Chapitre 25 ~Harry

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Harry revit en flash sa soirée de la veille. Sa rencontre, dans la rue, avec son vieil ami le Chevalier Dane Roggs. Ce dernier le connaissait depuis si longtemps qu'il avait lu sur son visage. Il avait compris que quelque chose n'allait pas. Mais il n'avait pas posé de questions.

Il l'avait emmené au Nord-Ouest de la Ville, dans ce quartier mal famé qui servait de lieu de débauche aux officiers.

Des taudis, des immeubles pauvres pour les mystérieux rejetés, qui, ayant vécu la même chose ou à peu près que Rigus, ne s'étaient jamais présentés aux travaux publics et décidaient de disparaître, tout en sachant que si on les croisait dans la rue, c'était l'exécution qui les attendait. La crasse, la boue, la puanteur de certains coins et l'air menaçant des rares habitants qu'on distinguait à travers les fenêtres brisées décourageaient les visiteurs. On appelait ce quartier "Le Bidonville des Disparus Gris". On accédait à cette zone par deux ou trois vieilles ruelles sombres des fonds de la Ville ; et on y tombait jamais par accident. En dehors des masures à cinq étages, on trouvait là deux ou trois boutiques plus ou moins dissimulées vendant différentes sortes de produits stupéfiants, à consommer sur place. Par endroits, les Forces avaient mis en place des barrières et des grillages en place pour séparer la canaille du reste ; quand quelqu'un disparaissait, on savait où le chercher mais on n'avait aucune envie de le faire, étant donné qu'on risquait de tomber sur son cadavre.

Il y avait là aussi l'unique bar de la Ville. L'alcool frelaté, produit dans l'arrière-salle, y coulait à flots dans des verres à moitié propres et à prix d'or. Il y avait quelques tables et un long comptoir ; tout y était noir de crasse. A côté était un petit hôtel, bien que le mot soit mal choisi ; c'était une baraque sale et délabrée qui soutirait l'argent des visiteurs n'ayant pas la force de rentrer chez eux ou voulant consommer leur camelote droguée, ou bien encore, pour une raison inconnue, voulaient disparaître le temps d'une nuit.

C'était donc là que Dane avait emmené Harry. Ils avaient descendu verre après verre jusqu'à en avoir le ventre plein et l'esprit embrumé ; mais cela n'avait pas suffit à Diggs. Il avait continué à réclamer godet sur godet, jusqu'à ce que sa langue soit si pâteuse qu'il soit obligé de se contenter d'un signe de la main au peu commode patron qui entendait bien dès qu'il tenterait de sortir, et ne s'en cachait pas.

Roggs avait fini par devoir le tirer de force hors de l'établissement, non sans mécontentement et coups distribués au hasard. Le Chevalier Diggs avait vomi au coin d'une maison ; il titubait et délirait tant que son ami avait été contraint de le bâillonner et de le porter sur son dos afin qu'ils ne soient pas repérés par une patrouille. Dane l'avait donc laissé devant chez lui en pleine nuit.

N'arrivant pas à ouvrir sa porte, Harry s'en alla par les rues. Et arrivé devant le Mur dans un état second, le nom d'Esther emplissant ses pensées, ses mots et ses délires, il avait couché, grâce à une vieille flaque, de la suie et un morceau de charbon, ses sentiments sur la pierre.

Puis, enfouissant sa tête dans un tonneau d'eau de pluie pour se dégriser, il avait regagné sa porte, et était parvenu à l'ouvrir. Il s'était jeté sur son lit pour n'être réveillé que tard le lendemain.

***

Harry se ressaisit au plus vite. Il ne pouvait rester si longtemps en contemplation devant l'inscription pécheresse sans attirer l'attention. Il se redressa.

- Chevalier Harry Diggs, firent les soldats en se rangeant au garde-à-vous.

L'officier présent se contenta d'un petit signe de tête. Les soldats montés en grade et donnant leur vie aux Forces ne supportaient pas les Chevaliers, qui n'avaient plus de réels devoirs et devenaient leurs supérieurs.

- Disposez, disposez, fit négligemment Harry. C'est vous qui avez découvert cette... horreur ?

Il tenta une moue de dégoût qui fut du plus bel effet.

- Oui, ce matin même. Et croyez-nous, peut importe l'identité de cette vermine, nous l'aurons.

- Oh ! Je n'en doute pas une seconde, soldat.

- Des soupçons, Chevalier ?

Harry garda le silence un instant.

- Ma foi... je n'y avais pas songé, car je viens d'être mis au courant. Je vous ferai part de mes réflexions à l'avenir. Bon courage !

Il s'enfonça dans les rues de la Ville, l'officier pestant dans son dos.


Retrouvez Harry au Chapitre 29 !


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