Règle numéro trois : rien n'arrive par hasard.

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« Love, love, look what you've done to my heart

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« Love, love, look what you've done to my heart. Oh I should have known from the start that you'd go and tear it apart, oh, and now you desert me. You never lose, you never fail, you always live to tell the tale ; you take me up you bring me down, without a touch without a sound... Love, love, why do I keep searching high and low ? You take me in your arms then let me go. Oh how long must it be until you ? Come and run back to me, can't you see I've got no release from the pain just to see you again ?
When will your love set me free ? When will you come back to me ? Oh, love... » Def Leppard.

Comme tous les jours depuis presque deux ans, ma journée de travail se termina à dix-neuf heures, et je n'en fus pas mécontente. Effectuer sans cesse les mêmes tâches ingrates ruinait mon énergie et mon moral, et mes collègues n'avaient pas manqué de faire des remarques quant à ma mine affreuse. J'avais pourtant tenté de cacher la misère avec de l'anticerne, mais visiblement, on pouvait lire ma nuit de la veille sur mon visage.
- La soirée a été mouvementée ?, avait même demandé l'une d'elles avec un clin d'œil allusif.
Si tu savais à quel point... avais-je pensé en feignant un sourire amical.
Elle pouvait croire ce qu'elle voulait, je m'en contrefichais. Pour l'instant, j'avais d'autres priorités.
L'entrepôt de Jeff était situé à environ quarante-cinq minutes en voiture du centre-ville, ce qui me faisait arriver pile à l'heure prévue. Bien entendu, j'aurais préféré rentrer immédiatement chez moi et m'écrouler de sommeil, mais « plus tard » me disait ma conscience, « plus tard. » Encore heureux que demain soit mon jour de congé...
Je fis une dernière bise à mes collègues et me précipitai sur le parking afin de rejoindre ma voiture. J'allumai immédiatement le contact, mis la clim, un peu de musique histoire de me maintenir éveillée, programmai le GPS et partis sans demander mon reste.

Quarante-cinq minutes et une bonne dose de Def Leppard plus tard, j'étais arrivée à destination.
L'entrepôt, ou l' « atelier », comme il aimait parfois l'appeler, était en réalité un vieux bâtiment désaffecté situé en pleine campagne dans lequel Jeff s'était installé cinq ans auparavant. Il y vivait en marge de la société et en complète autonomie, puisant son eau et son électricité gratuitement par je ne sais quel moyen ; mais peu importe, puisque cela fonctionnait.
Je me demandais s'il avait retrouvé un travail, depuis deux ans, ou si ses magouilles informatiques lui permettaient de vivre décemment. Enfin après tout, je m'en fichais pas mal, cela ne me concernait en rien...
Je garai ma voiture sur le bas-côté de la route, sortis la sacoche qui contenait l'ordinateur et le téléphone portable de mon coffre, et rejoignis l'entrepôt à pieds. C'était le seul moyen d'y accéder, étant donné que le bâtiment se trouvait en pleine nature, dissimulé à moitié par les hautes herbes et l'abondante végétation.
Jeff était assis dehors, accoudé à une table en bois, -sans doute une ville table de jardin récupérée je ne sais où-, une bière à la main.
-   Tu bosses dur à ce que je vois !, lui lançais-je.
-   Cassie !
Il se leva de sa chaise et vint me saluer avec une accolade, puis se recula pour me dévisager de la tête aux pieds et s'exclama :
- Tu as drôlement changé ! T'as perdu du poids, non ? Et t'as coupé tes cheveux ! T'es mieux comme ça, les cheveux longs ça ne t'allait vraiment pas...
Jeff, je ne suis pas venue pour qu'on parle chiffons là.
-   Je t'en propose une ?, me demanda-t-il en agitant la bière qu'il tenait dans sa main.
-   Non, merci, mais je veux bien un café si tu en as.
-   Pas de soucis, viens à l'intérieur on va regarder ce que tu m'apportes.
Nous entrâmes dans ce qui lui servait d'habitation, et je pus constater que presque rien n'avait changé depuis ma dernière visite. Des fils électriques traînaient toujours un peu partout, des néons étaient suspendus au plafond, un coin cuisine se trouvait dans un angle au fond à droite, et une grande table en verre recouverte de matériel informatique prônait au milieu de la pièce. La seule nouveauté, c'était le sol et les murs qui avaient été refaits, de même que les fenêtres, dont les vitres brisées avaient été réparées, et un grand lit double se trouvait là où auparavant était installé un vieux canapé en mousse à la couleur défraichie.
Tout cela se trouvait dans un seul et même espace, ce qui donnait l'impression à l'entrepôt d'être en fait un studio. Un très grand studio. La surface totale devait bien faire au moins cent mètres carrés...
Je m'étais toujours dit que Jeff aurait pu en faire une habitation magnifique, s'il avait voulu : avec plusieurs chambres, une grande salle de bain, une belle cuisine ouverte... Il s'agissait plus de mes rêves à moi, bien entendu, car le jour où je lui en avais parlé, il m'avait répondu qu'il préférait la simplicité et l'espace. Avoir peu de meubles permettait selon lui une meilleure circulation des personnes, et pas de murs, un meilleur partage des choses. Ce qui était ironique, étant donné qu'il vivait seul.
Mais c'était parfait selon sa vision, pas la mienne.
Jeff s'éloigna dans le coin cuisine afin de me préparer mon café, et m'invita à m'installer sur une des chaises se trouvant autour de la table en verre. Je lui précisai que je voulais un café bien noir, surtout pas décaféiné, et m'attablai.
J'ouvris la sacoche, en sortis l'ordinateur portable et le smartphone et les posèrent sur la table. Jeff revint quelques secondes plus tard avec mon café fumant dans un grand mug. Il s'assit en face de moi et me proposa une cigarette que j'acceptai. Tout en allumant la sienne puis en me passant le briquet, il demanda :
-   Alors, qu'est-ce que tu m'amènes là ?
Je tirai une latte de ma clope, recrachai la fumée et répondis :
-   Un ordi portable et un téléphone. Ils sont protégés par un mot de passe que je voudrais que tu enlèves.
Il attrapa le téléphone, alluma l'écran et l'observa quelques instants avant de dire :
-   Ça va, c'est juste un schéma, je ne devrais pas avoir trop de mal.
Tant mieux.
Il sembla réfléchir, se prit le menton entre le pouce et l'index, caressa son bouc et annonça :
-   Cinquante pour le téléphone, cinquante pour l'ordinateur. Prix d'ami.
Bah voyons.
-   Je les aurais quand ?
-   D'ici un jour ou deux, grand max.
J'écarquillai mes yeux, presque malgré moi.
Deux jours ? C'est beaucoup trop long ! Je tentai le tout pour le tout :
-   Si je double le prix, tu peux me faire ça pour ce soir minuit ?
Au tour de Jeff d'écarquiller les yeux.
-   Deux cents euros ?! C'est que ça doit être important dis donc...
C'était le moment de sortir mon mensonge :
-   C'est parce que c'est le téléphone et l'ordi d'une amie. Elle en a besoin pour le travail, tu comprends ?
Devant l'air incrédule de Jeff, je poursuivis :
-   Son ex est comme qui dirait rancunier, il s'est amusé à modifier ses mots de passe. On a passé des heures dessus sans rien pouvoir faire. Alors je lui ai promis de trouver une solution.
-   Tu dois beaucoup tenir à cette amie, dis-moi.
Si tu savais...
Je me forçai à ne pas rire et écrasai mon mégot de cigarette dans un cendrier se trouvant là. Jeff m'imita et me tendit la main.
-   J'accepte., dit-il. Je vais faire tout ce que je peux.
J'empoignai sa main pour celer notre deal avant de fouiller dans mon portefeuille et d'en sortir cent euros en liquide.
-   Je te donnerai le reste ce soir., précisais-je.
Jeff acquiesça.
J'observai ma montre : vingt heures quarante. Finalement, ce fut plus rapide que ce que j'avais cru, mais pas question pour autant que je m'attarde ici. Jeff avait du travail, et moi, je voulais dormir un peu. J'annonçai donc qu'il était temps pour moi de partir et lançai un « à tout à l'heure ! » en rejoignant la sortie.
Je trottinai jusqu'à ma voiture, allumai le contact, et démarrai en espérant être chez moi le plus vite possible.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant