Chapitre 24 ~Rigus

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Rigus Meltroj avait été ravi d'apprendre que le travail de la journée était annulé. De sa vie il n'avait jamais ouï pareille nouvelle. Certaines rumeurs disaient même que l'on ne travaillerait pas le lendemain non plus ! Il fut tout de même un peu moins enthousiaste quand on lui annonça qu'il devait rester toute la journée chez lui car il était susceptible d'être interrogé et fouillé. Il décida néanmoins de prendre le risque et de se rendre au CGRL.

Et il fit bien, car une réunion s'y tenait.

– Ce n'est que le début, disait Maël. Il s'est déroulé hier soir un incident inédit. Cela n'a aucun rapport avec nos activités, mais ce matin a signalé un graffiti sur le Mur.

La moitié des membres restèrent bouche bée ; les autres savaient déjà.

– Et ce n'est pas tout. Aux yeux de la Nation, ce tag est le pire affront qui soit ; ce tag dit "Je t'aime". Or nous savons tous que cette phrase n'existe plus depuis des décennies ; que déjà au temps de la Grande –dont on ne doit désormais plus jamais parler–, on n'employait plus ce terme ; et que le Plaisir a été banni. Il est évident que l'auteur de ces mots sera, au mieux, torturé et exécuté en place publique. Mais en réalité, c'est le début du chaos ; si nous pensons que cette déclaration est vraie, c'est que l'Amour est revenu, et qu'il faut mettre fin au système des Mères Blanches et à la tyrannie ; s'il s'agit d'une simple provocation, il nous faut trouver trouver ce risque-tout au plus vitre, car il pourrait nous être très précieux.

***

Rigus n'en revenait pas. On avait écrit sur le Mur ! On avait souillé le Dieu de pierre ! Il n'avait pas osé en demander plus. Il ne savait pas ce qu'était l'Amour, bien qu'il ait ouï dire que ça avait un rapport avec les femmes, en particulier les Mères Blanches. Et lorsqu'il avait vu les assistantes de Torin, lorsqu'il avait conçu avec la jeune femme aux cheveux noirs et courts et aux belles joues roses et rebondies, il avait compris le Plaisir. Il l'avait caché tant bien que mal, mais il avait deviné que l'Amour devait y être lié. Le moment d'agir arriverait bientôt, il le savait. Secrètement, il sentait son cœur battre un peu plus fort quand il espérait qu'il pourrait la sauver lorsque la guerre viendrait. Il détruirait les fils qui la maintenaient en l'air et la prendrait dans ses bras.

Puis il pensa que d'autres avait du la féconder avant lui. Et cette pensée le remplit de haine et de rage, sans qu'il sache bien pourquoi.

Un signe de Jess le ramena à la réalité. Il la rejoint.

–Alors, Rigus, qu'est-ce que t'en penses, toi, des femmes ?

– Et bien... Ce sont de très jolies créatures.

Jess éclata de rire.

– Créatures ? On est de la même espèce, tu sais !

–Oui, mais tout est tellement étrange dans le monde où nous vivons... On finit par l'oublier.




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