Règle numéro quinze : il n'y a rien à comprendre.

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Je regardai Mathilde, inconsciente, ligotée à cette chaise par mes soins, tout en me remémorant les deux derniers jours que j'avais passés avant d'arriver à ce face à face avec ma future victime.
William avait particulièrement apprécié la surprise que je lui avais réservée le lundi soir, et, comme l'avait prédit Malorie, je n'avais pas gardé mon ensemble bien longtemps, tellement il avait été pressé de me l'enlever. Il m'avait tout de même admiré quelques minutes, c'était le but après tout, qu'il trouve ça joli, mais ce n'était pas ce que je portais qui l'intéressait le plus...
Il s'était endormi tout de suite après que nous ayons fait l'amour, épuisé, ce qui m'avait laissé l'occasion d'envoyer discrètement un mail de confirmation à Mathilde, et de lui donner l'adresse de ma maison en prétextant que c'était là que William habitait. Mathilde n'était sûrement jamais venue chez William par le passé, puisqu'elle n'avait visiblement aucune idée de sa véritable adresse actuelle, et je n'étais pas assez stupide pour la faire venir dans son appartement, ou même pour aller chez elle. Au moins, cette fois, je serais en terrain connu.
« J'attends mercredi avec impatience ! Mais tu habites hors de la ville ? Je n'ai pas de voiture alors ça va être compliqué... » m'avait-elle répondu.
Je lui avais expliqué qu'elle ne devait pas s'en faire, qu'il y avait un arrêt de bus à quelques mètres à peine de la maison, et que, si elle ne trouvait pas, je pourrais même venir la chercher.
Bien entendu, j'étais extrêmement satisfaite de savoir qu'elle ne venait pas en voiture : ça signifiait que j'aurais seulement son corps à faire disparaître.
Je m'étais attelée à préparer sa venue dès le mercredi matin, après avoir expliqué à William ce fameux problème de voisinage qui nécessitait mon intervention, et m'être éclipsée chez moi.
J'avais tout prévu dans les moindres détails, car je savais que beaucoup de sang risquait de couler cette fois-ci.
Et puis, quand on en est à son troisième meurtre, on commence à prendre le coup de main, d'une certaine manière.
Alors, j'étais descendue dans ma cave, j'y avais récupéré une vieille bâche dont mes parents se servaient pour je ne sais quel usage -protéger le mobilier de jardin, je crois-, d'anciens draps qui avaient été autrefois blancs, et une grosse corde.
J'avais fermé les rideaux des portes-fenêtres du salon, des fois que quelqu'un ait eu l'envie de jeter un petit coup d'œil à l'intérieur, ce qui fait que la pièce était plongée dans l'obscurité, mais, grâce aux quelques rayons du soleil qui filtraient dans le petit espace entre le plafond et la fenêtre qui lui, n'était pas recouvert par les rideaux, on y voyait quand même suffisamment clair. Après, j'avais étendu la bâche sur le sol : je ne voulais pas risquer de tacher le carrelage ou de devoir le nettoyer des heures durant -j'aurais sûrement déjà assez de boulot comme ça j'imagine-, et j'avais recouvert les meubles, soit le canapé et la table basse, avec les draps, toujours en prévision d'éventuelles éclaboussures de sang.
Le coup de taser que j'avais asséné à Mathilde l'avait tellement choquée qu'elle s'était écroulée de suite sur le carrelage froid, après avoir tressauté quelques secondes. C'était le but d'un taser en même temps, de mettre son adversaire ou son agresseur K-O.
J'avais donc traîné son corps jusque dans le salon, étant donné qu'il était relativement lourd à porter et que je n'en avais pas spécialement la force, et je l'avais hissée en position assise sur la chaise en bois que j'avais placée au centre de la bâche.
Ensuite, je l'avais simplement ligotée avec la corde, lui liant les bras et les poignets derrière le dossier, ainsi que ses chevilles aux pattes de la chaise, afin qu'elle soit complètement immobilisée.
Puis j'avais ouvert mon coffre-fort, récupéré le Beretta qui s'y trouvait, je m'étais assise en face d'elle, sur l'autre chaise que j'avais disposée ici pour l'occasion, et maintenant, j'attendais qu'elle reprenne connaissance.
Ce n'est qu'au terme de dix bonnes minutes qu'elle ouvrit les yeux.
Elle semblait complètement sonnée, releva lentement sa tête et observa quelques instants autour d'elle avant de poser les yeux sur moi.
- Que ? Qu'est-ce que je fais ici ?, demanda-t-elle d'une voix faible.
- Tu ne te souviens pas ?
Elle marqua une pause et fronça ses sourcils.
- Je devais voir William..., se rappela-t-elle. Et puis... Je suis arrivée ici.
Je hochai la tête pour signifier qu'elle avait raison.
- Qui es-tu ?, interrogea-t-elle en posant les yeux sur moi.
Son regard dériva alors sur le Beretta que je faisais jouer entre mes mains. Aussitôt, elle se mit à paniquer.
- Qu'est-ce que tu me veux ?
J'eus à peine le temps de répondre que Mademoiselle se mit en tête de hurler pour appeler à l'aide. Elle cria désespérément, le plus fort possible pour que quelqu'un l'entende, espérant sans doute qu'un chevalier servant ou un super héros en cape et en collants vole alors à son secours, mais je la coupai d'une voix calme et froide :
- Arrête de crier, tu veux, ça me casse les oreilles.
Je pointai l'arme dans sa direction pour la menacer. Elle se tut instantanément et déglutit. Je me penchai vers elle, appuyai mes coudes sur mes genoux et poursuivis :
- Tu sais, à part te faire mal aux cordes vocales, ça ne servira à rien. Personne ne t'entendra. Mes voisins sont tous partis en vacances, alors tu te fatigues vraiment pour pas grand chose. Et, même si ça n'avait pas été le cas, les maisons sont espacées d'au moins un mètre les unes des autres... Aucune chance pour que quelqu'un t'entende, quelque soit la puissance de ta voix.
- Qu'est-ce que tu veux ?, répéta-t-elle d'une voix tremblante mais qui se voulait méchante.
- Je voudrais que tu comprennes quelque chose que vous, les exs de Will, avez beaucoup de mal à comprendre on dirait...
- Alors, tu connais Will ?, me coupa-t-elle.
- Évidemment que je connais Will !, m'indignai-je. Je suis sa fiancée !
Mathilde parut étonnée. Elle écarquilla les yeux et sa bouche s'ouvrit dans un grand « o » de surprise.
- Sa fiancée ? Mais... Il ne m'a jamais dit qu'il était fiancé..., affirma-t-elle sur la défensive.
- Mais bien sûr, et toi, tu ne t'es pas posé la question.
- Mais je... Je ne savais pas...., balbutia-t-elle. Je ne voulais pas...
- Tu ne voulais pas quoi, Mathilde ? Interférer dans la vie d'un couple au risque de rendre l'une des deux personnes triste et malheureuse ? Ne me fais pas croire que tu n'avais pas l'intention de récupérer William.
Elle baissa les yeux. Je ne vis pas très bien, mais je crois qu'ils étaient en train de se remplir de larmes.
Les yeux toujours braqués sur le sol comme si elle n'osait pas affronter mon regard, elle murmura :
- Tu as vu les mails alors...
Je ricanai.
- Évidemment que je les ais vus ! Et ce qu'on peut dire, c'est que tu n'y vas pas par quatre chemins en matière de reconquête amoureuse ma grande.
- Mais je..., commença-t-elle, hésitante. Je ne voulais pas le récupérer, William et moi, on n'est juste amis, et...
- Bah voyons., la coupai-je. Arrête de dire des conneries, ça m'énerve encore plus que quand tu cries.
Elle commençait à me faire perdre patience, et voilà que je voyais vraiment ses yeux se remplir de larmes à présent.
- Attends, ne me dis pas que tu vas te mettre à chialer., m'offusquai-je.
Elle renifla et une larme coula le long de sa joue droite.
- Si tu fais ça dans le but d'avoir ma pitié, saches que c'est très loin d'être efficace..., soupirai-je.
- Pourquoi est-ce que tu fais ça ?, dit elle d'un ton suppliant tandis qu'une deuxième larme venait s'échouer sur sa joue gauche.
Je souris en ayant un petit rire moqueur.
- Tu devrais le savoir.
Elle leva alors la tête vers moi. Ses larmes avaient cessé d'un coup, sous l'effet de la surprise ou pour je ne sais quelle autre raison, et elle me dit d'un ton plein d'espoir :
- Si c'est William que tu veux, je te le laisse !
Je ricanai à nouveau, me retenant d'éclater de rire.
- Bien sûr que tu vas me le laisser. Avec ou sans volonté de ta part, tu vas me le laisser. Tu vas nous laisser et nous foutre la paix à jamais.
- Alors ça y est ? Je peux partir ?, implora-t-elle. Libère-moi, s'il-te-plaît, j'ai compris la leçon, je te jure que je disparaitrais de la vie de William et de la tienne et que vous n'entendrez jamais plus parler de moi tous les deux !
Je balançai lentement ma tête de gauche à droite en faisant claquer ma langue contre mes dents pour signifier mon mécontentement face à l'incompréhension de cette fille.
- Ce serait trop facile Mathilde, ce n'est pas comme ça que ça marche...
- Qu'est-ce que tu vas me faire ?
Elle sembla soudainement avoir compris l'importance de la situation tant son visage se déforma par la peur. Je crus même qu'elle allait s'évanouir à nouveau ou se remettre à pleurer, mais elle n'en fit rien et resta droite et tendue sur sa chaise comme si ses muscles s'étaient rigidifiés d'un seul coup.
- Tu aimes la musique Mathilde ?, demandai-je alors en penchant ma tête sur la droite et en l'incitant à me regarder.
- Quoi ?, fit-elle, désemparée. Pourquoi tu me demandes ça ?
- C'est un peu calme, tu ne trouves pas ? On devrait en mettre un peu.
Je me levai alors, le pistolet toujours dans la main, et allai fouiller dans le meuble juste derrière elle pour trouver un CD à insérer dans la chaine hi-fi posée sur ce même meuble.
La musique, ce n'était pas tellement pour combler le silence, mais surtout pour couvrir tout bruit qui aurait pu être suspect. Mes voisins n'étaient peut-être pas là, et c'était un quartier calme, mais si par hasard quelqu'un décidait de venir se balader par là au moment où j'allais tuer Mathilde, je ne voulais pas qu'il puisse entendre quoique ce soit.
Je choisis donc l'album The Black, d'Asking Alexandria, le dernier album sortit en Mars de cette année. Je l'aimais beaucoup, plus que tous les autres d'ailleurs. Je le sortis de sa jaquette, l'insérai dans le lecteur CD et avançai directement à la piste neuf, la chanson Here I am. Je montai le son de manière à ce que Mathilde et moi puissions nous entendre sans trop hausser le ton, mais mis suffisamment fort pour couvrir le bruit de nos deux voix à une tierce personne.

- J'espère que tu apprécies., dis-je à Mathilde en venant me rasseoir en face d'elle.
- C'est mon groupe préféré..., fit-elle d'une voix triste.
- Oh, vraiment ?, répondis-je, enjouée, avec un grand sourire. J'aime beaucoup aussi !
Ça nous fait un autre point commun alors., pensai-je.
- Tu sais..., me dit-elle. Je suis convaincue que William t'aime de tout son cœur...
- Je sais., la coupai-je. Je n'ai pas besoin de toi pour le savoir. Mais n'espère pas t'en sortir avec ça.
- Je n'essayais pas de...
- Tu vas mourir de toute façon, Mathilde, que tu le veuilles ou non.
Les larmes recommencèrent à noyer ses joues.
- Tu n'es pas obligée de faire ça..., sanglota-t-elle.
- Oh si, je suis obligée.
Elle renifla et baissa la tête vers le sol, comme pour cacher ses larmes ou ses joues rougies par la tristesse. Je lui attrapai délicatement le menton avec ma main libre et levai son visage vers moi.
- Ne t'inquiètes pas., la rassurai-je. Ça ne sera pas long. Et ça ne fera pas mal non plus. Mon but n'est pas de te torturer ou quoi que ce soit...
Elle renifla violemment et tourna enfin ses yeux vers moi. Avec toute son attention, je poursuivis :
- Tu sais Mathilde, ça n'a rien de personnel. Je n'ai rien contre toi. C'est juste que... Tu me déranges. Tu es là où et quand il ne faudrait pas, et je ne peux pas me permettre de te laisser potentiellement gâcher ce bonheur que j'ai récupéré et que j'avais passé tant de temps à chercher.
Elle ferma les yeux et marmonna quelque chose, peut-être une prière, peut-être bien qu'elle me maudissait sur quinze générations, ou peut-être même encore qu'elle s'était enfin résignée à accepter son triste sort. Je me levai de ma chaise, pointai le Beretta vers elle en tendant mon bras, et ôtai le cran de sûreté avec mon pouce.
Je visai sa poitrine de façon à la toucher en plein cœur, et, pendant qu'elle était toujours en train de sangloter et de trembler en attendant l'exécution de la sentence, je lui dis une dernière phrase :
- Tu voulais savoir pourquoi je fais ça Mathilde ? La réponse est simple : par amour.
Et j'appuyai sur la détente.

Et j'appuyai sur la détente

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Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant