Chapitre 18 ~Rigus

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Le soir de sa visite au Centre des Mères Blanches, Rigus rentra le sourire aux lèvres.

– Je l'ai fait, déclara-t-il fièrement.

– Et où étais-tu, fils ?

– Chez les Mères Blanches. Bientôt, je serai père.

– Mon fils ! s'écria l'aïeul.

Et il serra Rigus dans ses bras.

– Ne nous réjouissons pas trop vite. Demain, je pars dans l'intérêt public, et je n'aurai plus assez pour nous nourrir tous.

– Ne comptez pas sur moi pour vous envoyer quoi que ce soit quand je serai dans les Forces, lança Jord.

- Ça suffit, Jord, cingla Rigus. Il est temps que tu comprennes que la famille passe avant tout, et que dans le monde où nous vivons on n'a pas toujours ce qu'on veut, mais qu'on se contente de ce qu'on a. Ton Âge de Liberté est dans une semaine, et..

L'interpellé soupira profondément.

–J'ai compris. Je dois choisir une autre division.

Le visage de Rigus s'illumina.

– Celle que tu veux.

– Je ne peux pas être Bâtisseur, pas en étant ton frère.

Les yeux de Rigus se tintèrent d'une infinie tristesse.

– Je deviendrai donc Producteur.

– Si tu t'en sens capable.

- Je sais que tu en es capable, intervint l'aïeul. Tu deviendras quelqu'un de bien, Jord, j'en suis persuadé. Je crois en toi.

***

Les jours qui suivirent furent mornes et pénibles pour Rigus. Il balayait les rues, lavait des bureaux, vidait des poubelles ou encore aidait des Brûleurs, la division minoritaire. Il avait avec lui vingt-cinq collègues, mais le travail était dur et il n'avait nullement le temps de sympathiser. Son nouveau chef d'unité, Maître Boras, un Trieur qui avait été promu, n'était pas des plus agréables, mais comparé à Maître Kapek, c'était une crème. Il ne ménageait pas ses hommes, mais avait tout de même un minimum pour Rigus du fait qu'il allait bientôt être père. Au moins, là où il était, il n'était pas le seul à être allé chez les Noirs.

***

Après quatre jours de travail acharné, Rigus eut droit à sa première après-midi de repos. Il termina donc de travailler à trois heures au lieu des sept heures trente habituelles. Il décida, plutôt que de rester chez lui, d'honorer sa promesse en se rendant au CGRL. Il avait déjà vaguement entendu parler de ce groupe. Torin avait rédigé une note au bas de son autorisation à la paternité pour lui en garantir l'accès.

Après un petit quart d'heure de marche, Rigus arriva devant un bâtiment circulaire d'un vert presque gris. Les lettres "CGRL" étaient accrochées au-dessus de la porte en caractères blancs.

Rigus frappa. Une petite trappe dans la porte coulissa et deux yeux apparurent dans l'encadrement  ainsi formé.

– Oui ? fit l'homme.

Rigus lui tendit son papier.

– Ah ! Entre, Rigus.

L'interpellé s'exécuta. L'intérieur était en fait une unique grande pièce grise, éclairée faiblement par un puits de lumière au centre, et meublée d'un cercle de chaises identiques.

Douze des chaises étaient occupées, onze par des hommes de gabarits différents, et la douzième par un homme elle aussi, mais le visage couvert d'un large capuchon bordeaux.

– Bienvenue, Rigus. Nous sommes le Centre de Réapprentissage de la Grande Liberté. Nous sommes là pour t'aider à reprendre goût à la vie et à la joie de travailler. Je suis Maël. Tu vas me raconter tout ce qu'il t'es arrivé. Si tu es ici, c'est qu'il y a forcément quelque chose qui ne va pas.

***

Quand Rigus eut terminé son récit, il y eut un silence. Puis tous les autres membres applaudirent, le visage froid et inexpressif, ce qui acheva de mettre Rigus mal à l'aise.

– Bon, Rigus, si j'ai bien compris, ta vie et celle de ton père ont été gâchées parce que ton chef d'unité ne t'aimais pas. J'ai vu la lueur de rage qui brillait dans tes yeux quand tu nous l'a raconté. Tu ne veux pas prendre plaisir à travailler, tu veux ta vengeance. Tu veux la mort des chefs et la fin de la tyrannie.

L'interpellé déglutit. Il sentait la pluie d'ennuis qui allait lui pleuvoir dessus.

– Dans ce cas, nous pouvons te faire confiance.

Rigus resta abasourdi.

– Mais... je... vous...

– Ce cercle n'est qu'une couverture. Nous en avons besoin pour notre sécurité et pour être sûrs de bien choisir nos membres. Torin ne fait pas partie du groupe, mais il nous aide. S'il t'a choisi, c'est que tu es prêt à te battre.

Rigus acquiesça, toujours sous le choc.

– Alors bienvenue dans le Cercle Révolutionnaire contre le Grand et les Lois. Tu pourras bientôt rencontrer notre leader, Will de Blansec. Et peut-être auras-tu la chance de lui parler.

Maël ouvrit une trappe qui conduisait à une salle de réunion et s'y engouffra, Rigus et les autres sur les talons.

Dans le prochain chapitre, vous retrouverez Esther !












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