Dommages collatéraux {réécriture à venir}

Règle numéro vingt-deux : certaines larmes ne coulent jamais.

« Too bad for you, you just can't find the right companion. I guess when you have one too many, makes it hard. It could be easy, who you are, that's just who you are, baby. You're a Womanizer. » Britney Spears.

En sortant des toilettes, je pus entendre la chanson Womanizer, de Britney Spears qui raisonnait dans les haut-parleurs. Je haussai les sourcils en pensant que les propriétaires de la salle de jeu feraient bien de mettre à jour leur playlist, cette chanson était vieille comme le monde, mais relativement appréciable dans ce genre d'endroit.
Je rejoignis discrètement la table que nous avions réservée et m'assis sur le pouf sur lequel se trouvaient ma veste et ma pochette. Je glissai mon téléphone dans cette dernière, puis tournai ma tête pour observer les autres en pleine partie de billard.
C'était au tour de Fred de jouer. Il semblait très concentré, et arborait un air sérieux que je ne lui avais jamais vu. Après quelques instants, il attaqua, et la bille qu'il avait visée rentra directement dans l'un des quatre trous situés aux angles de la table de billard. Il sautilla de joie et je l'entendis lâcher un « yes » retentissant : c'était encore à son tour de jouer. Il se pencha alors de l'autre côté de la table, dos à moi, et je pus observer les autres un peu plus facilement : James attendait patiemment son tour, les mains posées sur sa queue qui reposait en équilibre au sol et sur laquelle elle prenait appui, observant consciencieusement chaque geste que faisait Freddie. Daryl était posté debout à côté d'elle : lui aussi observait Freddie, et il disait de temps en temps quelques petites phrases à James, qu'elle approuvait par un hochement de tête. Je ne sais pas trop s'ils étaient en train de critiquer la technique de jeu de Fred ou si Daryl expliquait simplement à James comment jouer, mais toujours est-il qu'elle semblait très concernée par ce que lui disait son "mari" et qu'elle l'approuvait.
William, lui, était à leur droite, un peu en décalé. Il avait le corps complètement tourné vers James et continuait à l'observer. Je ne voyais pas bien son regard, malheureusement, mais j'avais vraiment l'impression qu'il la dévorait des yeux.
Freddie rata son coup, il fit une moue boudeuse et vint se mettre à l'écart avec les autres, près de William. Ce fut au tour de James de jouer.
Elle se pencha vers la table et positionna sa queue pour attaquer la bille en se concentrant très fortement. Aussitôt, William se décala et vint se placer légèrement derrière elle. Là, je pouvais clairement le voir : il la regardait. Et il scrutait plus intensément une partie de son anatomie en particulier...
Daryl, qui s'était rapproché de James et lui parlait - sans doute pour lui donner quelques conseils - ne pouvait pas voir que William était en train d'observer sa femme d'un air que je jugeais un peu trop convoiteur, mais je me demandais comment il aurait réagi s'il l'avait pris sur le fait.
James se concentra de plus en plus et s'apprêtait à jouer lorsque son regard se leva vers moi. Elle fronça les sourcils d'un air interrogateur, attaqua, et rata son coup. Je crois bien que ça avait été intentionnel de sa part.
Elle se releva, déposa sa queue en appui contre la table de billard, dit quelque chose à Daryl et lança une brève phrase aux autres en souriant et se dirigea vers la table où j'étais assise.
Je détournai le regard pour faire mine de ne pas la voir et fis semblant d'être concentrée sur ma veste et ma pochette que je remis machinalement en place.
Elle s'assit sur le pouf en face du mien, dos aux autres, posa ses bras sur ses genoux en se penchant vers moi, et me demanda :
- Ça va ? Tu n'as pas l'air de t'amuser...
- Ça va., mentis-je d'un ton peu convainquant.
Elle me lança un regard qui voulait dire « non mais sérieusement, qu'est-ce qui ne va pas ? » et j'ajoutai :
- C'est juste que... Je suis choquée d'apprendre que William et toi avez été ensemble...
- Ah ça ?, fit elle en balançant son bras en l'air comme pour balayer quelque chose et en reculant pour se remettre droite. Ne te prends pas la tête pour ça, c'était il y a longtemps. Et on n'a jamais été vraiment ensemble, lui et moi.
Justement, j'avais besoin d'en savoir plus. C'était l'occasion de poser mes questions, mais James me devança en ajoutant avec un sourire :
- Moi, j'ai été choquée d'apprendre que vous étiez ensemble depuis quatre ans, figure-toi.
- Pourquoi ?, demandai-je d'un air légèrement inquiet.
Si William et elle se connaissaient depuis quatre ans et avaient eu effectivement une histoire ensemble, il se pourrait très bien qu'il ait été encore avec elle au moment ou il s'est mis en couple avec moi...
- Disons que... Ce n'est pas le genre de personne que je m'attendais à voir en couple sur une durée aussi longue, en fait. Mais visiblement, je me suis trompée., ajouta-t-elle en haussant les épaules.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement, entre vous ?
Je voulais tout savoir, tout. Les détails, les dates exactes, ce qu'ils s'étaient dit, ce qu'ils avaient fait... Peu importe si cela remontait à quatre ans, j'avais besoin de savoir.
- Il ne t'a pas raconté ?, demanda James en fronçant les sourcils.
- Non., répondis-je. Pour être honnête, j'ai entendu parler de toi il y a seulement quelques jours.
- Ah., fit-elle, l'air pas plus surpris que ça d'apprendre que Will m'avait caché leur relation pendant près de quatre ans. Ça ne m'étonne pas trop, ce n'est pas vraiment le genre de trucs dont on se vante auprès de sa petite amie.
- Comment ça ? Il m'a parlé de toutes ses exs, tu sais...
Sauf de toi. Alors pourquoi ?
- Combien de temps vous avez été ensemble ?, enchainai-je d'une voix calme et intéressée.
- On est resté ensemble pendant...
James leva les yeux au ciel pour réfléchir et compta sur ses doigts avant d'ajouter :
- Environ trois-quatre mois. De Août jusque à peu près Novembre 2012.
C'était pile à cette période-là que Will et moi nous étions rencontrés et avions commencé à nous fréquenter. Mais je fus rassurée de savoir que leur histoire s'était interrompue avant que nous soyons officiellement en couple tous les deux.
- Et pourquoi vous avez cassé ?
- Eh bien... Disons, pour la version courte, qu'on s'est séparés d'un commun accord.
- Et pour la version longue ?, insistai-je.
- Il m'a trompée.
Quoi ?
Je fronçai les sourcils en ajoutant :
- Comment ça, il t'a trompée ?
- Il a voulu se remettre avec une de ses exs pendant que lui et moi on était encore ensemble... Ophélie qu'elle s'appelait, je crois.
- Je vois très bien qui c'est. Elle est partie vivre en Irlande., ajoutai-je.
- Ah bon ?, fit James d'un air surpris avant de poursuivre : Bref, il a voulu se remettre avec elle et il est aussi retourné vers plusieurs de ses exs, genre Mathilde, et Aurélie aussi, je crois...
- Je les connais. De nom, je veux dire.
- Tu sais, je crois bien qu'à l'époque il n'était pas encore complètement remis de son histoire avec Aurélie..., commença James. Il avait l'air de plus papillonner à droite à gauche qu'autre chose, histoire de cicatriser ses plaies, et pourtant il m'a fait croire des choses auxquelles j'avais eu envie de m'accrocher. Malgré tout, j'ai senti dès le début que ça ne fonctionnerait pas... On n'a jamais eu d'alchimie, il a très vite commencé à me mentir... Je me voilais juste la face parce que j'avais envie d'y croire, mais dans le fond, on n'était clairement pas faits pour être ensemble, lui et moi.
Je mis quelques instants à digérer les informations. Je crois bien que j'étais assez contente de savoir que James n'était pas spécialement intéressée plus que ça par William, à moins que ce soit juste ce qu'elle ait envie de me faire croire. D'un autre côté, le fait de savoir que Will avait menti à James ne me rassurait pas du tout.
Je ne sais pas si c'est mon visage qui traduisit mon inquiétude en ce moment même, ou si c'est simplement parce que j'étais presque incapable de dissimuler mes sentiments, mais toujours est-il que James ajouta d'une voix douce :
- Il y a quelque chose qui te perturbe, Cassidy.
C'était une affirmation, pas une question, mais sa phrase sous-entendait la chose suivante : « dis-moi ce qui ne va pas. » Je tentai alors le tout pour le tout.
- Il y a un dossier plein de photos de toi dans son ordinateur...
Elle se braqua et haussa les sourcils, l'air surpris, avant de se pencher à nouveau vers moi.
- Des photos où tu es...
- Oui, je sais., coupa-t-elle. En sous-vêtements, dans sa chambre. On les a prises un soir sur un coup de tête, pour s'amuser, et il m'a dit qu'il les avait supprimées. Donc visiblement il m'a menti là-dessus aussi...
Devant mon regard qui s'était baissé et le soupir qui avait suivi, elle s'empressa d'ajouter :
- Tu sais, ce n'est pas parce que Will m'a menti à moi que ça fait pour autant de lui un menteur invétéré... Enfin, je veux dire, j'ai toujours été du genre à fouiller pour faire ressortir ce qu'il y a de meilleur en chacun, et à penser que tout le monde peut changer, donc si ça se trouve, c'est tout simplement ce qu'il s'est passé quand il t'a rencontrée. Regarde, déjà rien que le fait que vous soyez restés ensemble pendant quatre ans, ça c'est un truc qui me semblait improbable...
Elle me sourit et posa délicatement sa main sur la mienne. Je la laissai faire et me pinçai les lèvres :
- Pourquoi il a encore ces photos dans son ordinateur ?, demandai-je alors comme si James possédait toutes les réponses à mes questions.
Elle sembla un peu confuse, parut réfléchir un instant en regardant à droite à gauche, et me dit d'une voix douce en haussant les épaules :
-  Je ne sais pas... Tu devrais lui demander, tout simplement.
-  Je ne peux pas. Il ne sait pas que je les ai vues.
Devant l'incompréhension de James, j'ajoutai :
- Je suis tombée dessus par hasard en cherchant nos photos de vacances...
Hors de question que j'aille lui raconter que j'avais fouillé l'ordinateur de William. Je ne savais pas si je pouvais lui faire confiance ou si elle irait tout lui répéter une fois notre conversation terminée. Je ne savais même pas si ce qu'elle me disait par rapport à elle et à William était vrai, mais elle avait l'air tellement franche et entière, et je ne voyais pas quel intérêt elle aurait pu avoir à me mentir là-dessus.
À moins que ce soit juste manœuvre de diversion, une manière de me convaincre que William n'était pas quelqu'un de bien afin que je le quitte pour pouvoir le récupérer par la suite.
Mais quelle idée, puisqu'elle était actuellement avec l'homme le plus parfait de la terre ?
Enfin, parfait à ses yeux en tout cas.
- Comment ça se passe entre Daryl et toi ?, demandai-je alors d'un ton que je perçu presque agressif malgré moi.
James sourit et je pus observer alors dans ce sourire l'air un peu niais qu'ont les adolescentes - bien qu'elle soit loin d'en être une - à la découverte de leur toute première histoire d'amour.
- Ça se passe parfaitement, je crois bien que c'est l'homme de ma vie.
Son enthousiasme me fit sourire également et je poursuivis :
- Comment vous vous êtes rencontrés ?
Je ne voulais pas que mes questions ressemblent à un interrogatoire, mais je souhaitais vraiment en apprendre plus sur eux deux et en savoir davantage sur la solidité de leur relation. Ce n'est pas parce qu'ils avaient l'air très amoureux qu'ils étaient pour autant, ou alors qu'ils n'avaient pas des principes libertins qui auraient permis à James d'aller s'amuser un peu avec William sans que Daryl ne lui en tienne rigueur. Je me concentrai donc sur sa réponse :
- Au boulot, tout simplement. On travaille dans la même section. En fait, quelques mois après ma rupture avec William, je suis partie de la région et c'est là-bas que j'ai rencontré Daryl.
- Donc vous êtes ensemble depuis longtemps ?
- Pas tellement, ça doit faire un peu plus d'un an environ... Mais ça a toujours été comme une évidence entre lui et moi. En fait, j'ai trouvé chez lui tout ce que je n'avais jamais eu avec William. Je crois que ça fait ça quand tu rencontres la bonne personne.
Elle passa une main dans sa longue chevelure dorée et la ramena sur son épaule gauche. Ce mouvement fit se dégager un léger effluve de ses cheveux : sans doute l'odeur de son parfum ou de son shampoing, à moins que ce ne soit un mélange des deux. Ça sentait le miel et la banane, c'était délicat et sucré mais sans être trop prononcé et écœurant pour autant.
Je chassai cette douce odeur de mes narines et poursuivis mon interrogatoire :
- Du coup, William et toi... Vous ne vous êtes pas séparés en bons termes ?
J'espérais qu'elle me réponde que non, et qu'elle lui en voulait encore après toutes ces années. Mais la réponse qu'elle me donna ne fut pas exactement celle que j'attendais :
- Pas vraiment. On s'est même bien disputés et il m'a toujours reprochée d'avoir été responsable de la rupture, alors que, de mon point de vue en tout cas, je ne l'étais pas du tout.
- Tu dois le détester alors., fis-je d'un ton plein d'espoir.
- Absolument pas. Détester les gens, c'est une perte de temps. Mais pourquoi est-ce que tu me demandes tout ça ?
Et voilà. Mes questions avaient fini par se retourner contre moi-même. Je tentai de trouver un mensonge à raconter à James histoire de me justifier, mais rien ne sortis de ma bouche. Mon cerveau et mon imagination semblaient s'être bloquées d'un coup.
- Je..., commençai-je, hésitante. C'est juste que... Enfin la plupart du temps quand on se fait tromper, on a du mal à passer au-dessus...
Pourtant, n'était-ce pas ce que j'avais fait ?
Mais c'était différent...
James haussa les épaules et répondit :
- Bof. Je m'en fichais pas mal. Je savais très bien que William et moi on allait pas finir notre vie ensemble de toute façon. Les choses devaient se passer ainsi, c'est tout.
Les choses devaient se passer ainsi. C'était exactement ce que je m'étais dit après que William soit allé s'aventurer un peu trop près des bras de Daisy. Et je savais dans le fond que même s'il n'y avait pas eu ce malheureux incident qui avait provoqué la mort de cette connasse, William serait revenu vers moi un jour où l'autre. Cela avait simplement précipité les choses, dans le bon sens du terme.
Je crois bien que j'en savais assez. J'allai changer de sujet de conversation quand je vis Daryl arriver derrière James. Il se positionna à sa gauche et posa une main sur son épaule. Aussitôt, James posa sa propre main sur celle de Daryl et celui-ci lui demanda en anglais si tout allait bien. Elle lui répondit que oui, toujours en anglais, et il s'adressa alors à moi, mais en français cette fois :
- On a fini notre partie, tu ne veux pas venir faire la prochaine ?
Puis il s'adressa à James :
- Je ferais bien un babyfoot, qu'est-ce que tu en penses ?
- Excellente idée, Darling., lui répondit James en se levant de son pouf.
Je l'imitai, elle posa alors une main sur mon bras et me regarda droit dans les yeux.
- Va t'amuser., m'ordonna-t-elle gentiment.
Elle suivit ensuite Daryl jusqu'aux premier babyfoot de libre, celui juste à côté de la table de billard sur laquelle étaient adossés William et Freddie.
Je choisis de suivre le conseil de James et rejoignis mon homme et son meilleur ami.
Dès qu'il me vit arriver, Freddie s'exclama :
- Ben alors, tu faisais quoi ?
William m'entoura d'un bras et embrassa le haut de mon crâne.
- On s'ennuyait sans toi., renchérit-il.
- Je discutais avec James. On n'a pas vu le temps passer.
- Vous avez parlé de quoi ?, demandèrent Freddie et Will d'une même voix.
- De tout et de rien., mentis-je, espérant que ni l'un ni l'autre n'irait demander à James confirmation. De son boulot, un peu de Daryl, et aussi des trucs de filles...
Avant que l'un ou l'autre n'ait pu poser davantage de questions, je changeai radicalement de sujet de conversation :
- On refait une partie ? Qui a gagné au fait ?
- Daryl., firent William et Freddie d'une même voix, l'air blasé d'avoir perdu.
- J'ai d'ailleurs ma revanche à prendre., claironna Freddie en saisissant l'une des queues qui reposait en équilibre contre la table de billard.
J'en attrapai une à mon tour, suivie de William, et Freddie disposa les billes en place avant de décider qui de nous trois allait jouer en premier. Je crois bien que j'allais enfin pouvoir profiter vraiment de cette soirée.