Partie 25 : Retour au bercail

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Okiri était assis à califourchon au dessus de Kea et la regardait dans le blanc des yeux.

— Courbette, boule de poils, le salua la jeune femme.

— Brindille ?

Il était étonnant que l'Akkouq l'appelle comme cela mais pourquoi pas, après tout. 

Puis elle entendit quelqu'un se déplacer à gauche du lit dans lequel elle reposait. Elle tourna la tête et découvrit Sytry qui accourait à ses côtés. Voilà qui était déjà plus logique.

— Brindille ! Mon diable, j'ai cru que tu étais morte ! s'écria le jeune démon.

Il la serra de toutes ses forces dans ses bras, Okiri suivant le mouvement, dans un câlin qui aurait pu être très agréable si elle n'était pas déjà percluse de douleurs.

— Aaargh...

— Oh ! Désolé, j'avais oublié que tu t'étais fait éventrer pendant une seconde.

Kea se souvint alors de l'incident avec les Caucases. Elle posa le menton contre sa poitrine, essayant de se faire une idée des dégâts. Elle passa ses mains sur son ventre mais ne trouva aucune plaie. Rémmona ou un des soigneurs du palais avait dû là guérir du plus gros de ses blessures.

— Oui, c'est vrai que c'est plutôt anecdotique comme épisode, déclara Kea pince sans rire.

— Rémmona t'a soignée, elle t'a veillée consciencieusement tout le long de ta guérison, lui révéla Sytry. Elle est partie se reposer lorsqu'elle a compris que tu irais mieux.

— Il faudra que je pense à la remercier dans ce cas.

— Ce que tu peux faire dès maintenant, ma chouquette, dit une voix en provenance de l'entrée.

Rémmona venait d'arriver dans l'infirmerie, un regard amène sur le visage. Elle tenait un bol dans ses mains.

— Courbette, Rémmona. Et... merci, lui dit Kea reconnaissante.

— Je t'ai apporté un bol d'ambroisie.

Kea fit la grimace à cette nouvelle. 

La boisson était imbuvable, elle était gluante et de couleur verte, à chaque fois qu'elle posait ses yeux dessus, elle avait des hauts le cœur. 

Quant au goût...c'était comme si on avait écrasé une courgette et un chou-fleur, qu'on avait ensuite mélangés à de l'huile moteur à laquelle on avait préalablement ajouté un kilo de sucre blanc. Infecte. Infecte, mais excellente pour redonner des forces à quelqu'un qui serait passé sous un train.

L'ambroisie accélérait la guérison, mais elle permettait surtout de se remettre d'aplomb pendant une courte période. Et ce sursaut d'adrénaline, Kea en avait besoin dans l'instant présent. 

Ses heures étaient comptées, elle devait trouver Yuan au plus tôt et l'avertir du risque qu'il encourait désormais. Il était à peu près midi et elle avait déjà trop perdu de temps.

Elle accepta donc le bol que lui tendait Rémmona et but tout d'un trait en se bouchant le nez.

— Il faut que je trouve Yuan au plus vite. Les heures que j'ai perdues à être couchée ici vont nous être fatidiques, annonça-t-elle.

Sytry et Rémmona la regardèrent comme si une deuxième tête lui avait soudain poussé. Okiri aussi, mais dans son cas c'était plutôt constant comme expression.

— Les heures ? Brindille... cela fait deux jours que tu es alitée, lui révéla Sytry.

— Quoi ?! s'étouffa la jeune femme.

Le borborygme qui s'échappa d'elle dut paraître assez violent, car Okiri se retrouva en une seconde agrippé à Rémmona, les jambes et les bras lui encerclant la taille.

Le sang de Kea venait soudainement de déserter tout son visage. 

Deux jours... Il en fallait seulement trois au tyran qu'elle fuyait pour parvenir jusqu'à Edrahel depuis son propre royaume.

La jeune femme repoussa les draps de son lit et entreprit de se lever.

— Je dois vraiment trouver Yuan, insista-t-elle.

— Fais attention à toi, mon cachou, tu n'es pas encore totalement remise et l'ambroisie ne fait pas de miracles, la rabroua gentiment Rémmona.

Kea cherchait ses vêtements du regard lorsqu'elle remarqua à quel point Sytry avait l'air abattu. Elle avait mis cela sur le compte de la fatigue au départ, mais maintenant qu'elle y prêtait davantage attention, elle savait que quelque chose clochait.

— Sytry ? Qu'est-ce qui ne va pas ? s'inquiéta-t-elle.

— Lorsque vous êtes rentrés au palais, Yuan a perdu les pédales, lui révéla son ami sans se faire prier. 

Le pauvre semblait avoir pris sur lui pour ne pas exprimer plus tôt ce qu'il avait sur le cœur.

— Il t'a vu t'écrouler de ta chimère et je crois que c'est la cerise qui a fait déborder le gâteau. Il s'en est voulu terriblement de ne pas avoir vérifié si tu avais été blessée avant de te ramener au palais. Il est devenu comme fou.

Sytry baissa la tête, visiblement très affecté par ce qu'il s'apprêtait à dire à Kea.

— Il a fait enfermer Zaebos. Il lui reproche sa trahison et ne laisse personne approcher sa geôle. Mon diable, Kea, j'ignore dans quel état il est, je ne l'ai pas vu depuis deux jours.

La jeune femme fût accablée par cette nouvelle. C'était sa faute si Zaebos en était là aujourd'hui.

— Sytry... je suis vraiment désolée. Je te promets de faire de la libération de Zaebos ma priorité.

Okiri vint réconforter Sytry, et Kea en profita pour quitter la pièce après avoir enfilé des vêtements qu'une bonne âme avait pris soin de lui préparer et de disposer à l'entrée de la pièce. 

Elle était désormais bien décidée à trouver le Seigneur démon et à réparer ses torts.


Kea arriva devant les appartements de Yuan, la marque sur son poignet la brûlant toujours autant.

 Elle y jeta un coup d'œil, désemparée. Son ennemi juré avait su qu'elle était vivante à la minute où elle avait failli mourir. Dit comme cela, c'était plutôt paradoxal.

Son ancien Maître avait sans doute dû ressentir une vive douleur au moment où elle était passée au plus près de la mort, rompant par la même occasion le charme qui avait permis à Kea de lui échapper ces dernières années. Et vu la douleur qu'elle éprouvait en ce moment même, ce monstre n'avait pas perdu de temps à tenter de la localiser.

Elle observait ce petit trident qui semblait si inoffensif et qui avait pourtant été si destructif, puis elle se décida à entrer.



***

Je m'aperçois que cette partie est super courte, et comme c'est week-end, je vous en mets une autre d'affilé !

Les Démons d'Aderoth (Edité : Valala Drakht)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant