Règle numéro quatre : les indices sont partout.

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Au terme d'une nuit de sommeil d'un peu plus de dix heures, j'ouvris les yeux aux alentours de midi, réveillée par le soleil qui frappait ma fenêtre de plein fouet.
N'ayant pas pris la peine de fermer les volets avant de m'endormir, j'encaissai le rayon qui m'arriva droit dans l'œil, m'étirai, et me levai pour aller prendre mon petit-déjeuner.
Les souvenirs de la veille et des jours d'avant me revinrent petit à petit en mémoire, un peu comme quand on se réveille avec une gueule de bois après une soirée trop arrosée. La seule différence, c'est que là, je n'avais pas bu, et que tous les souvenirs étaient très clairs.
Un peu dans les vapes, je descendis les escaliers et allai jusqu'à la cuisine, où j'allumai ma machine à café afin de faire ce fameux café à la noisette que je buvais tout le temps. N'ayant pas très faim, je l'accompagnai d'une barre de céréales au chocolat, le genre de snack parfait quand on manque de motivation pour se faire à manger, ce qui était mon cas.
La vérité, c'est que j'avais plus important à faire que de cuisiner un repas gastronomique.
Je remontai donc dans ma chambre, ma tasse de café fumant dans une main, ma barre de céréales entamée dans l'autre, et sortis l'ordinateur et le téléphone de Daisy que je posai sur mon lit.
Je m'y assis en tailleur et allumai l'ordinateur tout en buvant une gorgée de café. La session s'ouvrit automatiquement : Jeff avait vraiment fait du bon boulot.
Par précaution, ou peut-être aussi parce que je me l'appropriais, désormais, j'allai dans les paramètres configurer un nouveau mot de passe et un nouveau nom de session.
J'ouvris ensuite Internet, et constatai avec joie que la page Facebook et la boîte mail de cette pauvre fille étaient enregistrées en favoris, et, surtout, s'ouvraient automatiquement, sans que le mot de passe soit requis. On n'arrête pas le progrès...
J'allai donc jeter un œil à son profil, y observai deux trois notifications sans grand intérêt, et décidai de retirer William de ma liste d'amis.
De sa liste d'amis.
Je modifiai également les paramètres de confidentialité et le mot de passe, au cas où elle l'aurait confié à quelqu'un de son vivant.
Un bon point ressortait de tout ça : je n'aurais pas grand mal à me faire passer pour elle. Un style un peu enfantin, une fâcheuse tendance à se plaindre et une orthographe douteuse, et le tour était joué. Je refermai donc l'ordinateur et passai au téléphone portable.
Là aussi, mon premier réflexe fut d'y mettre un code que moi seule connaîtrai et de changer le fond d'écran qui la représentait elle et une amie.
Rien que de voir à nouveau sa tête m'énerva, d'ailleurs.
Je désactivai ensuite le mode avion, que j'avais pris soin d'enclencher afin qu'aucun appel ou message ne vienne déranger Jeff dans son travail ou lui donner des indices quant à la provenance du téléphone, et constatai cinq messages et deux appels manqués depuis la veille.
Deux de ces messages étaient de William, les trois restants d'une certaine Mélodie, dont le nom enregistré dans les contacts avait été accompagné d'un petit cœur.
Je haussai un sourcil. Quel cliché.
Un peu anxieuse de ce que j'allais découvrir en lisant les messages de William, je choisis d'ouvrir ceux de Mélodie d'abord. Le premier disait : « Ma puce, t'es pas venue en cours aujourd'hui, ça va ? »
Jusque là, rien d'anormal, puis deux heures plus tard : « Je voulais juste prendre de tes nouvelles, bon visiblement ton portable est éteint... »
J'en déduisis qu'un des deux appels manqués venait d'elle.
Quelques minutes après le second message, un troisième disait : « OK si tu me fais la gueule dis-le, mais ne m'ignore pas !! »
Ce dernier SMS m'arracha un sourire mesquin.
Donc, cette amie pensait que Daisy l'ignorait ou lui en voulait pour une quelconque raison, mais ne s'était pas demandé à un seul moment s'il était arrivé quelque chose de grave. Tu parles d'une amie...
En imitant cette connasse de Daisy, je répondis : « Désolé, j'étais malade, clouée au lit toute la journée. Incapable de répondre au téléphone ou quoi. Je te fais pas la gueule t'inquiètes. Mais j'ai pu réfléchir à certaines choses. »
J'agrémentai le tout de quelques fautes d'orthographe, des smileys bien placés, et envoyai le message.
La réponse ne se fit pas attendre : « Ah merde ! Tu veux que je t'appelle ? T'as réfléchi à quoi ? »
Je laissai passer quelques minutes et répondis : « Nan, peux pas parler. J'arrête mes études, j'en ai marre, c'est trop dur. »
« T'as pris ta décision alors, ça y est ? », me répondit Mélodie dans la seconde.
« Oui. » envoyai-je simplement sans donner plus de détails, espérant qu'elle me ficherait alors la paix.
Visiblement, d'après ce que j'avais compris, cette chère Daisy avait déjà réfléchi au fait d'abandonner ses études, ce qui était pour moi un gros avantage compte tenu de ce que je voulais faire croire aux membres de son entourage.
Je pris ensuite une profonde inspiration et ouvris les SMS de William.
Elle avait rajouté un smiley en forme de bague de fiançailles à côté du nom.
Je rêve ! Une bague de fiançailles !? C'était vraiment ironique, compte tenu de la situation. J'hésitai entre le fou rire et la rage, optai pour le fou rire, et lus enfin les deux messages que Will lui avait laissés : « Salut ma chérie, tu voudras qu'on se voie ce week-end ? »
Ma chérie ? Beurk. Je sentis mon estomac se nouer et pris mon courage à deux mains pour lire le second message : « J'ai essayé de t'appeler, mais tu ne réponds pas... Tu dois sûrement dormir ou bosser. Réponds-moi quand tu auras ce SMS. En attendant, courage, et bonne nuit. Bisous, je t'... »
À cet instant, mon cœur se liquéfia.
Je n'eus pas la force de lire ce dernier mot.
Bien entendu, mon cerveau l'avait vu, il l'avait assimilé et compris, mais le lire et le prononcer dans ma tête aurait été admettre que ce soit réel, et je le refusais.
Je balançai le téléphone le plus loin possible sur mon lit et me précipitai dans la salle de bain pour vomir.
Ça me dégoûtait tellement. Toute cette histoire me dégoûtait tellement... Et qu'il ait pu lui dire à elle les mêmes choses qu'il me disait à moi...
J'essuyai les commissures de mes lèvres et allai me rincer la bouche. Je passai un coup d'eau froide sur mon visage puis relevai la tête : le miroir me renvoya l'image d'une jeune femme pâle, à l'air fatigué et détruit. Des cernes grisâtres s'étendaient sous mes yeux, malgré la nuit réparatrice de la veille.
À croire qu'elle ne l'avait pas été tant que ça...
À croire que ma fatigue émotionnelle causait plus de dégâts que ma fatigue physique.
C'était tout mon corps que je sentais se liquéfier à présent. Comme si tout d'un coup, j'étais devenue faible, si faible que je tenais à peine sur mes jambes : elles tremblaient.
Je dus m'accrocher au lavabo afin de ne pas m'écrouler au sol, et ma respiration devint saccadée, comme si l'air me manquait.
J'avais l'impression d'être faite de cire, et que la souffrance qui rongeait chaque partie de mon être était la chaleur qui me faisait fondre.
Je respirai un grand coup : tout va s'arranger, me dis-je à moi-même, tu n'as plus à t'en faire maintenant...
Je retournai dans ma chambre et pris le téléphone de Daisy que je déverrouillai à nouveau.
J'aurais voulu remonter au début de leurs échanges textuels, savoir ce qu'ils s'étaient dit, ce qu'il s'était exactement passé entre eux, mais vu mon état actuel, ce n'était pas un choix très judicieux.
Je n'étais pas prête.
Physiquement, psychologiquement, je n'étais pas prête.
Je n'aurais pas la force d'affronter une nouvelle découverte qui risquerait de me décevoir ou de me faire encore plus mal, en admettant que cela soit possible de souffrir davantage que maintenant...
Je pris une profonde inspiration et effaçai le dernier message de Will. Celui qui contenait cette fameuse phrase.
Soulagée de ne plus la voir, j'écrivis ensuite : « William, je suis désolée, mais je crois qu'on devrait rompre. Ça n'aurait pas fonctionné entre nous de toute façon, on a fait une erreur. »
Je relis le message quelques instants, hésitante, avant d'appuyer sur le bouton envoyer.
Puis j'attendis.
Une minute, deux minutes, qui semblaient s'étirer pendant des heures.
Et enfin la réponse de William : « Pardon ? Tu me quittes comme ça, par SMS ? »
J'espérais qu'il soit énervé contre elle, qu'en ce moment même, il la déteste presque autant que moi je l'avais détestée, et qu'il souhaite ne plus jamais la revoir.
Je répondis, histoire d'envenimer les choses : « Oui. De toute façon je pars à l'étranger demain, alors ça ne sert à rien de continuer... »
« Et on peut en parler avant que tu partes ? » répondit William en moins de cinq minutes.
Je laissai passer quelques instants, le temps de me trouver une tenue à mettre pour le reste de la journée, de refaire mon lit, et répondis : « Non, j'ai vraiment pas envie de te voir. »
« OK. » fut la seule réponse de William. Un OK froid, simple et direct. Ce fameux OK qu'il m'envoyait parfois quand il était contrarié ou que nous nous étions disputés.
Je savais que William avait un tempérament impulsif, une fâcheuse tendance à s'énerver très vite, et malheureusement une tendance à l'accalmie beaucoup moins rapide ; ce qui signifiait qu'en cet instant, il devait être très en colère. Il n'aura sûrement pas envie de revoir sa précieuse Daisy de si tôt.
Tant mieux, puisqu'il ne la reverra jamais.
Tout ce que j'espérais, c'était qu'il n'aurait pas la fausse bonne idée d'aller lui rendre visite chez elle sur un coup de tête pour tenter de recoller les morceaux ou d'avoir une explication un peu plus détaillée qu'un simple « je ne veux plus te voir ».
Mais je m'inquiétai sûrement pour rien. Ce n'était pas du tout le genre de William d'agir de la sorte...
Le bruit d'un téléphone qui vibra deux fois me sortit de mes pensées. Craignant que ce ne soit Will qui revienne à la charge avec la fille qu'il croyait aimer, je consultai le téléphone de Daisy, mais n'y vis aucun nouveau message. Un léger soupir de soulagement expira de mes poumons. Ce devait être mon téléphone à moi qui avait vibré.
Effectivement, un texto provenant de Malorie, ma sœur aînée, disait : « Salut sis', je finis plus tôt aujourd'hui, tu veux qu'on aille boire un café ou autre ? »
L'idée m'enchanta grandement. Non seulement ça allait me changer les idées, me permettre de penser à autre chose, et en plus, je n'avais pas vu ma sœur depuis pas mal de temps. Deux semaines, pour être exacte. Nous n'avions pas ce que l'on pouvait appeler des rapports fusionnels, elle et moi, ce qui nous amenait à nous voir au maximum six fois dans le mois. Au-delà, on se serait sûrement détestées.
Je répondis donc positivement au message de Malorie et allai me préparer.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant