Drapée dans un voile gris pâle, Sœur Erdalle avançait dans les couloirs sous-terrains du Couvent, une lanterne à la main. Elle regarda d'un air dédaigneux les jeunes femmes squelettiques dans les minuscules cellules gémissant dans l'obscurité, les yeux clos.
- Je crois que tout est perdu, murmura-t-elle. Mais qu'importe ? Vous allez rester ici, de toutes façons. C'est tout ce que vous méritez.
Elle descendit jusqu'à la porte coulissante où le faisceau vert la balaya, puis elle entra dans le couloir des Mères Blanches. Elle avança, et par un dédale complexe arriva à un escalier en colimaçon. Elle poussa la porte du palier et pénétra dans la pièce. Torin la regarda et appuya sur le bouton de son hygiaphone.
- Tajna, je suis occupé. Ne laissez personne entrer. Quel que soit la raison qu'on vous donne. Est-ce clair ?
- Tout à fait, Monsieur Torin.
L'interphone se coupa dans un claquement.
- Erdalle ? s'enquit finalement le vieil homme, son visage empreint d'une certaine mélancolie.
- Torin... murmura-t-elle. Ça fait si longtemps. Est-ce toujours aussi "délicieux" ?
Il sourit et lui désigna un siège.
- Assieds-toi. Qu'est-ce qui t'amène, après tant d'années ? Tu as bien changé -et en même temps, je te reconnais bien malgré ces rides et cette coiffe.
- Parce que tu penses que tu ne t'es pas ridé, toi ?
- Le temps laisse ses marques mais n'atténue pas les douleurs. Que s'est-il passé ?
- Torin... oh, Torin... Tu ne sais donc pas ce qu'il se passe au-dehors ?
- La révolte ? J'étais au courant.
- Et tu n'as pas peur.
- Disons que je n'ai jamais vraiment porté le Grand dans mon cœur ; et qu'il ne reste plus assez à perdre dans ce monde pour que je sois triste de le quitter.
- Mais... qui sait ce qu'il y a à l'extérieur, au-delà du Mur ? Et puis... si, ayant échoué, ces révolutionnaires décidaient de nous tuer ?
- Ne t'inquiète pas. Tout ce qu'ils veulent, c'est parcourir le monde. Je suis presque sûr qu'ils réussiront ; et alors, nous ne resterons pas ici... Il faudra partir et reconstruire nos vies ailleurs.
- Oui, mais...
- Tch, tch. Rentre au Couvent et attends. Il sera toujours temps d'agir après.
- Oui, je...
Elle contourna le bureau et, s'asseyant les genoux au sol, vint poser sa tête sur le torse de Torin. Ce dernier lui caressa doucement les cheveux.
- Tu l'as fait encore après moi, n'est-ce pas ? Avec ces filles de joie qui t'entourent, avec cette Tajna ?
- Je te jure que ça n'a jamais été aussi bon après toi. Je me suis raisonné assez vite ; et j'ai arrêté.
Il soupira, et laissa son regard partir dans le lointain.
- J'aurai aimé que nous ayons une véritable histoire, Erdalle. J'aurai voulu passer ma vie à tes côtés... Mais tu sais aussi bien que moi que ça n'aurait pas été possible.
- Ce n'est pas trop tard, Torin.
- Si. Et ça aussi, tu le sais.
- Et notre fils ?
Le visage d'Erdalle exprimait la tristesse et les regrets.
- Il faut se rendre à l'évidence. Je sais que tu cherches à éviter la vérité, mais il est très certainement mort. Ou alors il se cache si profondément dans les quartiers mal famés que je n'ai pas pu le retrouver.
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Le Mur
Science FictionL'humanité enfermée derrière un mur, gouvernée par un dirigeant invisible, les hommes forcés à travailler tandis que les femmes sont cloîtrées... Mais malgré tout, la haine, la révolte, et l'amour. Rigus. Harry. Esther. Princesse. Tous si dif...