Règle numéro seize : on ne perd pas ce qu'on a jamais eu.

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« I've been so sad for far too long and as I gently slip away, this song will always stay. For now, this is my goodbye. » Asking Alexandria.

Tuer quelqu'un, cela provoque comme une fracture de l'âme.
La mienne s'était brisée trois fois, et cette troisième fois avait été particulièrement éprouvante.
Dès l'instant où j'avais appuyé sur la détente et où le coup était parti, du sang avait giclé partout sur mes vêtements et sur mon visage. J'avais été obligée de fermer les yeux par réflexe, et fort heureusement, les murs et le mobilier n'avaient pas été touchés.
Je savais que Mathilde n'avait pas souffert, étant donné qu'elle était morte instantanément puisque je l'avais visée en plein cœur.
C'était Maël qui m'avait appris à tirer de la sorte. Je n'avais jamais eu l'occasion de tester cette méthode sur quelqu'un jusqu'à maintenant, bien entendu, mais je me souvenais très bien de ce qu'il m'avait dit un jour, alors que nous allions rendre visite à certains de ses amis : « Si tu es amenée, pour une raison ou une autre, à tirer sur quelqu'un dans le but de le tuer, surtout, vise le cœur. Pas la tête. La tête, c'est traitre, on a déjà vu des gens s'en tirer avec une balle dans le crâne. Alors que le cœur, à partir du moment où tu fais un trou dedans, c'est fini. »
C'est lui qui m'avait appris à tirer et à me servir d'une arme à feu, ainsi que d'une arme blanche par la même occasion, et il avait fait ça uniquement pour ma défense. Il m'avait même appris à me battre. Il me disait souvent que fréquenter les quartiers malfamés et le milieu de la drogue et des putes l'avait fait s'endurcir et se méfier de tout le monde, et tous les jours il s'inquiétait pour moi et ma sécurité. Plus que celle de Malorie, d'ailleurs, je le savais, parce que Maël avait toujours endossé ce rôle du grand frère que je n'avais jamais eu, alors qu'il considérait ma sœur comme une simple cousine. Il avait sa petite préférence entre nous deux en quelque sorte...
« Je ne serais pas toujours là pour te protéger », qu'il disait. « Alors il faut que tu sois prête pour quand ce jour arrivera. »
Et là, tout de suite, j'aurais vraiment aimé qu'il soit avec moi pour me protéger et m'aider à me débarrasser du corps de Mathilde. Je ne sais pas s'il avait déjà été embarqué dans ce genre de situation, les meurtres étant familiers dans le milieu qu'il fréquentait, mais je suis sûre qu'il aurait parfaitement géré la situation sans poser de questions ou me faire la morale.
J'avais pensé à appeler Léa, mais je me suis retenue. Pas question que je l'implique dans un deuxième meurtre, surtout que je n'aurais pas pu faire passer celui-ci pour un accident.
Je détachai donc les liens qui entouraient les poignets et les chevilles de Mathilde et je l'allongeai sur la bâche, à même le sol.
Pendant un moment, je la regardai sans rien faire, en écoutant la chanson Gone, d'Asking Alexandria, qui raisonnait en fond, et en calquant mon rythme de pensée dessus. Elle était tellement calme et apaisante...
Est-ce que je regrettais mon geste ?
Certainement pas.
Pourtant, dans le fond, Mathilde n'était pas méchante. C'est juste que je la détestais pour tout un tas de raisons. Rien que pour le fait que William ait pu l'aimer, je la détestais.
J'observai la chaise en bois sur laquelle était assise Mathilde quelques minutes auparavant : elle était tachée de sang. Irrécupérable. Mais étant donné que c'était une vieille chaise sans aucune valeur, ça n'était pas bien grave.
Je descendis à la cave et fouillai un instant dans les placards pour retrouver la scie circulaire électrique dont mes parents se servaient pour bricoler, de leur vivant. Elle était assez récente, j'étais convaincue qu'elle fonctionnait encore. Heureusement que je ne l'avais pas jetée quand j'avais fait le tri dans leurs affaires...
Je la trouvai, la pris, et remontai dans le salon. Là, je l'allumai et découpai la chaise le plus précautionneusement possible. Je commençai par les pieds, puis le dossier, et enfin l'assise.
Une fois chose faite, je récupérai tout ce petit bois et le plaçai dans la cheminée. Je rajoutai une bûche par au-dessus, un peu de papier journal, et j'allumai à l'aide d'un briquet.
Le feu prit très vite et de longues flammes se mirent à crépiter et à réchauffer l'atmosphère, mais bien entendu, ce n'était pas la raison pour laquelle je l'avais allumé.
Je pris une profonde inspiration, récupérai la scie, actionnai le mécanisme et m'approchai du corps de Mathilde.
Je commençai par scier sa main gauche, puis la droite, et les jetai toutes les deux au feu.
Aussitôt une odeur horrible de viande grillée se dégagea de la cheminée. C'était semblable à celle de la viande de cochon cuite à la broche que l'on retrouvait dans certaines foires, mais en beaucoup moins attirante et appétissante.
Je me couvris le nez avec le pli de mon coude en espérant que l'odeur ne se propage pas dans toute la ville, d'autant plus que j'avais encore tout le reste du corps à brûler.
Fort heureusement, Mathilde n'était pas bien grande ni même très corpulente, alors j'imagine que ça sera relativement facile.
Les mains mirent environ dix minutes à disparaître entièrement dans les flammes. Je sciai donc ensuite ses chevilles, en prenant soin de garder ses chaussures intactes -autant tout brûler d'un coup-, et les jetai à leur tour dans la cheminée.
Il y avait moins de sang que lorsque Léa et moi avions dépecé le corps de Daisy, sans doute à cause du fait que les coupures étaient plus nettes et plus précises, grâce à la scie circulaire, et qu'elle était suffisamment puissante pour découper l'os en même temps ; cependant, la bâche en était tout de même bien imbibée, et j'en avais pas mal sur mes vêtements. Je vérifiai qu'il ne s'écoule pas sur le carrelage tout en continuant de scier et de jeter ses membres au feu.
Je procédai par étapes : après les mains et les pieds, je remontai au fur et à mesure sur les jambes, les cuisses, les avant-bras, les bras, les épaules, et le buste. Au final, il ne resta plus que la tête. Je l'enveloppai dans le drap qui m'avait servi à protéger mon canapé et déposai les autres parties du corps, en prenant soin d'attendre que les membres se soient réduits en cendres ou presque, avant d'en rajouter.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant