Après notre pacte, Léa s'était écroulée de sommeil. Je sortis de sa chambre en refermant discrètement la porte derrière moi, afin de la laisser dormir. J'aurais bien aimé faire de même, malheureusement je crois que cette nuit, je n'aurais pas cette chance. Il était presque cinq heures du matin, et j'avais encore tout un tas de choses à faire.
Je descendis jusqu'à la cave afin de récupérer le sac poubelle dans lequel Léa et moi avions jeté les preuves, et en sortis les vêtements usagés de l'autre pétasse. J'allais les brûler tout de suite, avec les miens, ça serait déjà ça de moins à faire disparaître.Je n'aurais jamais pensé que tuer quelqu'un puisse être un acte aussi compliqué : ce n'était pas seulement un corps qu'il fallait faire disparaître, mais aussi tout un tas d'éléments et de détails insignifiants qui auraient pu nous accuser en nous reliant au meurtre. Je haussai les épaules en ayant cette réflexion et retournai dans le salon.
Le feu s'était presque éteint, je le ravivai un peu avant de former une boule avec les vêtements de la morte, et la jetai immédiatement dans la cheminée.
Bon débarras. Autant pour elle que pour ses fringues, à vrai dire.
Je me déshabillai ensuite entièrement, me retrouvant complètement nue devant ce feu de cheminée qui me réchauffait, bien que la température de la maison soit relativement douce et agréable.
J'attendis que le premier tas de vêtements soit entièrement consumé avant de jeter les miens avec une pointe de regrets. Je refermai la vitre de l'insert, laissai le feu faire son travail, et montai discrètement jusqu'à la salle de bain. Arrivée sur le palier, je pus entendre Léa ronfler à travers la porte de sa chambre. J'esquissai un sourire en pensant qu'elle devait vraiment bien dormir, et entrai dans la salle de bain.
Par précaution, et surtout beaucoup par réflexe, je verrouillai la porte derrière moi.
J'attrapai un peignoir et une serviette propres dans le placard à côté du lavabo, les posai sur le rebord de la baignoire et entrai dans la cabine de douche. Sans doute le meilleur moment dans cette journée de merde qui avait été la mienne.
Je laissai l'eau brûlante couler sur mon visage et sur mon corps, me délectant de cet instant, et je m'assis. J'avais la chance d'avoir une cabine de douche suffisamment grande pour que l'on puisse s'asseoir sur le sol, alors je faisais ça tout le temps. Je passais des heures, assise ainsi, parfois même jusqu'à ce que l'eau devienne froide et m'oblige à sortir.
C'était toujours le moment où je réfléchissais à la journée qui venait de s'écouler. Malheureusement, j'aurais voulu effacer celle-ci de mon esprit. Pourtant, je me remémorai tout à contrecœur.
Vers midi, j'avais reçu un SMS provenant d'un numéro que je ne connaissais pas. Il disait simplement « Faut qu'on parle, toutes les deux ». Évidemment, dans ma grande curiosité, j'avais répondu avec le fameux « qui c'est ? »
« Daisy. »
Oh putain.
Mon cœur et mon sang n'avaient fait qu'un tour en lisant ce nom. Comment avait-elle pu avoir mon numéro ? Est-ce que c'était William qui...
J'avais hésité entre l'insulter ou l'ignorer complètement, puis j'avais fini par lui demander ce qu'elle me voulait.
« Te parler. Viens chez moi à 19h, ce soir. » avait-elle répondu.
Pour qui elle se prenait à me donner des ordres, cette connasse ? J'avais dû mettre cinq bonnes minutes à me calmer avant de lui répondre que j'étais d'accord.
Je ne savais même pas pourquoi j'avais accepté, mais elle m'avait donné son adresse et, à la sortie du travail, j'avais demandé à un collègue de me déposer dans une rue un peu plus loin. C'était sur son chemin, après tout.
Il était dix-neuf heures quinze. Elle allait bien pouvoir patienter quelques minutes, si ce qu'elle avait à me dire était si important que ça. D'ailleurs, que pouvait-elle bien avoir à me dire qui mérite mon déplacement ? Un coup de téléphone aurait été plus simple, non ?
J'étais montée jusqu'à son appartement et j'avais toqué. Elle avait ouvert la porte, et l'odeur de patchouli qui s'en était échappée m'avait démoli les narines. Beurk. J'ai horreur du patchouli.
- Entre., avait-elle dit d'un ton si froid qu'il aurait pu provoquer une nouvelle ère glacière.
Je lui avais obéi, à contrecœur, en tentant de retenir ma respiration pour ne pas vomir, et en priant intérieurement pour que ce soit rapide.
- Tu peux t'asseoir, si tu veux., m'avait-elle proposé en désignant son vieux canapé-lit rongé par les mites.
- Non. Merci. Ça ira.
Je ne sais même pas comment tu fais pour dormir là-dedans...
Alors elle s'était assise, tandis que j'étais restée debout. J'allais commencer à m'impatienter quand elle avait fini par parler :
- Si je t'ai fait venir, c'est pour te demander quelque chose...
- Tu veux ma bénédiction, peut-être ?, l'avais-je coupé avec une voix qui traduisait la colère.
- Non, justement, je veux que tu nous foutes la paix.
- Nous..., avais-je relevé en insistant bien sur ce pronom. C'est nous, maintenant.
- Oui. William et moi, on est ensemble à présent, alors arrête de le harceler.
J'avais émis un rictus moqueur, un peu malgré moi, un peu consciemment, et avais poursuivi :
- Parce que tu crois vraiment que ça va durer ? Arrête un peu, ça fait un mois que vous êtes « ensemble » ! Qu'est-ce que tu crois qu'il irait faire avec une gamine comme toi, sur le long terme ?
- On s'aime !, avait-elle protesté sur le ton de la défensive et en se levant d'un bond de son hideux canapé.
J'avais fait un pas vers elle avant de poursuivre :
- Écoute-moi bien ma grande, vous vous connaissez depuis cinq mois tous les deux. Cinq mois. Comment peux-tu croire que cinq mois peuvent lutter contre quatre ans de relation ? On allait se marier, lui et moi. Se marier ! Tu sais ce que ça veut dire, ou bien la notion est trop floue pour toi ?
J'étais en train de sortir de mes gonds. À croire que rien que la présence de cette fille suffisait à me mettre hors de moi. J'avais essayé de respirer plus calmement, mais rien n'y avait fait.
Elle avait eu un petit sourire un coin qui avait déformé son visage, déjà pas très attrayant à la base, et avait lâché d'un ton sarcastique :
- Alors pourquoi est-ce qu'il t'a quittée juste avant le mariage ? Pourquoi est-ce qu'il est avec moi, aujourd'hui, plutôt qu'avec toi ?
Non mais je rêve, là. Elle essaye de me provoquer ?
- Il a eu peur, c'est tout., avais-je répondu d'une voix plus apaisante.
- Bon, c'est toi qui va m'écouter maintenant., avait-elle dit d'un ton qui se voulait menaçant, mais qui m'arracha surtout un fou rire intérieur.
Elle avait pointé un doigt vers moi, à la manière d'une mère qui gronderait son enfant, et s'était rapprochée d'un pas. Un bon mètre nous séparait tout de même, mais je l'avais trouvée beaucoup trop près. Elle empiétait sur mon espace vital.
Toujours avec sa voix soi-disant menaçante, elle avait poursuivi :
- S'il t'a quittée, c'est tout simplement parce qu'il en avait assez d'être avec une fille comme toi...
Une fille comme moi.
- ...et qu'il m'aime plus qu'il ne t'a jamais aimée, et qu'il ne t'aimera jamais !
Qu'est-ce que t'en sais, salope !
Pendant une minute, je n'avais rien répondu, la laissant faire son discours toute seule dans son coin, puis j'avais fini par répondre :
- Tu dis ça pour t'en convaincre ou tu le penses vraiment ?
Elle avait eu un mouvement de recul, sûrement à cause de la surprise, et j'avais poursuivi :
- Qu'est-ce que tu lui apportes de plus que moi, au juste ?
- Oh tellement !, s'était-elle exclamée.
Ta gueule.
- Je lui apporte tellement plus que tu ne l'as jamais fait en quatre ans ! Toutes les choses que tu n'as jamais su faire, les mots que tu n'as jamais su dire...
Arrête, putain, arrête...
- ... Je lui apporte le bonheur, tout simplement ! T'as été incapable de lui donner rien que ça !
Mais ferme-là, sale putain !
Je n'en pouvais plus.
Je l'avais laissée déblatérer toutes ces ignobles paroles en essayant d'y faire abstraction, mais je ne pouvais y échapper. Elles entraient dans ma tête, s'insinuaient et se rependaient en moi tel un douloureux poison, et je ne pouvais rien faire pour les arrêter.
Et il y avait sa voix, sa voix nasillarde immonde, qui me perçait les tympans, qui me donnait envie de mourir sur place ou de devenir sourde à tout jamais...
Elle n'arrêtait pas de répéter les mêmes phrases à la con, tout un mélange d'arguments niaiseux à base de « il m'aime, je l'aime, on est parfaits lui et moi... », et je ne supportais plus de l'entendre.
Alors, je m'étais jetée sur elle.
J'avais basculé tout mon poids contre son corps, la plaquant au sol avec une telle violence que j'avais même cru qu'une de ses vertèbres s'était brisée sous l'impact du choc.
Bien fait pour ta gueule.
Et j'avais serré mes mains autour de son cou.
J'avais serré si fort, de plus en plus au fur et à mesure que je laissais toute la rage sortir de moi, que j'avais cru que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Ses yeux qui me fixaient à la fois avec peur et incompréhension.
Elle avait essayé de parler, suffoquant au moindre essai, mais j'avais continué de serrer.
Je ne pouvais pas la lâcher.
Elle avait finalement arrêté de se débattre au bout d'un temps qui m'avait semblé à la fois durer une seconde et une éternité, après que ses yeux se soient révulsés dans leurs orbites, et après que son visage soit devenu rouge, bleu, et enfin très blême.
Mais même après cela, je n'avais pas desserré mon étreinte tout de suite.
J'avais mis quelques minutes de plus avant de me calmer ; puis j'avais enfin détaché mes mains de son cou, m'étais remise debout, et avais pu constater qu'elle ne respirait plus.
Merde.
Je ne sais pas exactement combien de temps j'étais restée comme ça, impassible, à juste regarder son corps allongé par terre. Une minute ? Une heure ?
Le temps m'avait semblé s'être soudainement arrêté.
Après, sans détacher mes yeux du cadavre, j'avais trouvé par je ne sais quel moyen la force d'appeler Léa. Comme si mon corps et mon subconscient avaient agi à ma place.
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Dommages collatéraux {réécriture à venir}
Mystery / ThrillerCassidy allait se marier, elle vivait un bonheur que rien au monde n'aurait pu venir entacher. Du moins, c'est ce qu'elle croyait. « Peut-on sombrer dans la folie simplement par amour ? » [Le système des "règles" à chaque chapitre est ins...