Avant de rentrer chez moi, j'avais seulement prévu de passer chez Halmeoni - la grand mère coréenne de mon quartier. Elle tenait une pâtisserie sur la route menant à ma maison : "Halmeoni Bakery", soit la pâtisserie de grand-mère - d'où son appellation Halmeoni.
Elle fait les meilleures pâtisseries du quartier - les meilleurs au monde pour moi. Sauf que ça n'allait pas se passer comme prévu.
J'avançais vers la sortie - le grillage, et j'allais tourner dans la direction menant à chez moi quand j'aperçus une fille aux longs cheveux noirs, qui était adossée au mur avec des écouteurs dans les oreilles. Elle regardait le sol avec concentration. Il n'y avait pas grand monde, ce qui expliquait que je l'avais remarquée. Et plus je m'approchais, plus je la reconnaissais - la fille du premier rang.
Je n'avais pas le temps de traîner, la personne au mot mystérieux pourrait me remarquer.
Aïe. Trop tard ?
Je m'en allais de pied ferme, quand quelqu'un m'attrapa par la manche. C'était visiblement trop tard, et j'hésitais à me retourner. Ce quelqu'un se mit donc devant moi.
Je m'exclamais en découvrant son visage :
- Toi ? C'est vraiment toi ?
La fille du premier rang était devant moi, et je n'avais pas envisagé une seule seconde qu'elle puisse être l'expéditeur du mot.
- Oui, c'était moi ! Je voulais savo...
- Je n'ai pas le temps, une prochaine fois ! Lui répondis-je en m'éloignant.
J'avais agi stupidement. Et moi qui l'avait regardé, pensant juste reconnaître la fille du premier rang - je n'avais fait que me mettre en avant à cette personne.
Je la contournais afin de continuer ma route. Halmeoni devait avoir sorti ces pâtisseries du four à l'heure qu'il était. Mais elle revint à la charge.
- Écoute moi sil te plaît !
- Hm ? Répondis-je, la tête ailleurs.
- Ce livre ? C'était Moby Dick pas vrai ?
- Si tu le sais pourquoi me deman...
- Waouh ! Me coupa t-elle, C'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui lis des livres que j'ai lu !
Elle se mit devant moi, et ses yeux brillaient en observant les miens.
- Ah c'est vrai... alors à..., repris-je.
- Ce sont des livres anciens tu sais... Moby Dick ! Quand je le lis j'ai l'impression de me trouver dans l'océan, libre comme...
Elle parlait. Et j'en profitais pour m'en aller. Je ressentais la même chose qu'elle quand je lisais ce bouquin. Une forme de liberté, d'évasion. Seulement, là ce que je ressentais, c'était de la faim. De la faim. Mon goûter avant tout. Mais elle me tentait de me rattraper. Tant pis, je ne ralentissais pas la cadence.
- Et nous prenons la même route, me dit-elle avec un sourire enjoué.
- Oui, je vois ça...
Elle lit les mêmes livres que moi, peut-être deviendrons-nous amis ? Il fallait que je me réveille, j'avais simplement faim, me disais-je.
- Moi j'ai lu un livre qui m'a emmené loin d'ici ! "voyage au centre de la Terre" de Jules Verne ... Merveilleux ! Continuait-elle sans fin.
Mais elle était tout de même intéressante. Nous avions des points communs : l'amour pour la lecture et l'envie de s'en aller. C'était la première fois...
- C'est la première fois, me dit-elle, que je rencontre une personne qui me ressemble un peu, c'est la première fois que je parle avec une personne comme cela.
Elle s'était mise à toucher son collier - ce qui était symbole de stress. Je la comprenais. J'avais fait mine d'être plus intéressé par la route que par ma camarade - ce qui n'était pas faux, mais cela me rendait horriblement gêné, et confus.
- Tu n'as jamais d'amis avec qui rester, à qui tu peux tout partager, hein ? lui dis-je.
Elle faisait non de la tête.
- Avec qui parler ? continuai-je.
- Non, tu es le premier, une personne avec qui je bavarde de moi, pas de quelques choses d'autres...
J'étais également comme cela. Personne sur qui compter, avec qui rester. Je connaissais Dylan, l'ami du monde, avec qui je parlais de temps à autre. C'est dans sa nature. Parler avec les gens, les mettre à l'aise. Faire connaissance.
- Moi aussi, je ne parle pas... En fait, je ne me mélange pas... C'est que...
Je ressentais à présent la même chose qu'elle avait ressentie quelques minutes auparavant. Mais il m'était vital de parler.
Elle me regarda avec une lueur dans ses yeux. Je devinais qu'elle avait compris, je n'ajoutais rien - usant ce regard comme prétexte pour m'échapper.
Un sourire sur les lèvres, elle me dit :
- Maintenant nous sommes amis, promis ?
J'allais littéralement m'étouffer avec de l'air. Nous venions de nous rencontrer. Comment mes gens procèdaient-ils ? J'avais beau lire des livres, je n'en avais aucune idée. N'était-ce pas naturel ?
Je lui avais confiées des choses que je n'avais jamais osé avouer, à personne. Elle me tendait son petit doigt, et je tendis le mien.
- Promis, chuchotais-je.
Mon choix - que j'avais jugé stupide et irréfléchi - était fait. Nos petits doigts s'entremêlaient.
Elle me quitta avec un grand sourire. Nous étions devant chez Halmeoni - la pâtisserie séparait nos deux chemins opposés.
- À demain, ami ! me dit-elle en m'adressant un geste de la main.
Que je lui rendis. Je me sentais stupide.
J'entrais enfin dans la pâtisserie et je m'assis à la table habituelle, juste devant le comptoir.
- Bonjour, Aiden ! Comment va mon petit ? Alors ? Halmeoni ta manqué ?
Vous aurez deviné qu'il s'agissait de ma grand-mère.
- Bonjour, riais-je, beaucoup, dis-je en toute sincérité alors que je la voyais tous les soirs.
- Un fraisier mon petit ?
- Oui, s'il te plaît...
Je me suis mis directement posé à réfléchir sur ce qu'il s'était passé dans l'après midi. J'avais une amie maintenant, mais je n'avais aucune idée de comment cela s'était produit.
- Qu'as-tu fais aujourd'hui ?
Elle m'arracha à mes rêveries et je pris une minute à lui répondre.
- Rien, je pense que j'ai juste suivi mon cœur, lui dis-je avec un petit sourire - qu'elle me rendit.
Tout ça était partit d'un mot, d'un pietre morceau de papier... Sérieusement.
Ce n'est qu'en finissant mon fraisier que je me rendis compte que je ne connaissais même pas son nom.
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C'est étrange. Tu ne connais toujours pas son nom. Mais après tout, l'appellation est-elle si importante ? Où la personne elle-même l'est davantage ?
La suite juste après, si tu veux continuer.
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Pouvoir destructeur
Science FictionL'an 2130. Une nuit d'orage. Des monstres sont descendus sur la Terre, et ont ravagé Seattle, faisant des centaines de victimes. Nous sommes en 2146. Cela fait 16 ans. La vie a repris son cours, la défense est dite assurée en cas de danger - car le...