"Je loue le Grand,
Souverain tout-puissant
Gloire à sa famille
Que Princesse soit bénie
Vive la Grande Liberté
Celle de pouvoir travailler
Je sers avec mon coeur
Le Cloître et ses Soeurs
Elles, les vierges Cloîtrées
Nous donnerons la luminosité
Depuis la Ville, je suis incliné
En direction de la Grande Cité.
Et le Mur tiendra
Tant que le vent soufflera
Le Mur nous sauvera
Toujours le Mur tiendra !
Je lui fait honneur
Sur le coeur !"
Les trois cents ouvriers qui composaient l'unité B-07 se frappèrent violemment la poitrine, alignés en rangs devant le drapeau gris à couronne blanche, bordé de fleurs de lys dorées sur fond vert, qu'on venait de hisser.
- Camarades ouvriers ! s'écria le chef d'unité Kapek. Travaillez aujourd'hui trois fois plus vivement que d'ordinaire. Car ce soir le Grand tournera ses yeux célestes vers notre Ville, ce soir le Grand daignera nous baigner de ses paroles sacrées ! Que chacun d'entre vous soit dehors à la nuit tombée, pour écouter le Grand ! En avant.
Sous un tonnerre de pas vigoureux, l'unité se mit en marche. C'était une colonne de bâtisseurs, qui construisaient de grands bâtiments gris qui serviraient pour les générations futures. Le travail n'était payé qu'en ration de nourriture, l'argent était presque impossible à trouver.
Parmi les hommes qui marchaient, Rigus Meltroj B-07, avait un front soucieux, que ridait la peur de perdre son têtu petit frère, Jord. Il se reprit bien vite et tenta tant bien que mal de garder un visage impassible, et, plus tard, de frapper en rythme avec sa pioche le sol rocailleux. Bientôt, songea-t-il, il n'y aura plus rien à construire. Les trois quarts de l'intérieur du Mur sont déjà aménagés. D'ici quelques années, il n'y aura plus de bâtisseurs. Rien qu'aujourd'hui, il y a trois fois moins d'unités. Quand mes enfants -si j'en ai- atteindront l'Âge de Liberté, il n'y aura plus que des unités de Nettoyeurs, de Producteurs, de Brûleurs, et de Trieurs. L'humanité s'ennuiera. Mais qui s'amuse dans la vie ? On travaille, on craint, on souffre en silence et on doit se considérer comme un moins-que-rien face à Dieu quand on parle du Grand. Et puis les femmes -pourquoi les avoir effacées ? Il y avait une Grande, à une lointaine époque, la mère de Princesse. Mais elle est morte. Il doit rester à tout casser dix femmes dans la ville. Le reste est bien sûr devenu soit Mère Blanche, soit Cloîtrée, et, quand il n'y a besoin de personne, a été exécuté.
- Camarade Rigus !
Il n'y a même pas de liberté. On ne peut pas choisir dans la mesure où tous les choix se résument à travailler durement, sans pauses ou presque. On en vient presque à souhaiter avoir été Difforme, pour être égorgé puis brûlé.
- Camarade Rigus !
Parce que la mort n'est pas une solution. Si l'on se donne la mort, on est un Traître Conspirateur. On a échoué à servir le Grand. Alors le corps est zigouillé dans tous les sens et pendu morceau par morceau dans la Ville. Puis tous les proches éventuels sont exécutés en place publique à leur tour.
- Camarade Rigus !
L'interpellé revint à la réalité d'un dur coup de pied dans le dos.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? Vous rêviez ? Vous voulez que je transmette ? Que je ruine votre existence ?
- Ah ! Pardon, pardon, maître Kapek. Vous m'appeliez ?
- Bien sûr, camarade ! Votre stupidité vous coûtera trois jours chez les Noirs.
- Ah ! De grâce, maître Kapek.
- Vous prônez l'égoïsme ? Vous refusez de servir ? Vous tentez de m'influencer ?
- Non, bien entendu. Je m'excuse avec tout ce qu'il m'est donné. J'irai donc trois jours chez les Noirs.
- Dans mon bureau, et vite. Je vous ferai votre papier.
***
- Signez ici. Vous partez demain. Croyez-moi bien que vous accourrez dès qu'on prononcera votre nom.
- J'en suis persuadé.
Rigus signa le papier qu'on lui tendait à contrecœur.
- Maintenant, retournons à ce qui m'avait amené à vous appeler. J'ai entendu que vous aviez fait la Demande ?
- Oui.
- Et d'où vous vient cette insolence ?
- Soyez certain que je ne crois pas au Plaisir. Je voudrai juste contribuer à perpétuer l'humanité.
- Mmmh. Soyez certain, vous, que le Plaisir est puni par la mort. L'homme n'est pas un animal. Il apprend à contrôler ses émotions et à s'incliner devant le Grand. Être remarqué un jour, que notre Souverain pose ses yeux sur nous, voilà l'objectif de toute une vie. Dans ma jeunesse, voyez-vous, le Grand est descendu à la Ville. Voilà au moins quatre ans que cela n'est pas arrivé. Le Suprême a posé sa divine main sur ma misérable épaule. Je me souviens encore de la sensation. Ce fut le plus beau jour de ma vie. J'ai été béni, et désormais me voilà chef d'unité.
- Je comprends. Nous rêvons tous à cela.
- Vous feriez mieux d'arrêter de rêver ! La marque qui sera bientôt sur votre dos vous empêchera d'être touché par le Grand. Votre rêve a éclaté, retournez à la réalité et retournez travailler !
Rigus s'inclina.
- Bien, maître Kapek.
Il sortit, reprit sa pioche, et recommença à creuser sa fondation avec ardeur et sueur.
Voilà pour le premier chapitre... Donnez-moi votre avis, je l'attend avec impatience !
VOUS LISEZ
Le Mur
Science FictionL'humanité enfermée derrière un mur, gouvernée par un dirigeant invisible, les hommes forcés à travailler tandis que les femmes sont cloîtrées... Mais malgré tout, la haine, la révolte, et l'amour. Rigus. Harry. Esther. Princesse. Tous si dif...