Je fis un dernier geste de la main à Dave, et partis.
Comme il me l'avait gentiment suggéré, j'allais maintenant devoir cacher mon arme, d'autant plus que je ne pouvais pas arriver chez William avec un pistolet caché dans mon dos, cela aurait prêté à confusion.
Je lui envoyai un bref SMS pour le prévenir que je serais là vers minuit, le temps de boire un dernier verre.
J'arrivai chez moi en dix minutes, la circulation étant très fluide en cette heure tardive de dimanche soir. Je garai ma voiture dans mon allée et entrai.
Mes parents avaient eu la bonne idée d'installer un coffre-fort dans leur maison au moment de sa construction. Non pas qu'ils aient été du genre parano, mais étant donné qu'ils voyageaient beaucoup, ils estimaient qu'on était jamais trop prudent, et que si un cambriolage survenait, les voleurs n'auraient pas l'idée d'aller chercher là-dedans. Ils y entreposaient des objets de valeur, et de l'argent liquide à utiliser en cas d'urgence, mais dont ma sœur et moi n'avions jamais eu l'utilité, du moins jusqu'à maintenant.
Le coffre était intégré dans les fondations, et caché derrière un tableau particulièrement moche fixé au mur, juste en face de la cheminée. Il suffisait d'actionner un petit bouton invisible dissimulé sur la tranche du cadre et le tableau se rabattait automatiquement sur le côté, laissant apparaître le coffre-fort.
Je saisis la combinaison à cinq chiffres, et la porte s'ouvrit dans un grincement. Aussitôt, par réflexe, je vérifiai que rien n'avait disparu.
Il y avait toujours les liasses de billets - trois mille euros en coupure de cinquante -, des carnets que mon père considérait comme rares et précieux, une bouteille d'un alcool très cher que personne n'avait jamais touchée, mais mes yeux se posèrent sur un objet bien plus important : ma bague de fiançailles.
Je ne m'étais pas résignée à la rendre à William après notre rupture, mais je l'avais cachée là parce que je ne supportais plus de la voir.
Pourtant, elle était très belle. C'était un petit anneau en argent tout simple et très fin, incrusté d'un diamant suffisamment gros pour qu'on remarque sa valeur, et à la fois suffisamment petit pour ne pas attirer l'attention.
Simple, élégant, et discret.
J'attrapai la bague et la passai à mon doigt. Elle m'allait toujours parfaitement. Je restai ainsi quelques minutes à la contempler comme si ça avait été la première fois que je l'enfilai, puis je sortis le pistolet de dans mon dos et le déposai dans le coffre, de même pour la recharge de balles.
Je montai ensuite dans ma chambre pour aller chercher le téléphone de Daisy et le déposai, lui aussi, dans le coffre. Au moins, personne ne pourrait tomber dessus par hasard, et c'était plus sûr que de le dissimuler dans un tiroir de mon bureau.
Je refermai la porte blindée et la verrouillai en saisissant le code une nouvelle fois, puis rabattis le tableau, après quoi montai à nouveau dans ma chambre et entrepris de préparer mes affaires. Je ne savais pas exactement combien de temps j'allais rester chez Will, alors je décidai de prendre de quoi tenir trois jours. Au pire, je pourrais toujours revenir rechercher des vêtements plus tard.
Je choisis donc trois tenues différentes, une paire de chaussures, des sous-vêtements, un nécessaire de toilette et me changeai. La tenue que portais actuellement n'était pas vraiment adaptée pour aller voir son fiancé, ni même pour un simple rendez-vous entre amis d'ailleurs. Je revêtis donc une petite robe noire assez simple, mais relativement moulante et sexy, et des chaussures aux talons assez épais.
Je vérifiai une dernière fois mon maquillage et ma coiffure, attrapai mon sac et partis.De ma voiture, en bas de l'immeuble, je pouvais constater que la lumière de chez Will était encore allumée.
Je me demandai s'il m'avait attendue alors qu'il était fatigué, ou s'il avait de toute façon décidé de se coucher tard. William n'était pas un gros dormeur, contrairement à moi, il avait l'habitude de ne dormir que quatre à six heures par nuit, et restait souvent éveillé très tard le soir. De plus, son job l'obligeait quelques fois à travailler de nuit, ce qui fait qu'il avait un rythme souvent décalé du mien.
Je lui envoyai un petit message pour le prévenir que j'étais arrivée et sortis de ma voiture. Je pris le sac qui se trouvait dans le coffre, puis verrouillai les portes.
Je sonnai, il m'ouvrit la grille, et j'empruntai ce chemin que j'avais dû faire près de mille fois auparavant.
J'eus à peine le temps de toquer qu'il m'ouvrit déjà la porte d'entrée. Aussitôt il entoura ses bras autour de ma taille, plaçant ses mains à la naissance de mes fesses, m'attira à lui pour m'emmener à l'intérieur, et m'embrassa.
- Tu m'as manqué., dit-il, un grand sourire aux lèvres.
Je souris à mon tour tout en laissant choir mon sac sur le sol.
- Toi aussi.
Il se recula alors de quelques centimètres et me contempla des pieds à la tête.
- T'es sortie comme ça ?, fit-il avec un petit sourire coquin tout en m'attirant à lui une nouvelle fois et en déposant ses lèvres dans mon cou.
Je savais que cette robe avait son petit effet, aussi je répondis que je sortais toujours comme ça.
- Tu as dû avoir beaucoup de succès..., remarqua-t-il. Il y avait qui ?
- Léa.
- Ah.
Au moins, je savais qu'il ne poserait pas davantage de questions et qu'il n'irait pas vérifier.
- Elle va bien ?, s'enquit-il, je crois, par simple politesse.
Je répondis en souriant qu'elle allait parfaitement bien, et il s'informa sur ce que nous avions fait de notre soirée tout en m'invitant à m'installer dans le salon. Je lui racontai plus ou moins la même scène qui s'était déroulée dans l'après-midi, lui dis que nous étions allées dans un bar et que nous avions bu des cocktails sans alcool. Je lui racontai même que Léa s'était fait aborder par un charmant jeune homme.
- Ça ne m'étonne pas., remarqua-t-il en allant chercher spontanément deux bières pendant que je m'assis dans le canapé.
- Pourquoi ?, demandai-je.
- Ben...
Il se tut quelques minutes, le temps de revenir de la cuisine, et poursuivit :
- Elle est très belle, très séduisante, elle a des formes voluptueuses... Ça ne m'étonne pas qu'elle se fasse souvent draguer.
Je ne répondis rien et me pinçai les lèvres, incapable de réprimander le sentiment de jalousie qui naissait dans mon cœur.
Je savais que je n'avais rien à craindre de Léa. C'était ma meilleure amie, et William et elle ne s'entendaient pas du tout. Pourtant, je ne pus m'empêcher d'avoir peur pendant une fraction de seconde.
- Dommage qu'elle ait une personnalité à la con., ajouta William en décapsulant nos deux bouteilles et en s'asseyant à côté de moi.
- Elle a une forte personnalité., rectifiai-je. Et du caractère.
- Non, elle est tout bonnement chiante, je plains ses futurs enfants et son futur mec. Elle a quelqu'un en ce moment d'ailleurs ?
Je lui expliquai alors la situation compliquée entre son ex - Stéphane - et elle. Ces deux-là se tournaient autour depuis presque trois ans maintenant, et à chaque fois que je croyais qu'ils allaient se remettre ensemble pour de bon et se poser enfin, j'étais toujours surprise de voir que les choses ne se déroulaient pas exactement comme je les imaginais.
Nous trinquâmes et bûmes une gorgée de nos bières respectives avant que Will ne fasse une dernière remarque :
- Je ne la vois vraiment pas en couple cette fille. Elle est trop indépendante pour ça.
Il n'avait pas tort.
- N'empêche, j'ai retenu que tu la trouvais jolie..., dis-je en baissant les yeux vers la table basse.
- Arrête ! Tu sais bien que je préfère les blondes toutes minces., plaisanta-t-il en se penchant vers moi pour me pincer la taille.
Et Daisy ? Elle était blonde et toute mince peut-être ?
Il m'embrassa et je me calmai un peu. Non, je n'avais vraiment rien à craindre de Léa.
William changea alors radicalement de sujet :
- Il est déjà tard, tu ne vas pas être fatiguée au boulot demain ?
- Hum, je ne travaille pas., répondis-je après avoir bu une gorgée d'alcool. J'ai pris trois semaines de vacances du quinze août au quatre septembre.
- Oh, alors ça nous laisse trois semaines rien qu'à nous...
Il sourit de plus belle, se pencha à nouveau vers moi, et fit glisser doucement la fermeture éclair de ma robe.
- Tu as l'intention de me déshabiller ?, ironisai-je.
- J'ai eu l'intention de te déshabiller à l'instant où tu es entrée ici...
Je le repoussai et remontai ma fermeture. Non pas que je n'ai pas eu très envie de lui à l'instant précis, mais je devais déjà me renseigner sur un sujet bien particulier : le problème Aurélie.
Si ces trois semaines de vacances tombaient à pic et allaient permettre à William et moi de passer beaucoup de temps ensemble, elles allaient aussi me permettre de mettre l'intégralité de mon plan à profit, mais pour ça, je devais d'abord connaître certaines choses. Je prétextai donc à William que je voulais déjà finir ma bière dans un premier temps, et enchaînai :
- Dis-moi, je me demandais... Qu'est-ce qu'elle fait dans la vie, Aurélie ?
Il se braqua et se recula instantanément en fronçant les sourcils.
- Tu me parles de mon ex pour me refroidir, c'est ça ?
- Je me renseigne, c'est tout... La dernière fois que tu m'as parlé d'elle, tu m'as dit qu'elle faisait des études de graphisme.
- Oui, et alors ?
Je m'éclaircis la gorge avant de poursuivre mon semblant d'explications :
- Eh bien, comme j'ai l'intention de lancer mon site web dans le cadre de mon travail de styliste... Je me demandais si elle n'aurait pas pu m'aider...
Le visage de William se radoucit d'un coup et il éclata de rire.
- Tu veux copiner avec mon ex ?
- C'est la seule personne que je connaisse dans le domaine., prétendis-je. On peut toujours tenter.
- OK, si tu es sûre de toi, je pourrais toujours lui demander.
- Non !, protestai-je en m'exprimant un peu plus fort que ce que j'aurais voulu. Non, laisse moi le faire par moi-même, je ne veux pas qu'elle sache que toi et moi on est ensemble, ça risquerait de poser des a priori ou un conflit...
- Je t'ai dit que de l'eau avait coulé sous les ponts..., soupira William.
- Peu importe, je sais ce que ça fait quand la copine de ton ex vient te voir en te demandant un service : c'est bizarre et perturbant.
- Comme tu veux., conclut-il avant de changer une nouvelle fois de sujet. Tu veux regarder un film ?
Ma fatigue me disait non, mais mon cœur n'était pas du même avis. J'avais retrouvé mon amour, il était hors de question que je gaspille le temps passé avec lui à dormir. Au fond de moi, je sentais comme une toute petite voix qui craignait d'être à nouveau séparée de lui, et qui me disait d'en profiter au maximum.
Je fis donc savoir à William que j'étais d'accord et nous choisîmes de regarder Pulp Fiction, un film que j'avais bien dû voir une bonne trentaine de fois, mais que j'appréciais toujours autant.
Je calais mon dos contre son torse et il plaça ses bras autour de ma taille pendant que les premières minutes du film démarraient. J'entrelaçai ses doigts avec les miens, et c'est alors qu'il remarqua la bague. Il me souleva la main et l'amena à hauteur de sa vision, comme pour vérifier qu'il s'agissait bien de l'anneau qu'il m'avait offert.
- Tu l'as remise..., fit-il.
- Oui, je suis retombée dessus aujourd'hui en fouillant dans mes affaires., mentis-je.
- Je pensais que tu l'avais jetée...
- Non ! Je ne pouvais pas jeter un objet qui a autant de valeur., dis-je, pensive.
- Oh tu sais, si c'est une question d'argent, j'aurais pu m'en remettre...
- Je parlais de la valeur sentimentale...
- Ah. Oui. D'ailleurs, en parlant de ça...
Les battements de mon cœur s'accélérèrent d'un coup. Je me relevai pour me tourner vers lui, et prononçai d'une voix peu assurée :
- Oui ?
- Je pense qu'on a un peu trop précipité les choses en voulant se marier à tout prix..., commença-t-il. Je veux dire, je suis encore jeune, j'ai la vie devant moi, et quand je t'ai fait ma demande je voulais vraiment me marier avec toi... Je le veux toujours d'ailleurs, mais... Pas maintenant.
- Je comprends., répondis-je en lui souriant.
Je n'avais pas l'intention d'insister sur ce point : William avait raison, nous avions précipité les choses, si bien que l'idée du mariage était devenue un sujet conflictuel entre nous. Cela viendra plus tard, quand nous serons prêts et que nous aurons tous les moyens nécessaires à notre disposition. Et après tout, nous n'avions pas besoin d'être unis sur le papier pour être heureux dans notre vie de couple. Apaisée par cette pensée, je me calai à nouveau contre lui et me concentrai sur le film.
J'étais en train de m'assoupir quand William se releva d'un coup, me tirant violemment de ma somnolence.
- Je viens de penser à un truc !, s'exclama-t-il.
- Quoi ?, demandai-je d'une voix endormie.
Il se tourna vers moi pendant que je me frottai les yeux.
- Tu me parlais d'Aurélie tout à l'heure, mais je crois qu'elle a un site professionnel... Aurélie Design, un truc comme ça... Tu pourrais la contacter directement là-dessus.
Excellente idée.
- OK, je chercherais., fis-je avec l'air de ne pas y toucher.
- T'as l'air fatiguée..., remarqua William. Tu veux qu'on aille dormir ?
J'aurais aimé lutter encore quelques heures, mais mes paupières commençaient à se faire vraiment lourdes et j'avais mal au crâne.
Je hochai donc la tête et William se leva pour aller éteindre la télé. Il se dirigea vers la chambre, attrapa mon sac au passage, et je le suivis.
- Je vais prendre ma douche., annonça-t-il. J'essayerai de ne pas te réveiller en venant me coucher.
- Ça marche, bonne nuit.
Je l'embrassai et attendis qu'il parte dans la salle de bain. Immédiatement après je fermai la porte de la chambre et me ruai sur mon téléphone portable. J'activai le wifi et entrepris de chercher le site dont William m'avait parlé.
Je tombai sur la page Facebook professionnelle d'Aurélie : Aurélie's Design, comme l'avait dit Will à peu de choses près. J'observai ses travaux quelques instants. C'était vraiment pas mal, elle se débrouillait bien pour une étudiante... J'allai ensuite dans l'encart « plus d'informations », et lu :
Aurélie Malet, étudiante en design, pub, communication.
Contact professionnel...
Voilà ! C'est exactement ça qu'il me fallait. Je copiai son adresse mail et l'enregistrai dans mon dossier « notes », ouvris ensuite ma messagerie et déconnectai mon compte. Pour brouiller toutes les pistes, je me créai une fausse adresse au nom de Sarah Opton, à partir de laquelle j'enverrai mon message.
Je me présentai donc sous ce faux nom, expliquai brièvement à Aurélie que j'admirais son travail et que j'avais l'intention de faire appel à elle pour qu'elle m'aide dans le design de mon site internet, moyennant bien sûr une contrepartie financière. Je signai d'un « cordialement » et appuyai sur le bouton envoyer, espérant qu'elle réponde dans les prochains jours.
Plus tôt elle se manifesterait, plus tôt je serais débarrassée d'elle.
Je posai ensuite mon téléphone sur le lit et me déshabillai entièrement. Je me glissai alors sous les draps sans prendre la peine d'enfiler un pyjama quand je sentis mon téléphone vibrer.
Déjà ? Ça avait été du rapide.
Mais la notification n'était pas une réponse à mon mail : il s'agissait d'un SMS de Léa.
Je ne fus qu'à moitié surprise de constater qu'elle ne dormait pas en cette heure tardive, elle devait sûrement être en train d'étudier. Léa passait son temps à étudier, et elle était souvent sujette aux insomnies. À vrai dire, elle avait une manière très atypique de faire ses nuits : elle dormait de manière fractionnée. Ainsi, elle s'endormait pendant trois heures, puis se réveillait pendant une heure, puis s'endormait à nouveau pendant deux heures, et ainsi de suite jusqu'à ce qu'elle se lève pour de bon. Cela m'avait toujours fait sourire.
Je lus son SMS :
« Au fait, maintenant que tu t'es remise avec William, tu vas pouvoir récupérer mon collier. »
Je fronçai les sourcils en répondant :
« Ton collier ? »
« Oui, tu sais le collier que je t'ai offert pour ton anniversaire. Celui que t'avais oublié chez lui quand t'es allée récupérer tes affaires et que t'osais pas aller chercher parce que t'avais peur de voir cet abruti. »
Je souris en lisant le mot « abruti ». Léa ne pouvait pas s'en empêcher... Je lui répondis :
« Oui je me souviens maintenant, merci de m'y faire penser, ça m'était complètement sorti de la tête. »
Il y a quelques années, Léa m'avait offert un collier qu'elle m'avait rapporté d'un voyage qu'elle avait fait en Irlande. C'était une pièce unique, je le savais parce qu'elle l'avait fait faire sur mesure par une créatrice de bijoux locale. Il représentait deux squelettes en train de s'enlacer, c'était spécial, mais je le trouvais magnifique, et depuis, c'était un peu devenu mon porte-bonheur. Je le portais presque tout le temps. J'avais dû oublier de le mettre le matin du jour où Will et moi avions rompu, et, quand j'étais venue récupérer mes affaires, j'étais trop perturbée et abasourdie pour y penser.
J'éteignis mon téléphone et le posai sur la table de chevet quand William entra dans la chambre, vêtu d'une simple serviette de bain autour de la taille.
- Oh, tu ne dors pas., constata-t-il étonné.
- Non, je t'attendais..., répondis-je en faisant glisser sensuellement le drap qui couvrait ma poitrine.
Will haussa les sourcils et sourit tout en laissant glisser sa serviette le long de ses jambes, grimpa sur le lit pour arriver jusqu'à moi, et m'embrassa tout en éteignant la lumière.
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Dommages collatéraux {réécriture à venir}
Mystère / ThrillerCassidy allait se marier, elle vivait un bonheur que rien au monde n'aurait pu venir entacher. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. « Peut-on sombrer dans la folie simplement par amour ? » [Le système des "règles" à chaque chapitre est ins...