Règle numéro trente-neuf : les ténèbres vivent en chacun de nous .

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« I can almost feel you breathing, like a whisper in my ear. I remember how you lost me, or how I lost you. I stare into the blackness, it's staring back at me. Why did I try to live without you ? I want you, I need you. Open up my eyes, I need your light again. Burning me Inside, I need your love again. I can feel our hearts collide, I can feel our hearts ignite. Open up my eyes, I'm yours again. Will I wake up from this moment ? Will I see you slip away ? Or is this a new beginning... Of Beauty and Rage ? Where did I lose my passion ? Where did I start to fade ? Without you my world is darkness, I won't let go again. » Red.

Mon procès se déroula, je crois, une paire de semaines après la visite destructrice de William.
Personne hormis mon avocat ne m'avait rendu visite, depuis, et les mots de Will n'avaient cessé de résonner dans ma tête et de se glisser dans mes pensées, m'assaillant et m'achevant de plus en plus chaque jour qui passait.
On était venue me chercher un matin, relativement tôt, pour m'emmener au tribunal où mon procès devait avoir lieu. J'avais oublié que c'était ce jour-ci. À vrai dire, je n'avais absolument aucune idée de quel jour nous étions, ni même du mois ou encore de l'année.
Au vu de la température extérieure et de la luminosité, je dirais que nous devions être fin Septembre, ou début Octobre, mais je n'avais aucun moyen d'en être certaine.
On m'avait fait revêtir une tenue spéciale pour l'occasion, sans doute histoire de paraître présentable, et l'on m'avait passé les menottes avant de m'emmener jusqu'à la voiture de police qui devait me conduire à la salle d'audience.
Je me souviens qu'à la sortie de la prison et à l'entrée du tribunal, il y avait eu une horde de journalistes qui mitraillaient de photos et de questions dans tous les sens, si bien que l'un des flics présents avait dû me protéger la tête avec un vêtement afin que l'on ne distingue pas mon visage.
J'avais déjà vu cela de nombreuses fois à la télé, que ce soit dans des films ou au journal, mais je n'avais jamais pensé qu'un jour, je vivrais la même situation en étant à la place de celui dont on dissimule le visage.
La salle d'audience était une petite pièce bien éloignée de ce que l'on peut voir dans certaines séries américaines. Pas de grande estrade sur laquelle est juché un homme ou une femme dont la tête est surmontée d'une perruque ridicule ; juste des bancs, quelques chaises, une barre en métal en arc de cercle au plein milieu, et une sorte de grand bureau auquel étaient installés le juge et les avocats de la défense.
Tout le monde avait été présent, de William, que j'avais à peine osé regarder de peur de m'effondrer une nouvelle fois, à Léa qui, il m'avait semblé, portait toute la compassion du monde dans ses yeux.
Même Malorie était présente, et elle s'était habillée tout en noir, comme si elle avait assisté à un enterrement.
Au moment de rejoindre la place qui m'était attribuée, sur une vulgaire chaise en plastique, juste devant le juge et les jurés, Maître Beaujardin m'avait encouragée d'un geste et avait pris place à côté de moi avant que tout ne commence.
J'avais eu l'impression d'assister à mon procès de l'extérieur, ce qui était tout de même assez étrange. J'étais aux premières loges, au centre de toutes les attentions, et pourtant, c'était comme si j'en avais été entièrement détachée.
Je ne pouvais rien faire ni dire pour ma défense, je devais laisser parler les autres et mon avocat à ma place. J'étais là, physiquement du moins, mais ma présence semblait ne rien avoir d'indispensable.
Plusieurs témoins furent appelés à la barre, tels que Malorie, Léa, William, et même Jeff, et les preuves matérielles furent présentées contre moi.
Après avoir perquisitionné ma maison, les flics avaient fini par mettre la main sur le coffre-fort, et y avaient découvert tous les objets dont j'aurais dû me débarrasser si j'avais eu un peu plus de jugeote et d'intelligence que cela.
Le Beretta, dans lequel il manquait une balle, le téléphone de Mathilde et celui de Daisy, ainsi que l'ordinateur portable de cette dernière. Bien que les données avaient été nettoyées par les bons soins de Jeff – qui d'ailleurs, avait avoué m'avoir aidée à cela – la police était parvenue à récupérer et restaurer les fichiers que j'avais pourtant supprimés, et William avait reconnu le téléphone et l'ordinateur comme appartenant bel et bien à Daisy, ce qui avait eu pour effet d'accentuer encore plus ma culpabilité.
Mais ce n'était pas tout.
La police n'avait pas seulement fouillé le coffre, mais avait dû retourner l'intégralité de la maison, puisqu'ils avaient mis la main sur le sac de Daisy, que William avait, encore une fois, identifié comme étant à elle, et qu'ils avaient également découvert la scie circulaire avec laquelle j'avais soigneusement découpé le corps de Mathilde.
Bien que je l'avais nettoyée scrupuleusement, il était resté dessus une goutte de sang, une minuscule goutte de sang qui avait séché et que la police scientifique avait pu se faire une joie d'analyser. En comparant l'ADN avec celui de « la disparue », ils en étaient arrivés à la conclusion qu'il s'agissait bel et bien du sang de Mathilde, et que le fait que je possède en plus de cela son téléphone dans mon coffre-fort ne pouvait en rien être un hasard.

Tout s'était enchaîné très vite, trop vite, et j'avais confondu chacun des procès qui avaient eu lieu, puisqu'ils avaient été séparés en trois audiences : un pour le meurtre de Daisy, un pour celui de Mathilde, et un autre pour le meurtre d'Aurélie.
En ce qui concernait cette dernière, des preuves étaient venues s'ajouter, en plus de la vidéo m'accusant très clairement de l'avoir menacée avec une arme pour la forcer à ingurgiter une quantité d'alcool impressionnante. Cette vidéo avait d'ailleurs été diffusée lors de l'audience, et avait heurté nombre des gens présents dans la salle.
Le collier que le cadavre d'Aurélie portait au cou avait été très clairement identifié comme étant à moi, en comparant avec de nombreuses photos où je le portais, et ces cons de flics y avaient même vu un genre de signature. Si j'avais su, j'aurais tout bonnement récupéré ce qui m'appartenait.
Léa avait été appelée à la barre à ce moment-là, et elle avait clairement identifié le collier comme étant le mien, et certifié qu'il s'agissait d'une pièce unique, mais elle n'avait pas omis de préciser que je l'avais perdu quelques mois plus tôt, et qu'Aurélie avait très bien pu tomber dessus par hasard, ou même le recevoir de la part de William.
Léa était la seule qui m'avait défendue, et fort heureusement, aucune preuve ni aucune charge n'avaient été retenues contre elle en ce qui concernait l'affaire Daisy.
Mis à part l'histoire du collier, qui avait déjà fait fortement pencher le verdict des jurés en ma défaveur, il s'était trouvé que l'un de mes cheveux, un malheureux cheveu, avait atterri sur le sol de la salle de bain, juste entre le meuble vasque et la baignoire, preuve irréfutable que j'avais été présente sur les lieux.
Face à ce nombre incalculable de preuves et de témoignages, mon avocat avait eu bien du mal à assurer ma défense et avait même tenté de me faire plaider la folie.
Entre passer le restant de tes jours dans un hôpital psychiatrique ou dans une prison délabrée, que préfères-tu, Cassidy ?
Je ne pouvais plus rien faire pour tenter d'échapper à ce qui m'attendait, plus rien.
Finalement, la sentence était tombée sans grande surprise. Je fus déclarée coupable de toutes les accusations portées contre moi, et écopai d'une peine de prison à perpétuité.
Quand la juge présente à ce dernier procès frappa avec son maillet pour appuyer la condamnation et clôturer l'audience, mon âme quitta mon corps.
Un mouvement de protestation et de soulagement à la fois s'éleva de la foule, et je croisai brièvement les regards de Léa et de Malorie, avant qu'une policière ne vienne pour me reconduire jusqu'à la voiture qui allait me transférer au centre de détention pour femmes qui se trouvait en périphérie de la ville, non loin de celui où j'étais allée de nombreuses fois rendre visite à Maël.
Est-ce que lui viendrait me rendre visite également ?

L'endroit était froid et aussi accueillant qu'une jungle remplie d'animaux venimeux près à nous piquer et nous mordre au moindre mouvement. Des pans de mur se décollaient par endroits, l'humidité rendait l'air difficilement respirable et désagréable, et des remarques libidineuses s'élevèrent des autres cellules tandis que je traversai, escortée par une gardienne ayant l'allure d'une bodybuldeuse, le couloir qui devait me mener à la pièce dans laquelle j'allais dépérir à partir de maintenant.
La gardienne déverrouilla la porte qui dévoila l'intérieur de la cellule. Des murs peints en jaune pisse, froids et impersonnels, une fenêtre minuscule qui faisait à peine passer la lumière du jour, deux petits lits superposés bordés façon militaire, et un espace qui devait être celui des commodités.
Alors, c'était là que j'allais passer le restant de mes jours ?
Un sentiment extrêmement lointain, que j'assimilai à de la tristesse, s'installa quelque part au plus profond de mon cœur, mais je le sentis à peine. C'était comme s'il était venu m'effleurer pour repartir aussitôt.
Légèrement poussée par la gardienne, je fis un pas en avant et entrai dans la cellule. L'odeur de renfermé y était nauséabonde.
J'essayai de réagir, de ressentir quelque chose, n'importe quoi. Du dégoût, de la révolte, de la peur... Mais rien. Rien ne sortit de mon corps, aucune émotion ne se manifesta en moi, et même quand, dans un bruit sourd, la porte se referma derrière mon dos, annonçant que je n'allais plus jamais pouvoir profiter d'une longue balade au soleil couchant un soir d'été, je ne réagis pas.
Si tout avait été à revivre, je crois bien que je n'aurais pas hésité à foncer une seule seconde. Bien entendu, j'aurais aimé que les choses se passent différemment, et j'aurais certainement fait de meilleurs choix, mais j'avais néanmoins une profonde certitude : je ne regrettais rien.

Dommages collatéraux {réécriture à venir}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant