Chapitre 42 ~Princesse

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- Une révolte, tu dis ?

- Parfaitement, Princesse, répondit Wytt d'un ton impassible.

- Rien de trop grave, j'espère. Ça ne saurait être sérieux.

- Et bien, justement, j'ai bien peur que si...

- Non, je ne puis penser que... Il nous faudra seulement mettre en garde les Forces. Qu'elles se tiennent prêtes. Augmentons les effectifs, et contrôlons que les armes soient efficaces -même, qu'ils aient tous des fusils. Pas de pitié pour les Traîtres Conspirateurs. Du plus au moins coupable, du chef au moindre complice, la mort les attend tous : que ce soit bien clair, peu importe leur position dans la société !

- Bien, je transmettrai vos instructions au Sergent Ramien.

- Et comment as-tu...

- N'oubliez pas, Princesse, interrompit-il. Ne jamais questionner mes sources.

- Hum. Enfin, bref. J'aimerai tout de même en savoir plus. Qu'a donc à me reprocher mon peuple, Wytt ? Penses-tu que le souverain... disons, actuel, ne soit pas assez présent ?

- Et bien, disons qu'il me semble que ça part plutôt d'une envie de liberté, d'activés, d'arrêt du travail, d'explorer le monde extérieur...

- Arrêt du travail ? Liberté ?

Princesse le regarda un instant, puis rit à gorge déployée.

Son rire était effrayant. Ce n'était pas celui d'un enfant, il était bien trop noir et amer pour cela. C'était déjà celui d'un tyran. Il enveloppa Wytt, emplit ses oreilles ; il s'en délecta.

- Ha ! conclut-elle, une lueur de défi dans les yeux. Et que feraient-ils, s'ils ne travaillaient pas ? Ils resteraient chez eux, à fixer le sol. Ils tourneraient en rond, tels des animaux en cage ! Ils en voudraient toujours plus. C'est ainsi que naissent de plus en plus de révoltes et d'exigences. Ils ont déjà la satisfaction du travail accompli et du service rendu à la nation, n'est-ce pas suffisant ? Et que veulent-ils trouver ? Notre Nation a anéanti les guerres, les famines, les conflits, la criminalité. Qu'espèrent-ils donc du monde extérieur ? Et quoi qu'il en soit, le Mur n'a pas de portes. Nous sommes coincés ici à regarder les années passer, et ce, jusqu'à notre mort, Wytt, voilà la vérité !

Ils se regardèrent. Tant de choses passèrent dans ce regard.

- Non... non... Wytt... Ce n'est pas vrai... Ils ne comptent tout de même pas...

- Il ne s'agit que d'une supposition. Vous savez...

- Oh, ils n'y parviendront pas. Non. Ils n'y parviendront pas, tu m'entends ! Je les écraserai -ceux qui ne seront pas tués par les Forces dans le feu de l'action, je les ferai ramper à mes pieds -et ils seront fusillés à genoux ! Ce sera sanglant, mais ce sera aussi grandiose. Voilà exactement ce qu'il fallait à la Grande Famille pour rétablir son autorité. Et après avoir écrasé cette révolte, je me ferai sacrer par le Général Herm, en présence des personnalités de la Ville. Je montrerai ma puissance, et je serai présente pour mon peuple. Le lendemain, nous pourrons annoncer la mort du Grand.

- Décidément, vous avez l'art de tourner les choses à votre avantage. Voilà qui fera de vous une souveraine exceptionnelle.

- Mon avantage, Wytt, est celui du pays. Je ne forme qu'un avec la Nation, je contrôle la Nation, je suis la Nation. Je suis la souveraine légitime et rien ne s'opposera à ma loi. Et certainement pas un minable petit groupe d'ouvriers mécontents.

Elle fixa Wytt de ses petits yeux d'enfant. Ils étaient perçants, menaçants ; il y brillait une farouche lueur de défi.

Le MurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant