De toutes façons j'avais cours le lendemain matin puisque qu'on serait lundi.

Je marchais en forêt. Le silence était pesant et la chaleur écrasante. Un espace dans les arbres me permirent d'apercevoir le haut de la colline.
- ...aide...
Une voix avait retenti au loin. Mes sens immédiatement mis en éveil m'indiquaient que la voix venait du nord. Sans que j'eus besoin de réfléchir plus d'un huitième de seconde mes jambes me portèrent dans cette direction. Plus je courais plus j'entendais la voix nettement.
- À l'aide !
Cette voix...

Je me réveillai en sursaut. Un coup d'œil à mon réveil m'indiqua qu'il était seulement deux heures du matin. La voix -ma voix- résonnait encore dans ma tête. En effet cette fois j'avais réussi à l'identifier. Il s'agissait de ma voix dont je rêvais toutes les nuits. Je ne savais pas comment l'expliquer mais j'en étais certaine.

Sans hésiter plus d'une seconde je sautai par ma fenêtre entrouverte. Il fallait que j'en parle à Louis et Gabriel avant de céder à la panique. Vérifiant que personne ne m'observait je me transformai en chouette effraie. J'utilisais souvent cet animal. Rapide, il avait également une bonne vision nocturne. En moins d'une minute j'étais devant la maison des Roumy.

Quand Gabriel ouvrit la porte j'avais retrouvé ma forme humaine. Derrière, Louis, le visage trahissant sa fatigue, était encore en train d'enfiler une chemise. Renonçant à la fermer, il s'approcha de moi et me serra dans ses bras. Au contact de sa peau brûlante, je me détendis.

- Que se passe-t-il ? murmura-t-il au bout d'un moment.

Tout en parlant, il m'entraînait à l'intérieur, suivis de Gabriel. Peu de temps après toute la famille était rassemblée à l'étage, dans le salon. Tous plus endormis les uns que les autres. Je m'en voulais un peu de les avoir réveillé. Surtout qu'il ne s'agissait sans doute pas de quelque chose de très important. J'aurais pu attendre le lendemain matin si je n'avais pas eu peur de finir par paniquer à force d'y réfléchir. Cette situation était plutôt perturbante. Comment pouvai-je entendre ma voix m'appeler à l'aide ? C'était complètement insensé.

Sept paires d'yeux me fixaient attendant que je crache le morceaux. Me sentant soudain gênée, je baissai les yeux.

- J-j'ai trouvé à qui appartenait la voix dans mon rêve, dis-je doucement, sûre néanmoins que tout le monde m'avait entendu.

- Qui ? s'empressa de demander Louis.

- Moi...

- Quoi ?

Je relevai la tête. Ils me regardaient tous se demandant s'ils avaient bien entendu.

- La voix qui m'appelle dans mon rêve c'est la mienne. Ou du moins la même que la mienne, reformulai-je ma réponse.

- Ça n'a aucun sens, remarqua Jade. En es-tu bien certaine ?

- Aussi sûre que je te vois.

- Peut-être est-ce un piège, supposa Gabriel. Peut-être quelqu'un souhaite t'attirer à lui avec ta propre voix.

- Ça n'a aucun sens, répéta Jade. On aurait utilisé une autre voix pour l'attirer. Celle de Louis, par exemple.

- Ou alors le piège n'est pas pour elle, proposa ce dernier. Si ça se trouve c'est pour m'attirer, moi.

- Et Becky se retrouverait dans les bois en même temps ?

- Oui ou alors, es-tu bien sûre que c'est toi qui marche dans les bois ? me demanda mon amoureux.

- Oui. Je m'en rendrais compte si ce n'était pas le cas. A quoi penses-tu ?

- Ça aurait pu être toi qui appelait à l'aide et moi qui l'entendais.

L'idée avait du bon mais je n'avais aucun doute sur ce que j'avançais.

- Je suis sûre que c'est moi qui marche et ma voix qui appelle à l'aide, insistai-je.

Le silence s'installa.

- Tu ferais mieux de rentrer te reposer, me conseilla Gabriel au bout d'un certain temps. Nous discuterons de tout ça demain. Passe à la maison après tes cours, Becky.

Je hochai simplement la tête, sachant pertinemment que je ne parviendrais pas à m'endormir de nouveau.

LoupsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant