Rigus suivit Tajna en haut de l'escalier en colimaçon. Le petit palier sur lequel il aboutissait comportait deux portes. Tajna poussa la première, qui était en verre poli, et laissa Rigus seul dans une antichambre éblouissante de blancheur.
- Faites entrer ! ordonna une voix dans la pièce adjacente.
Une autre belle jeune femme ouvrit la porte d'où venait la voix. Aux yeux de Rigus, elle était semblable à Tajna, mais avec des cheveux plus foncés et un badge marqué "Paige".
- Monsieur Torin va vous recevoir, dit-elle.
Rigus déglutit et passa dans l'autre pièce. Assis derrière son bureau, Torin l'attendait. C'était un homme petit et voûté, les cheveux parfaitement blancs et la soixantaine environ. Il avait un bouc et des yeux pétillants.
- Rigus Meltroj, c'est bien cela ?
- Euh... oui, Monsieur.
- Asseyez-vous, Rigus.
L'interpellé s'exécuta, intrigué.
- Je vais être franc avec vous, Rigus. Vous m'avez fait pitié.
- Pardon ?
- Je ne suis pas comme les autres officiers et personnes officielles. Quoi qu'il me soit arrivé, je suis toujours resté humain. Tenez, c'est votre dossier. Lisez-le.
Rigus saisit la pochette cartonnée étiquetée "Rigus Mirzek Meltroj - #045987321" que Torin lui tendait. Elle contenait une photo d'identité, l'adresse de son domicile, un dossier sur son père, divers détails techniques, son formulaire de demande de paternité... puis, tout à la fin, deux feuilles dactylographiées. La première portait l'en-tête du Centre des Mères Blanches. C'était une validation et autorisation d'accéder à la salle de fécondation. Par-dessus le texte était apposé un gros cachet rouge portant l'inscription "REJETÉ". La seconde provenait de l'unité B-07 des Bâtisseurs, et était signée de la main de Maître Kapek. Elle disait, entre autres, que Rigus était un lâche, un délinquant, un escroc, un distrait, un mou, incapable de fournir à la Nation une progéniture digne de la Grand Liberté, car il n'en était pas digne lui-même.
A la fin de sa lecture, Rigus tremblait de rage.
- Révoltant, n'est-ce pas ? lui dit Torin. Voyez-vous, dans le monde des dirigeants, il y a deux choix : soit devenir impitoyable et exécrable, soit jouer à l'impitoyable et à l'exécrable, et rester humain sous la table. Je ne veux pas savoir ce que vous avez fait, Rigus. Je ne veux rien savoir. Je veux juste vous donner votre chance.
Torin avait fait craquer une allumette, et approchait la flamme dansante du papier. Ce dernier se rétracta en noircissant.
- Vous allez vous rendre à la salle de fécondation aujourd'hui même, puis je vous donnerai l'adresse d'un cercle pour gens comme vous. Un endroit tout à fait légalisé mais difficile d'accès. Il s'agit du Cercle de Réapprentissage de la Grande Liberté, ou CRGL. Faites-moi la promesse de vous y rendre.
- Je vous le promets.
- Parfait. Paige !
- Monsieur ?
- Conduisez ce brave Rigus à la salle de fécondation. J'ai veillé personnellement à ce que ses papiers soient en règle.
- Bien, Monsieur.
Rigus se leva.
- Merci infiniment. Adieu, Monsieur Torin.
- Nenni. Nous nous reverrons. Oh, et, dans la salle... Profitez-en. C'est délicieux.
Et il conclut avec un de ces petits clins d'œils malicieux dont il avait le secret.
***
Rigus fut soumis à toutes sortes de traitements : scanners, prélèvements d'ADN, désinfectant, lavage complet... On lui donna une sorte de robe de chambre vert pâle et ses habits furent consignés dans un casier. Enfin, Paige le conduisit à la salle de fécondation. Une dizaine de blocs transparents collés les uns aux autres étaient suspendus à soixante centimètres du sol par des piliers de métal mobiles. Dans chacun des cubes flottait une femme reliée à des câbles et portant une légère tunique blanche.
- Nous vous avons assigné la F-027, dit machinalement Paige.
Elle alla au mur et, après différents réglages, fit descendre l'une des femmes de sa lévitation.
- Est-ce qu'elle va sentir quelque chose ? s'enquit Rigus.
- Dans quatre-vingt-dix-neuf pour cent des cas, non. Notre système est prévu pour cela. Je vous laisse.
Rigus contempla un instant la femme raide qui se trouvait devant lui. Ses pieds écartés touchaient le sol, et le reste de son corps était à moitié couché, formant un angle aigu avec le carrelage. Elle avait de bonnes joues et des cheveux noirs coupés très courts à la garçonne. Il inspira profondément et expira douloureusement.
- Rigus, c'est aujourd'hui que tu deviens père, souffla-t-il solennellement en se penchant sur Fayonne.
Voilà, désormais vous savez tout des Mères Blanches ! Qu'en pensez-vous ?
VOUS LISEZ
Le Mur
Science FictionL'humanité enfermée derrière un mur, gouvernée par un dirigeant invisible, les hommes forcés à travailler tandis que les femmes sont cloîtrées... Mais malgré tout, la haine, la révolte, et l'amour. Rigus. Harry. Esther. Princesse. Tous si dif...