Partie 17

10.5K 1.3K 47
                                    

Media : Imagine Dragons - Daemons - repris par Nightcore

Pour ceux qui ont loupé l'info, c'est donc la 3ème partie du jour (vérifiez bien d'avoir lu les autres avant)


Plus tard dans la soirée, Kea contemplait la vue accoudée au balcon de la chambre. 

Le ciel d'Aderoth était magnifique la nuit, semblable aux nébuleuses que l'on pouvait observer grâce aux clichés du satellite Hubble. Lorsqu'elle était encore sur Terre, elle s'était prêtée à rêver devant ces formations de gaz et de poussière interstellaire, elle n'aurait jamais cru pouvoir en contempler un jour de ses propres yeux.

Il n'y avait jamais de nuages dans cet univers parallèle où l'horizon se tenait plus éloigné que sur la planète bleue. Cela permettait une vue dégagée sur des kilomètres et des kilomètres. Surtout lorsque nous nous trouvions dans un royaume aussi désertique que celui d'Edrahel, dont les seuls reliefs alentours provenaient des dunes de sable bleu qui l'entouraient. 

Les nébuleuses n'étaient pas la seule vision enchanteresse qui émanait du paysage nocturne. Plus bas, juste au dessus des villes, de minuscules aurores boréales semblaient planer un peu partout au dessus des toits des maisons. Elles apparaissaient chaque fois qu'un démon faisait appel à la magie mais c'était la nuit qu'elles étaient le plus visibles.

Aderoth était un monde qui possédait son propre cosmos, ses propres règles. 

Kea était perdue dans ses pensées, se remémorant son combat avec le démon caméléon et réfléchissant à sa prochaine tentative d'évasion, lorsqu'elle la sentit. Une vague d'énergie comme elle n'en n'avait pas connu depuis des années.

Elle repensait alors au téléphone portable qui lui avait échappé des mains quelques soirs auparavant, lorsqu'un bruissement d'ailes suivi d'un courant d'air frais la sortit de ses rêveries.

Yuan vint se poser à côté d'elle sur le balcon, ses ailes disparaissant à la minute où il posait pied à terre.

— Lorsque je vous ai vu pour la première fois au bal, réellement vu, sous votre véritable apparence, j'étais certain de vous avoir déjà aperçu quelque part, lui révéla le démon gris-argent. Je n'arrivais pas à me souvenir où jusqu'à ce soir. Je pense que ceci vous appartient.

Yuan lui tendit un petit appareil noir, visiblement cabossé sur un côté. L'écran du téléphone portable était désormais allumé et montrait la photo d'une famille heureuse et riant aux éclats, une famille au milieu de laquelle se trouvait Kea, souriant comme jamais.

La jeune femme ne put contenir son émotion en découvrant cette image qu'elle pensait ne jamais revoir. 

La vague d'énergie finirait bientôt par s'évanouir et la photo disparaîtrait de nouveau pour une période incertaine. Mais le simple fait d'avoir pu contempler leurs visages une dernière fois emplissait son cœur de joie, c'était un vrai réconfort pour son âme meurtrie.

Elle n'osait plus détacher ses yeux du petit écran, désirant profiter de ce souvenir jusqu'à la toute dernière seconde.

— Je croyais qu'il avait été cassé, murmura-t-elle.

— Il a simplement perdu sa coque dans sa chute, lorsque vous l'avez fait tomber, lui apprit Yuan.

Kea réalisa alors que Yuan savait. Il avait compris qu'elle était responsable du vol dont il avait été victime quelques nuits plus tôt. S'il ne possédait pas déjà suffisamment de raisons de lui en vouloir, cette fois-ci c'était cuit.

— J'ai toujours su que c'était vous, lui révéla-t-il comme s'il lisait dans ses pensées. J'avais déjà des doutes après m'être rappelé vous avoir aperçue au musée, regardant cet objet si fixement. Mais en vous voyant ce soir là au bal, j'ai compris. C'est pour cela que je vous ai approchée au départ, j'avais l'intention de vous faire avouer. Puis les événements qui ont suivi m'en ont empêché. Il faut avouer que ce n'était plus une priorité après coup.

— Vous n'auriez pas dû vous trouver là, se défendit calmement Kea. On s'était assuré que personne ne devait être présent dans la salle à ce moment précis.

— Mais vous avez été imprudents, vous avez oublié d'observer le ciel.

Après qu'ils aient commis leur larcin, Sytry avait appris à Kea que Yuan était passé par la fenêtre du toit donnant sur la première salle du musée. Voilà comment il était arrivé aussi vite auprès d'elle.

Lorsqu'ils avaient fait leurs repérages, ils n'avaient jamais pensé à regarder en l'air, ils étaient tellement concentrés sur les allées et venues des gardes qu'ils avaient négligé le reste. Une véritable erreur de débutant.

— Je ne vous remercie pas pour le coup de pied dans le nez, au passage, rouspéta Yuan.

— Ni moi pour la cheville foulée, riposta-t-elle.

Rémmona avait eu l'obligeance de bien vouloir la lui guérir. Heureusement, parce que Kea ne se serait pas vue assister au bal en boitant comme un canard.

— D'ailleurs, que faisiez-vous à errer dans le musée en plein milieu de la nuit ? reprocha-t-elle à Yuan reportant la culpabilité sur lui.

— Je m'y rends chaque soir, entre deux tours de gardes. C'est mon petit plaisir quotidien, j'affectionne particulièrement ma collection, dit-il fièrement.

Voilà qui expliquait le temps de battement. Yuan ne laissait décidément rien au hasard. Kea se promit de ne plus faire l'erreur de le sous-estimer.

Mais ce qu'elle ignorait c'était que si le Seigneur démon se rendait au musée chaque soir, c'était surtout dans l'espoir qu'une vague d'énergie rallume enfin ce petit appareil qu'il avait découvert il y a maintenant sept ans. 

La première fois qu'il avait vu le fond d'écran s'allumer, il était resté en admiration devant le sentiment de joie pure qui se dégageait de cette famille qui paraissait si soudée. Et cette jeune femme blonde, qui souriait de toutes ses dents au milieu de ce qui semblait vraisemblablement être les membres de sa famille. Yuan la trouvait magnifique. 

Pourtant, maintenant qu'il regardait Kea, il n'aurait jamais pu imaginer la voir sourire à nouveau de cette façon, elle paraissait presque éteinte. Comme si elle avait perdu une part d'elle-même.

La vague d'énergie reflua et l'écran redevint noir. 

Kea poussa un profond soupir, levant un regard empreint de tristesse vers Yuan.    

— Vos yeux... il y a tant de douleur en eux, ne put s'empêcher de constater le Seigneur démon. Ils semblent hantés. J'y retrouve les mêmes tourments que chez les démons qui sont sur le déclin, ceux qui ont vu tant de souffrances au cours de leur vie qu'ils ne peuvent plus en supporter davantage. C'est trop de poids pour une humaine de votre âge.

Kea lui rendit le petit appareil à présent éteint, et retourna dans la chambre sans un mot. L'objet était plus en sécurité avec le Seigneur démon de toute façon, et elle savait qu'il continuerait à en prendre soin.

Yuan regarda Kea disparaître à l'intérieur de sa chambre et l'incompréhension le gagna. 

Pourquoi une humaine dont la vie semblait de toute évidence si heureuse à première vue, aurait fait le choix de tout laisser derrière elle ? Cela n'avait aucun sens. Il avait dû se produire une chose épouvantable pour la mener à prendre cette décision irrévocable.

Le seigneur démon savait que les humains se montraient bien trop souvent égoïstes et incapables de se satisfaire des petits plaisirs de la vie... ils étaient facilement manipulables lorsque la richesse ou la gloire venaient peser dans la balance, les démons en profitaient d'ailleurs prodigieusement... mais il ne pouvait se faire à l'idée qu'une femme aussi choyée que Kea semblait l'avoir été, ait décidé de tout abandonner pour de telles futilités. Ou alors, la jeune femme cachait bien son jeu.


***

Voilà voilà, une partie assez courte, donc, mais je préférais l'isoler parce que c'est une des premières scènes qui m'est venue avant d'écrire l'histoire.


Les Démons d'Aderoth (Edité : Valala Drakht)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant