(Media : Dear God - Sydney Wayser)
***
La porte de la chambre s'ouvrit d'un seul coup, venant s'abattre contre le mur avec fracas et laissant apparaître sur le seuil un Cholok affolé. Il se trouvait dans un état d'énervement et d'anxiété manifeste.
Le démon reptilien accourut auprès de Kea et, sans perdre de temps, la traîna de force dans les couloirs comme s'il avait le diable aux trousses.
— Dépêche-toi ! Nous devons-fuir, Manakel nous a retrouvés, s'alarma-t-il de plus en plus paniqué.
Le sang de la jeune femme se glaça dans ses veines.
Cholok l'emmena dans les jardins d'où il voulut prendre son envol, mais une force ténébreuse semblait l'en empêcher, le maintenant cloué au sol.
Kea en profita pour prendre enfin le temps d'observer les lieux, et elle découvrit le spectacle d'horreur et d'épouvante qui l'entourait. Une scène morbide des plus sanglantes se dressait devant-elle.
Des cadavres jonchaient le sol, pas forcément tous entiers, si bien qu'elle avait maintenant du mal à distinguer la véritable couleur de l'herbe sous ses pieds. Des membres arrachés et des flaques de sang se répandaient un peu partout autour d'eux, lui soulevant le cœur.
Alors que le regard de Kea se perdait avec effroi dans ce carnage, elle crut distinguer une patte séparée du reste de son corps à quelques pas de là. Une patte d'ours plus précisément.... Ses yeux poursuivirent leur chemin et rencontrèrent le corps de Balaam qui gisait un peu plus loin, son visage inanimé couché aux pieds de son ennemi.
Après toutes ces années, il était là, se dressant victorieux devant elle et toujours aussi resplendissant.
La jeune femme releva la tête peu à peu, ses yeux remontant le long de cette silhouette qu'elle connaissait si bien : ces jambes solides que seul un petit pagne blanc venait dissimuler par endroits, ce torse musclé qu'une armure des plus fines moulait parfaitement, cette couleur de peau d'un violet hypnotisant, et ces ailes...des ailes immaculées qui se dressaient fièrement derrière son dos de façon presque céleste et que Kea savait des plus douces, elles étaient faites de plumes. C'étaient les ailes d'un ange.
Un ange de la mort, voilà ce à quoi renvoyait l'image de Manakel. Et le rouge du sang de ses victimes qui dégoulinait le long de ses ailes, donnant une teinte rougeâtre à ses plumes si blanches, ne venait que confirmer cet état de fait.
Elle déglutit laborieusement et rencontra enfin ce visage qu'elle redoutait tant, ce visage qu'elle n'avait pas revu depuis un peu plus d'un siècle, ce visage aux traits si délicats, mais ce visage dangereux qui la fixait de ses yeux primitifs avec une expression des plus sauvages. Et elle fut horrifiée. Elle eut peur de se perdre de nouveau dans ce monde brutal et cruel qu'il semblait lui assurer comme la plus terrifiante des promesses.
— Cléophée.
Tout son être vibra d'effroi. Ce simple mot dans la bouche de ce monstre fit chanceler Kea, lui coupant le souffle dans l'instant et lui arrachant un gémissement au passage. Elle avait l'impression que sa présence à elle seule l'empêchait de respirer. Elle ne pouvait pas le regarder mais elle ne pouvait pas détacher son regard non plus. Il était tellement puissant, c'en était affreusement douloureux.
Une larme écarlate coula sur sa joue, ses yeux saignant sous l'effet de cette apparition foudroyante.
Kea sentit Cholok esquisser un mouvement à ses côtés, il avait sorti un couteau de sous sa veste et l'appuyait à présent contre la peau de la jeune femme au niveau des côtes.
— Fais couler ne serait-ce qu'une goutte de son sang et je peux t'assurer que tu connaîtras les pires souffrances que le monde ait jamais portées. Tu regretteras cet acte jusqu'à la fin de tes jours. Des jours qui ne finiront pas avant des millénaires, parce que ne va pas croire que je serai suffisamment clément pour te tuer... Non, je me contenterai de t'enfermer dans une geôle de douleurs, te coupant de tout ce qui t'est cher. Et c'est seulement lorsque tu seras le plus isolé et le plus vulnérable, que je t'écartèlerai, que je te tailladerai, et que je te couperai en tant de morceaux que tu ne reconnaîtras même plus toi-même les parties de ton corps auxquelles ils auront appartenu. Sois-en certain, insecte... je veillerai à ce que tu ne meures jamais des sévices que j'infligerai à ton corps et à ton esprit. Je te laisserai récupérer uniquement pour mieux te torturer par la suite, encore, et encore, et encore... Et ton âme ne connaîtra jamais le repos.
Alors qu'il menaçait Cholok, Manakel n'avait pas lâché Kea du regard une seule seconde. Le démon reptilien qui lui faisait face ne méritait pas son attention, il n'avait d'yeux que pour sa bien-aimée, cette femme pour qui il détruirait le monde.
— Écarte-toi de mon chem...
Cholok n'eut pas le temps de finir sa phrase, Manakel venait de le réduire en pièces d'un claquement de doigts. Il attendait ces retrouvailles depuis bien trop longtemps pour qu'elles ne se trouvent interrompues par de la vermine dans son genre.
Kea ferma les yeux, souhaitant ainsi leur épargner l'horreur de toute cette boucherie. Elle voulait croire qu'en faisant disparaître cette scène de sa vue, elle pourrait peut-être échapper au choc de la réalité. Elle voulait croire que tout cela n'était qu'un rêve. Qu'elle se réveillerait bientôt dans les appartements de Yuan, son seigneur démon étendu à ses côtés, la couvant de son regard amoureux. Elle voulait y croire, elle voulait tellement y croire.
Mais un souffle chaud vint lui caresser le dessus du crâne, lui apprenant que Manakel était maintenant tout près d'elle, presque collé contre sa peau.
Il avait suffit d'un rien pour que son pire cauchemar redevienne réalité. Un siècle qu'elle le fuyait... elle n'avait pas peur, non... elle était terrifiée.
— Ouvre tes yeux Cléophée, chuchota-t-il.
Mais elle ne le pouvait pas. Car si elle les ouvrait alors tout basculerait, et son monde s'écroulerait de nouveau devant elle.
— Ouvre tes yeux, gronda-t-il.
— Non, gémit-elle dans un murmure. Je ne peux pas.
— Ouvre tes yeux et contemple ton époux, Cléophée, vois ce que tu as fait de lui !
Kea prit une profonde inspiration, puis elle sentit une force obscure venir lui soulever péniblement les paupières, comme si chacune d'elles pesait une tonne. Elle ouvrit enfin les yeux complètement et elle se perdit dans les ténèbres.
Elle sut alors qu'elle était condamnée.
Et au moment où s'éteignait en elle la dernière petite lueur d'espoir qu'il lui restait, il se passa quelque chose d'incroyable et de totalement imprévisible, la jeune femme disparut.
***
Voilà, voilà, première rencontre avec Manakel. Qu'avez-vous pensé de celui qui a fait de la vie de Kea un enfer ?
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Les Démons d'Aderoth (Edité : Valala Drakht)
FantasyRomance paranormale. Kea vit une existence paisible à Edrahel, royaume démon d'Aderoth. Ses facultés d'humaine lui permettent des prouesses qui lui sont très utiles dans son activité de cambrioleuse. Aidée de son fidèle ami Sytry, elle passe ses...