Partie 33 : Cholok n'a rien d'un chocolat

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Kea prenait calmement son petit déjeuner, un sourire n'ayant pas quitté son visage de toute la matinée.

— Attention, Brindille, tu vas finir par te faire une crampe à la mâchoire à force, la taquina son ami.

Sytry venait de finir son assiette et était maintenant totalement concentré sur l'expression de la jeune femme. En dix ans, il ne l'avait jamais vu aussi heureuse et épanouie. 

Il la regardait avec tendresse et remerciait intérieurement Yuan de la combler de la sorte. Son passé était si sombre, il se réjouissait qu'elle connaisse enfin autre chose que la mort et la désolation.

— Est-ce que Zaebos est parti avec Yuan ? l'interrogea-t-elle.

Lorsqu'elle s'était réveillée, le Seigneur démon s'était déjà éclipsé, soucieux de mettre la main sur Amiziras le plus rapidement possible.

— Oui, ils ont quitté le palais à l'aube, je crois qu'Elwenn les accompagne. J'ai bien peur que nous ne soyons livrés à nous même ce matin, ma brindille. Alors, qu'est-ce que tu dirais d'emmener ce gros plein de poils faire le tour des pâtisseries de la ville ? demanda Sytry, reportant son regard sur Okiri.

L'Akkouq était assis sur la table et avait entreprit de faire rentrer des sortes de gousses de vanille dans chacune de ses narines. Cela le rendait fort ridicule. 

— Je ne sais pas trop Sytry, je t'avoue que je n'ai pas vraiment la tête à sortir pour le moment. Manakel sera bientôt là et je n'arrive plus à penser clairement. Si le plan de Yuan ne donne rien...

— Arrête de te faire du mal inutilement, Brindille. Tu ne peux rien y faire actuellement. Tant qu'ils ne seront pas revenus et que le sort n'aura pas été mis en place, nous n'en saurons pas plus. Mais cela ne sert à rien de t'inquiéter. Les choses n'avanceront pas plus vite. En revanche, toi, tu seras un peu plus angoissée à chaque heure qui passe. Aie confiance en lui, Kea, si quelqu'un peut nous sortir de cette mauvaise passe, c'est bien Yuan. Il est puissant tu sais, il ne le montre pas, mais il a toujours su garder les ennemis éloignés des portes de la cité. Nous sommes à l'abri ici.

— Quand t'es tu mis à parler aussi sagement, Sytry ?

— J'ai toujours été sage, sage comme un feuillage, tu n'y as simplement jamais prêté la moindre attention.

Kea sourit tendrement au démon léopard. Elle n'avait jamais vu son ami si tempéré. Il était plutôt du genre à s'alarmer pour un rien en temps normal. 

Il fallait croire que sa relation avec Zaebos avait une bonne influence sur lui, qu'il l'apaisait.

— Allez, sèche tes larmes, je te promets de te ramener une friandise à base de yavanna pour te remonter le moral. Tu es sûre de ne pas vouloir nous accompagner ? s'assura une nouvelle fois Sytry avant de se lever.

Le yavanna était un ingrédient ressemblant fort au chocolat, il en avait pratiquement le même goût, et en tout cas les mêmes vertus apaisantes. Sytry savait que la jeune femme en raffolait. 

Dans ce monde si différent, il était étonnant de voir tant de nourriture semblable à celle que l'on pouvait trouver sur Terre mais ce n'était pas Kea qui allait s'en plaindre. Surtout si cela concernait le chocolat.

— Oui, certaine, je pense que je vais plutôt aller me détendre dans la piscine, j'ai besoin de me délasser et d'oublier un minimum tout ce qui nous pend au nez, lui répondit-elle dans un soupir.

— Très bien, dans ce cas prends soin de toi, ma belle, je reviens très vite avec une bonne dose de réconfort.

Sytry lui fit un clin d'œil et sortit de la salle à manger en compagnie d'Okiri qui avait soudain l'air très intéressé par cette virée dégustation à l'extérieur.

Étrangement, l'Akkouq se faisait assez discret depuis la guérison de Kea, lui laissant l'intimité dont elle avait besoin lorsque cela lui était nécessaire. Elle le soupçonnait aussi de ne pas vouloir s'interposer dans ses débuts de relation avec Yuan.

***

La pièce dans laquelle se trouvait la piscine était aussi grande que la salle de bal. Elle se situait au dernier étage du palais, d'immenses baies vitrées la surplombant et tenant lieu de plafond.

Le bassin devait mesurer environ 20 mètres de long pour 15 de large. Il était de forme ovale et une cascade d'eau s'écrasant devant des rochers de granit roses se trouvait à une de ses extrémités.

Kea avait toujours adoré nager. Une fois dans l'eau, elle se sentait flotter comme dans un autre monde. Un monde où tout était possible et où tous ses soucis disparaissaient. Et là, tout de suite, elle avait bien besoin de ce sentiment libérateur.

D'autre part, elle était heureuse d'avoir enfin l'occasion de se retrouver un peu seule avec elle-même. Tout s'était accéléré très rapidement depuis l'épisode avec les Caucases et elle ne parvenait plus à réfléchir posément. Trop de choses venaient perturber ses pensées.

Sytry avait eu de sages paroles, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de redouter ce qu'il adviendrait de ses amis et de ce royaume qu'elle chérissait tant. Elle sentait son cœur accélérer un peu plus à chaque seconde qui les rapprochait de leur confrontation inévitable avec Manakel.

Si seulement tout était plus simple, si seulement la raison pouvait revenir à ce tyran... voilà un bien beau fantasme que rien ne saurait rendre possible.

Elle sortit du bassin et se sécha, toujours perdue dans ses réflexions.

Ce fut à ce moment là que Cholok apparut. 

Kea se retourna d'un bloc à l'instant même où elle perçut sa présence derrière elle.

— Courbette, ma douce. Je t'ai manqué ? 

Il avait posé sa question en l'examinant d'un air appréciateur.

Kea, qui n'avait pas pu trouver de maillot de bain, se retrouvait en sous-vêtements à dentelle rose pâle devant l'être infâme qui lui faisait face. Elle était donc particulièrement vulnérable et surtout en très mauvaise posture.

— Cholok... cracha-t-elle. Que fais-tu ici ? Et comment as-tu pu passer les gardes ?

— Tu oublies à quel point je suis rapide, Kea, me glisser dans le palais ne m'a pas présenté la moindre difficulté. Quand aux gardes... la plupart m'ont déjà vu au sein de la cité et ne se sont pas plus méfiés que cela. Les pauvres sont tellement occupés à guetter l'arrivée de Manakel qu'ils n'ont pas imaginé une seule seconde que la menace puisse venir de l'intérieur.

— Qu'est-ce que tu veux ? croassa-t-elle.

— Tu le sais très bien. Tu m'attires, Kea, tu m'attires depuis le premier jour de notre rencontre. Et cela malgré tes différentes apparences. Je savais que quelque chose clochait lorsque je t'ai croisée dans les jardins il y a quelques jours...

Il la jaugeait en faisant de grands cercles autour d'elle, obligeant Kea à pivoter sur elle-même si elle ne voulait pas l'avoir dans son dos.

— Je me demandais pourquoi une humaine pouvait avoir un tel pouvoir d'attraction sur moi. Mais c'est parce que tu n'as jamais été tout à fait humaine, n'est-ce pas, Nephelie... 

Les Démons d'Aderoth (Edité : Valala Drakht)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant