Le Mur

Chapitre 19 ~Esther

Une semaine plus tard, Esther avait si bien descellé son barreau de gauche qu'elle avait de plus en plus de mal à garder son entreprise secrète. Elle avait gardé sa bonne humeur et espérait tous les soirs la venue du Chevalier.

Tahanne venait de se retourner sur son matelas et ronflait doucement. Esther était pleine d'espoir et scrutait la nuit sans ciller. Un instant, elle crut entendre un léger bruit de succion, mais ne voyant rien venir, elle se découragea. C'est alors qu'elle remarqua un petit frottement. Elle se redressa, le sourire aux lèvres. Une minute plus tard, les yeux de Harry étaient plongés dans les siens.

- Mon Chevalier ! Vous m'avez tant manqué !

- Ma Sainte femme ! Enfin je vous revois !

- Ah ! Harry, j'ai l'impression de vous connaître depuis toujours. Je ne puis plus imaginer la monotonie de la vie sans vous. Aussi, je vous en prie, tutoyez-moi comme vous tutoieriez votre servante.

- Je le ferai, ma douce, si vous le faites aussi.

- Oh ! J'en rêve tant ! Embrasse-moi encore, être adoré.

Leurs lèvres se mêlèrent dans un baiser passionné, leurs joues dérangées par les barres métalliques emplies du froid de la nuit. Mais tous deux en voulaient plus ; tous deux avaient trouvé leur âme sœur ; ils en étaient sûrs, même après si peu de temps.

- Je t'ai préparé une surprise, déclara Esther au bout d'un moment.

Et, d'un coup sec, elle arracha le barreau de gauche.

- Mais c'est merveilleux ! s'écria Harry.

Et il se glissa tant bien que mal à l'intérieur de la cellule.

Il resta un peu coincé au milieu ; mais en quelques minutes d'efforts, il parvint à passer de l'autre côté. Il attacha le bout de son grappin au barreau du centre et vint s'asseoir sur la planche. Il vit Tahanne endormie et se sentit rougir. Il détacha sa cape et la suspendit à la porte grillagée pour les masquer à la manière d'un rideau.

- Voilà qui nous fera un peu d'intimité, dit-il.

- Et maintenant, compléta Esther, parle-moi de toi.

- Ah non ! Parle-moi de toi d'abord.

- Mais il n'y a rien à dire ! Je suis un Sœur, j'ai toujours vécu ici, j'ai dix-sept ans, j'avais deux amies : l'une d'elles est ici derrière ta cape et l'autre a disparu. Les Sœurs Supérieures sont horribles et j'aime le Chevalier Harry Diggs plus que tout.

- Oh ! Comme j'aimerai t'emmener chez moi !

- Justement ! Dis-moi comment c'est chez toi, dis-moi comment est la Ville.

- Elle est crasseuse et grise. Il faut travailler dans une des cinq Divisions ou servir le Grand dans les Forces. J'ai choisi cette dernière option, je suis devenu soldat et avec l'argent de mon père, j'ai pu acheter un titre d'officier. J'ai défendu l'État un jour où, lors d'un défilé, un homme s'est trop approché du Général dans la rue. Je lui ai tiré dessus et il est mort. Désormais je suis Chevalier ; c'est un titre d'honneur, je peux rester chez moi, je ne dois plus servir comme guerrier ou garde, j'ai des droits en plus, et je suis devenu quelqu'un.

- Mais c'est horrible !

- Je n'ai pas vraiment eu le choix. J'ai pu rencontrer le Grand et j'ai demandé à connaître ma mère. Mon père est mort, lui. En fouillant les archives, on a retrouvé Aymée, ma mère. Elle était enceinte. J'ai gardé l'enfant comme mon frère et je l'ai appelé Harry Junior.

- Et ta mère, où était-elle ?

- Chez les Mères Blanches, là où naissent tous les enfants.

Esther n'osa pas demander plus d'informations.

- Tu aimes l'endroit où tu vis ?

- Non. Ma maison est très confortable et grande par rapport aux autres et j'aime ma mère, mais je m'ennuies.

- Oh.

Il y eut un silence gêné. Harry approcha ses lèvres de celles d'Esther, et ils s'embrassèrent à nouveau. Sans vraiment s'en rendre compte, ils se couchèrent sur le lit.

Ils étaient enivrés par leur bonheur et par leur étreinte. Alors Esther entreprit de déboutonner la chemise de Harry, sans réfléchir aux conséquences.

Que pensez d'Harry et d'Esther ? Retrouvez-les au chapitre 22 !