Chapitre 28 ~Tahanne

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Tahanne dépérissait. La mort d'Esther l'avait traumatisée, et elle était désormais seule dans la pièce de trois cellules où elle et ses amies conversaient autrefois. Elle ne mangeait plus, ne souriait plus. Sa peau avait pris une teinte grisâtre et des poches cernaient ses yeux. Elle avait une allure de squelette, et se traînait de couloir en couloir comme une âme en perdition attendant la mort.

Quelques jours plus tard, une nuit où elle ne parvenait à trouver le sommeil, elle entendit du bruit. Un frottement, puis une main qui agrippa un barreau, le tira et le détacha. Puis une ombre masculine qui pénétra dans la chambre grillagée de sa défunte amie.

- Esther ? Esther ? s'enquit l'inconnu avec une voix pleine d'entrain.

Puis il vit Tahanne et ses yeux s'arrondirent d'horreur à l'idée d'avoir été découvert.

La Sœur voulut pleurer en entendant le nom de celle qu'elle ne reverrait plus jamais. Parfois, on ne se rend compte de l'importance de certaines personnes qu'une fois qu'elles sont parties. Tahanne se sentait coupable. Coupable de n'avoir pas porté secours à son amie quand celle-ci le lui avait demandé. Elle avait eu peur, et elle aurait sans doute été exécutée elle aussi si elle avait tiré Esther hors de ces abominables Sœurs Supérieures.  Mais à quoi bon vivre, si c'est pour toujours regretter ce que l'on a pas fait ? Quoi qu'il en soit, elle était sûre d'une chose : désormais, quelles qu'en soient les conséquences, elle se battrait. Et elle ne pleurerait plus. Elle reprendrait le flambeau. Esther serait son combat.

- ELLE EST MORTE ! hurla-t-elle. Elle est morte, morte par ta faute ! Plus personne ne pourra voir son sourire, plus personne ne pourra profiter de sa force et de son désir de vivre ! Je ne la verrai plus jamais ! Et c'est ta faute, ta faute, monstre, tu entends ? Je ne veux même pas entendre ce que tu lui as fait ! Je ne veux pas savoir ! DEHORS ! Elles... elles... elles l'ont tuée... tuée...

Elle était à bout de souffle, et malgré ses résolutions, des larmes coulaient le long de ses joues.

- Tuée, à cause de toi ! Sors ! Je ne peux pas te voir ! DEHORS ! Tu as gâché sa vie, rien ne sera plus comme avant. Je te hais ! Sors, te dis-je !

Harry marqua un temps d'arrêt. Il ne voulait pas y croire. Non, non, ce n'était pas possible.

- DEHORS !

Mais cette femme aux cheveux roux criait tellement fort qu'elle allait rameuter du monde. Beaucoup d'ennuis en perspective. Alors, comme ralenti par ce choc inconcevable, il sortit comme il était entré.

Tahanne resta encore un instant pantelante, laissant ses larmes couler. Elle s'essuya les joues sans ménagement puis s'allongea.

Non. Plus de larmes, plus de faiblesses. Ton chagrin doit devenir haine. Haine... combat... tu triompheras...

Elle finit par s'endormir, les yeux lourds.

***

Le lendemain, elle avait regagné une détermination pourtant perdue depuis longtemps, et elle dévora sa pitance à pleines dents.

Après le service du soir, les Sœurs furent renvoyées dans leurs cellules respectives. Maënne ferma le premier sous-couloir menant au deux pièces de trois chambres chacune : d'un côté celle où ne restait plus que Tahanne, et de l'autre celle où résidaient Jocaste, Arnie et Pénélope. Alors que ces trois dernières s'apprêtaient à rentrer, Tahanne attrapa Jocaste par l'épaule.

- Oh, qu'est-ce que tu crois que tu fais, Tahanne ? lança Arnie. Lâche-là tout de suite !

- Et qu'est-ce qu'elle crois qu'elle a fait, elle ? Regarde-moi, ose me regarder en face ! Il n'y a pas de mot pour ce que tu as fait, ni pour ce que tu es ! Tu l'as fait tuer ! Tu t'en rends compte, j'espère ? Comment as-tu pu ? Comment as-tu été capable de trahir tes Sœurs pour ces saletés de Maënne et Erdalle ? Comme si ça t'avait aidé en quoi que ce soit ! Et quand bien même, tu n'es qu'une sale égoïste, un monstre ! Tout ce que tu mérites, c'est qu'on te flanque une sacrée correction avant de te cracher à la figure et de te laisser pour morte. Et c'est même encore trop gentil pour toi ! Tu ne mérites que de crever ! Tu n'as pas le droit de vivre, pas tant qu'elle est morte. C'est de ta faute ! Comment, comment peux-tu seulement continuer à vivre avec toi-même, à te supporter en sachant que tu as fait ça ?

- Je... je... je suis...

- Tais-toi ! Tu n'as aucune excuse ! Je ne peux plus te voir, tu me dégoûtes, tu m'écœures, je te hais ! Je ne te le pardonnerai jamais, tu m'entends ! Tu n'avais aucune raison de le faire, tu es impardonnable, inexcusable ! Tu ne mérites que de mourir. Va, disparaît de ma vue, ne me croise plus jamais, crevure, c'est un conseil !

Tahanne lui envoya un splendide coup de poing dans la mâchoire.

- Bweeeuh !

Jocaste essaya de se contenir, mais eut un haut-le-coeur et cracha du sang en s'effondrant au sol.

- Voilà un avant-goût de ce que tu vivras si tu oses m'approcher.

Cette fois, Arnie et Pénélope ne dirent plus rien. Elle se contentèrent de s'accroupir auprès de Jocaste en larme et en sang.

Tahanne rentra dans sa pièce, puis dans sa cellule la tête haute, sans le moindre remords, juste en se massant le poing.

Que pensez-vous des réactions de Tahanne ? Retrouvez Harry dans le prochain chapitre !


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