Règle numéro un : ne faire confiance à personne.

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- Léa ? Il faut que tu m'aides, j'ai fait une connerie...
Je pris soin de lui indiquer l'adresse où je me trouvais avant de raccrocher mon téléphone portable. Moins de dix minutes plus tard, elle était là.
Elle ne sonna pas, comme je le lui avais demandé, et entra directement.
L'appartement 26, le dernier en partant de la droite, au troisième étage, lui avais-je précisé.
J'entendis la porte s'ouvrir dans mon dos, mais je ne bougeai pas. J'en étais incapable.
- Cassie ?, appela la voix de Léa dans mon dos.
- Je suis là.
Je prononçai ces trois mots d'une voix terne et dénuée de la moindre émotion. J'aurais voulu être soulagée de savoir Léa ici, avec moi, dans cette galère ; mais la vérité, c'est qu'en cet instant précis, je ne ressentais absolument plus rien.
J'entendis ses pas s'approcher de plus en plus, jusqu'à arriver à ma hauteur. Là, elle stoppa net. Même sans la voir, je pouvais facilement imaginer la tête qu'elle était en train de faire.
Pendant une minute qui m'a semblé durer une éternité, elle ne prononça pas un seul mot. Quant à moi, je ne pouvais détacher mes yeux du corps qui se trouvait allongé devant moi.
- Putain Cassidy, qu'est-ce que tu as fait... ?, finit par demander Léa.
- Elle est morte., répondis-je simplement, comme si Léa ne s'en était pas doutée.
Puis je tournai enfin ma tête dans sa direction.
Je la regardai me toiser du haut de ses talons de dix centimètres qui lui donnaient l'impression de mesurer un mètre quatre-vingt, sa tenue et son maquillage, toujours parfaits ; ses épais cheveux noirs impeccablement coiffés dans une queue de cheval haute...
Et son visage, blême, qui traduisait l'inquiétude et le milliard de questions qui lui traversaient sûrement l'esprit à l'instant même.
Elle m'en posa deux :
- Est-ce que c'est... ?
- Oui. C'est elle., coupai-je avant que Léa ne prononce le prénom que je refusais d'entendre.
- Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je la connaissais trop bien pour savoir qu'elle avait prononcé cette phrase sur le ton de la défensive : elle était méfiante. Mais qu'est-ce que tu voulais que je te dise au juste, Léa ? Que j'avais prémédité le meurtre de cette pouffiasse et que je voulais faire de toi ma complice ? Ce n'était pas la vérité. Alors je répondis simplement que c'était un accident.
- On s'est disputées, elle s'est jetée sur moi, j'ai seulement pris ma défense., ajoutai-je avant que Léa ne me pose la troisième question.
- Cassidy..., prononça-t-elle d'une voix grave. Tu devrais aller parler à la police...
Je me tournai vers elle, et écarquillai les yeux.
- Pardon ?
Elle perdait la tête ou quoi ?!
- Il te suffit de plaider la légitime défense..., poursuivit-elle.
- Ah oui ? Et qui va me croire ?, m'exclamai-je d'une voix plus forte que ce que j'aurais voulu. Le cadavre de la maîtresse de mon ex-fiancé, allongé là, chez elle, et moi qui débarque comme une fleur en expliquant que « c'était juste un accident, je n'ai jamais voulu lui faire de mal ! »
Je mimai vulgairement les guillemets afin d'exprimer l'absurdité de la situation, et poursuivis :
- Léa, réfléchis... Il est évident que j'avais un mobile et qu'en plus, je ne peux absolument rien prouver. Pas de témoins, pas de marques visibles... Ça suffira à me caser dans la catégorie coupable, direct. Non Léa, il est hors de question que j'aille voir les flics.
- Alors qu'est-ce que tu attends de moi ?
- Que tu m'aides à faire disparaître le corps.
Elle me regarda, prit une profonde inspiration, se laissa tomber sur le canapé-lit qui se trouvait à sa droite, et soupira :
- D'accord.
Je savais que j'avais raison de t'appeler ! Tu n'es pas ma meilleure amie pour rien.
Je lui souris, et elle enchaîna :
- On pourrait brûler le corps ?
- Impossible. Un feu attirerait trop l'attention, et l'odeur serait suspecte...
- La jeter dans l'océan ?
- Trop compliqué. Si le corps refait surface avant d'avoir complètement disparu, on pourrait remonter jusqu'à nous. Et puis, je n'ai pas trop envie de faire une heure de route, là tout de suite. En plus, on risquerait de nous voir...
Je marquai une pause avant d'ajouter :
- Il faut vraiment que tout disparaisse, son corps entier...
J'avais prononcé cette phrase surtout pour moi-même, mais Léa poursuivit :
- J'ai entendu dire que les cochons peuvent dévorer l'intégralité d'un corps humain, avec les os et les dents en prime, et même les yeux !
- Tu as des cochons à ta disposition ?, ironisai-je.
- Non, mais... Il y a des fermes aux alentours. On devrait peut-être...
- Trop risqué., la coupai-je. Le temps que les cochons aient tout dévoré, quelqu'un aura peut-être découvert le corps.
Je croisai mes bras sur ma poitrine et tournai le regard vers le cadavre. Je le fixai quelques minutes, comme si l'observer allait m'apporter la solution miracle.
C'est pourtant ce qu'il dût se passer dans ma tête quand je prononçai, presque malgré moi, ces mots à l'intention de Léa :
- Il me faut une baignoire, une scie et du white spirit. C'est tout ce dont j'ai besoin pour faire disparaître un corps.
Léa me regarda comme si je venais d'insulter un membre de sa famille. Pendant un instant, j'ai même cru qu'elle avait peur. Mais avant qu'elle ne puisse demander quoi que ce soit, je lui ordonnai simplement de me faire confiance.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant