Règle numéro treize : un menteur reste un menteur.

287 37 37
                                    

Je pris une profonde inspiration et tapai le mot de passe que j'avais mis quatre jours à déchiffrer. J'espérais vraiment ne pas m'être trompée d'une lettre, ni d'un chiffre, afin de pouvoir enfin réaliser mon plan dans les règles de l'art.
Fort heureusement, je n'avais commis aucune erreur, et la session de William s'ouvrit sans encombre.
Son fond d'écran représentait une photo de son groupe préféré, Hurts. Je le connaissais bien, je l'avais vu de nombreuses fois. Ce qui m'intéressait à présent, c'était ses fichiers.
Le bureau étant particulièrement bien rangé, je pensai donc qu'il devait classer ses photos ou ses vidéos ailleurs. J'ouvris l'onglet « documents », et entrepris ma recherche.
À vrai dire, je ne sais pas très bien ce que je cherchais exactement.
J'observai ses dossiers : rien d'inquiétant. L'un était nommé « photos de vacances », l'autre « dossier à imprimer », il y avait même un dossier « Moi et Cassie » et un dossier « porn ».
Ce dernier me fit sourire. Je ne m'inquiétai pas, ces filles n'étaient pas réelles, et il ne risquait pas de les croiser au détour d'une rue.
Je continuai de faire descendre le curseur quand mon regard tomba sur un dossier intitulé « J. 💙 »
Je fronçai les sourcils en me reculant.
Qu'est-ce que c'est que ça ? Et pourquoi est-ce qu'il y a un cœur dans le nom de ce dossier et pas dans les autres ?
Je secouai la tête en soupirant. Ce n'était sûrement pas grand-chose, je me faisais peut-être des idées. Pourtant, la petite voix en moi m'ordonnait de l'ouvrir absolument. Alors je le fis. Et mon cœur s'arrêta de battre pendant une demi-seconde.
Le dossier contenait de nombreuses photos d'une jeune fille, plutôt jolie je dois le reconnaître, qui devait être âgée d'environ vingt à vingt-cinq ans.
Elle avait des cheveux d'un blond doré que les effets de la photographie faisaient briller comme de l'or ; ses yeux étaient brun clair et fixaient l'objectif d'un air tantôt timide, tantôt assuré.
Je consultai toutes les photos. La plupart du temps, on ne voyait que son visage, mais certaines étaient cadrées aussi sur son corps, qui, souvent, n'était que peu vêtu.
Mais qui c'est celle-là bon sang ?
Est-ce que c'est William qui avait pris ces photos ?
D'après l'angle de prise de vue, je dirais qu'elle n'a pas pu les prendre d'elle-même, à moins qu'elle n'ait posé l'appareil sur un trépied et qu'elle ait déclenché le retardateur...
Une minute.
J'observai le décor.
C'était chez William.
Sur les photos où elle était en sous-vêtements, elle était chez William. Dans son lit.
Pourtant, quelque chose m'interpella : les meubles n'étaient pas à la bonne place, et il manquait des objets, des livres et des DVD sur la commode qui se trouvait à côté du lit. Quand est-ce que ces photos avaient été prises ?
J'ouvris l'onglet « lire plus d'informations » et observai la date : septembre 2012.
2012 ? C'était il y a quatre ans... William et moi nous étions rencontrés entre fin août et début septembre de cette année-là, et nous avions commencé à nous fréquenter davantage vers octobre et novembre, avant de nous mettre en couple en décembre. Je ressentis un soulagement en constatant que les photos dataient donc d'avant cette date.
Pourtant, cela m'intriguait toujours autant. Cette fille était elle l'une de ses exs ? Je n'avais jamais entendu parler d'une ancienne conquête dont le prénom ou même le nom commençait par un J... Et je connaissais toutes les exs de William par cœur. Je connaissais Aurélie, je connaissais Daisy, je connaissais Mathilde... Et aussi celle qui était partie vivre en Irlande, comment elle s'appelle déjà ?
Ophélie ! Voilà.
Aucun prénom qui ne commence par un J.
Alors, j'entrepris de fouiller dans son Facebook. J'observai sa liste d'amis, consultai tous les profils de filles dont le prénom ou le nom de famille commençait par la lettre J, mais je n'en tirai aucun résultat. J'en déduisis qu'elle utilisait peut-être un pseudonyme ou un faux nom, aussi je consultai la liste entière en prenant soin de bien observer chaque photo de profil et de cliquer dessus à chaque fois qu'un visage me semblait familier.
Cela ne donna rien, aucun résultat.
Soit cette fille avait disparu de la surface de la Terre, soit elle avait changé radicalement de visage et de coupe et de couleur de cheveux, soit, tout simplement, elle ne faisait pas partie des amis de William.
Elle n'avait peut-être même pas de compte Facebook.
D'ailleurs, j'en étais convaincue, c'était la première fois que je voyais cette fille. Pas de traces d'elle sur Internet, pas de traces d'elle non plus l'entourage amical et social de William...
Je me radoucis quelque peu. Il n'y avait, en théorie, rien à craindre. Si William ne m'avait jamais parlé d'elle, c'est sûrement parce qu'elle n'avait pas compté tant que ça.
Mais alors pourquoi est-ce qu'il gardait un dossier rempli de photos d'elle et dont le nom comportait un petit cœur tout mielleux ?
J'avais envie d'envoyer ce foutu dossier à la corbeille et de le supprimer définitivement, mais je me ravisai. Je ne devais laisser aucune trace de mon passage. Tout laisser en place, et supprimer l'historique de mes recherches Internet une fois que j'aurais fini.
Et peut-être bien que William ne consultait jamais ce dossier après tout, il avait peut-être simplement oublié de le supprimer...
Je chassai cette « J. » et ses photos de mes pensées, et repris mon enquête là où je l'avais laissée.
N'ayant rien trouvé de compromettant ou de suffisamment alarmant sur Facebook, je consultai la messagerie.
Des spams, des pubs, et un mail d'une certaine Mathilde Cortes.
Si la lettre J ne m'évoquait absolument rien en ce qui concerne une ex de William, le nom de Mathilde Cortes, lui, m'était très familier.
Mathilde, c'était la petite aventure qu'il avait eue juste après Aurélie. Il m'avait dit que c'était une amie de longue date avec qui il était sorti deux petites semaines, histoire de se consoler. Ça n'avait pas duré, mais je crois bien qu'il avait été amoureux d'elle.
J'ouvris le message. Les échanges duraient depuis un certain temps déjà, apparemment, et le dernier avait été envoyé le vendredi dix-neuf août, soit trois jours auparavant.
Je lus le dernier mail en date, il provenait de Mathilde :
« Coucou William.
Tu me manques aussi beaucoup, ça me ferait très plaisir de te revoir après toutes ces années .Je dois bien avouer que parfois, je repense à nous et nos moments de complicité me manquent... Je ne sais pas si tu as quelqu'un dans ta vie en ce moment, mais sache que moi en tout cas, je suis totalement disponible...
J'espère avoir de tes nouvelles très vite, en attendant je te fais plein de gros bisous partout. »
J'éclatai d'un rire franc et nerveux.
Mais pour qui est-ce qu'elle se prend cette pouffiasse ??
Oui, il a quelqu'un dans sa vie en ce moment, alors tu vas le lâcher tout de suite.
Je consultai l'heure : midi cinq. Un peu plus et je serais en retard à mon rendez-vous avec Malorie.
J'avais le temps d'envoyer une réponse en me faisant passer pour William, mais certainement pas le temps d'attendre que Mathilde me réponde à son tour. Et si William consultait ses mails avant que je ne puisse le faire moi-même, il se douterait forcément de quelque chose.
Je n'avais plus le choix, je tentai le tout pour le tout : j'attrapai mon téléphone, déconnectai mon compte de messagerie et entrai l'adresse mail de Will avec le mot de passe de son ordinateur. J'attendis quelques secondes, et le compte s'ouvrit.
Je n'en croyais pas mes yeux : ça avait fonctionné !
Visiblement, William utilisait ce mot de passe pour d'autres utilisations que son blocage de session d'ordinateur... En même temps, un mot de passe de ce genre, il valait mieux qu'il n'y en ait qu'un à retenir.
Je laissai donc son compte connecté avec mon téléphone, effaçai l'historique des recherches que j'avais faites sur Internet, et fermai le clapet de l'ordinateur avec un air à la fois satisfait et agacé.
Mon ventre gargouilla alors pour signifier qu'il était temps que j'aille manger quelque chose.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant