Chapitre 34: Le voleur dans la nuit

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J'ai toujours aimé regarder le monde à travers une vitre quand une voiture roule et grâce à cette habitude j'ai pu voir à quel point la vie peut être belle. Je me rappelle de ce jour où les nombreuses critiques que je recevais m'atteignaient plus qu'elles ne le font maintenant. Tout était nouveau et j'étais encore en train de grandir, de me trouver moi-même, d'apprendre mes valeurs et mes principes. J'étais alors plus vulnérable, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de découvrir les cruautés du monde alors tout était beau. Mais ce jour-là précisément, ma notoriété avait beaucoup grandie et cela s'était fait si vite qu'en fin de compte j'avais encore beaucoup de choses à apprendre. Comment vivre ma renommée, comment la gérer, j'étais encore si jeune et nouvelle dans le milieu. Je n'avais pas encore compris qu'il fallait parfois ignorer certaines choses.

Alors cette après-midi-là j'avais passée presque dix minutes de trajet à lire des dizaines d'insultes sur moi, des insultes qui se limitaient parfois à un simple "t'es grosse", mais qui faisaient pourtant tant de dégâts sur ma personne. Et ces deux mots multipliés par cent étaient tellement durs à avaler, mais je ne m'arrêtais pas pour autant, je continuais. Non pas parce que je suis secrètement masochiste, mais parce que j'étais juste curieuse, curieuse de savoir ce que le monde pouvait penser de moi et j'ai été confrontée à la bêtise humaine, à la jalousie. Sur le moment, la peine en moi avait été si énorme que je n'avais ressenti que du vide en moi. Un simple vide où l'amour que les autres pouvaient me porter avaient disparu de ma connaissance. Ce vide avait été accompagné par la solitude, une solitude si dévastatrice que j'avais été prise d'une crise d'angoisse. Vous savez ce sentiment que personne ne vous aime en fin de compte, que les gens sont présents dans votre vie par dépit ou par besoin d'autre chose. Ce sentiment que personne n'appréciera votre talent ou votre personne, ce sentiment qui picote votre cœur au point que vous ayez la sensation que celui-ci tombe dans votre estomac. Et ce sentiment vous dit à ce moment précis que ce manque d'amour envers les autres persistera éternellement et vous y croyez. Parce que les insultes vous auraient rendu faible et durant un cours instant vous les aviez laissées vous atteindre plus que vous ne l'auriez dû.

Et le fait que ce jour-là je sois seule dans une voiture avec un simple chauffeur dont je ne connaissais même pas le nom puisqu'il avait été embauché par Normani avait intensifié ce vide d'amour et cette solitude. J'étais venue à la conclusion que celui-ci était là parce qu'il n'était que mon employé, il avait juste besoin de mon argent pour nourrir sa famille. Normani n'était là que pour sa carrière et ainsi de suite. J'avais trouvé une raison pour justifier chaque présence de mon entourage qui se limitait évidemment à un besoin ou un dépit.

Je pleurais mais ça m'importait peu. Les larmes pouvaient coulées abondamment sur mes joues, mouiller mon pantalon, ruiner mon maquillage et me brouiller la vue, je m'en foutais. Je me foutais de savoir qu'une maquilleuse avait passée près d'une heure sur mon maquillage ou de savoir que ma tenue devait être irréprochable pour les interviews qui m'attendaient. J'étais malheureuse et j'avais besoin de cinq minutes pour moi, cinq minutes pour pleurer et extérioriser la peine que j'avais en moi. Une peine que personne n'avait pu prévoir ou remarquer.

Mon regard brumeux avait capté le vide, la vitesse, un sentiment de fuir le monde, de s'en échapper. Et tout cela avec qu'un simple regard à travers une vitre. Je ne pensais plus à rien, j'avais coupé mon esprit de tout. Je ne faisais que laisser mon regard couler sur le paysage qui filait derrière nous, ou était-ce la voiture qui filait à travers le paysage?

J'avais fait de mon chagrin un problème second, qu'un simple détail pendant que je laissais mon cœur réagir à cette vitesse par des battements irréguliers, mais si plaisant. Je me laissais emporter comme la musique pouvait le faire une fois que je me mettais à chanter. Alors je mettais mise à fredonner et le résultat n'avait été que des plus réjouissants. Ma voix était rocailleuse par mes pleurs et je ne prêtais pas attentions à si je chantais faux ou non, il n'y avait pas de spectateurs, je chantais pour moi.

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