Chapitre 17 ~Esther

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La journée qui suivit ne fut que joie et délice pour Esther. Durant le service du matin, elle pria avec une ardeur inédite et chanta à gorge déployée. Ensuite, Tahanne la surprit à fredonner en souriant alors qu'elles lavaient la cuisine. L'après-midi, c'est avec bonheur qu'elle descendit à la Nurserie. La Nurserie était l'endroit où grandissaient les Petites Sœurs. Choisies dès la naissance, elle se préparaient jusqu'à leurs quinze ans, âge où elles devenaient enfin Sœurs à part entière. En attendant, elles recevaient la visite de leurs aînées deux fois par semaine. Ces dernières leur enseignait le chant, les prières, les règles de vie et autres savoirs inutiles. Le reste du temps, c'étaient les plus âgées des petites qui devaient s'occuper des autres, elles s'entraidaient et s'ennuyaient souvent. C'était une vie très difficile.

- Grande Sœur Esther, couina Illya, tirant l'interpellée de sa rêverie, tu peux nous chanter les Matines du Mur ?

- Bien sûr, Petite Sœur. Êtes-vous avec moi, mes Sœurs ?

Tahanne et six autres Grandes acquiescèrent. Elles entamèrent en cœur :

- Dès le matin nous sommes levées

Pour les louanges du Mur chanter !

Lui qui sauva la décadente humanité

Des ténèbres où elle avait sombré...

Lui qui fit du Grand son messager

Nous lui sommes toutes dévouées !

Ô Mur sacré, à toi nos vies, à toi nos cœurs !

Tel est notre destinée, à nous les Sœurs.

Esther agita les doigts en rythme, et, faisant signe aux Petites, elles reprirent de concert :

- Matines, midées, soirées !

Par trois fois il faut louer...

***

- Quelle belle journée, n'est-ce pas, ma Sœur ? lança Esther quand la porte du couloir se referma le soir venu.

- Que diable t'arrive-t-il aujourd'hui ? Tu souris, tu chantes avec entrain, tu rayonnes, tu m'appelles ta Sœur...

- Est-ce que cela te dérange ? Voudrais-tu que je parle de complots et que je te crie dessus ?

- Non, non, mais...

- Dans ce cas, bonne nuit, Tahanne. Que le Mur éclaire tes songes.

- Bonne nuit à toi aussi, Esther.

Mais Esther ne dormit pas tout de suite. Elle resta longtemps à contempler les étoiles.

- Il ne viendra pas ce soir, murmura-t-elle, il est trop tôt... Mais il reviendra un jour, et... Oh !

Elle venait d'avoir une idée lumineuse. Elle s'étendit sur la planche recouverte d'un fin matelas qui lui servait de lit et s'endormit immédiatement, folle de bonheur.

Ses rêves étaient peuplés du Chevalier Harry Diggs. Elle revoyait son ombre furtive dans la nuit, ses yeux brillant d'une lueur verte, ses cheveux blonds mi-longs... Il ne cessait de lui répeter :

- Vous seule occupez mes pensées et mon cœur... Vous seule...

***

Le lendemain, le souvenir heureux du beau Chevalier lui conféra à nouveau une bonne humeur qui dura jusqu'au soir. Esther fit bien attention à ne pas tourner la tête vers Tahanne et surtout à ne pas lui parler. Elle profita qu'on ne faisait pas attention à elle pour dérober une cuillère.

Et dès que Tahanne s'endormait, elle entreprenait de desceller le barreau de droite. Le Couvent n'étant pas un bâtiment de première qualité, et toute évasion étant impossible à cause de la hauteur, elle y parvint, très lentement mais sans trop de difficultés.

J'espère que ce chapitre vous aura plu... Vous retrouverez Rigus dans le prochain !





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