Chapitre 14

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5 juin.

  Je mange, je bois, je fais tout ce qu'il faut pour rester vivante. Mais plus rien n'a de saveur. Tout semble fade et dénué de vie. C'est comme si tout avait une âme, et que celles-ci s'étaient envolées avec Loana.

  Et puis je suis envahie par le doute, j'ai l'impression que je ne pourrais jamais la venger... après tout je ne suis rien face à ce qui l'a tué...

  Depuis la mort de Loana plus rien ne s'est produit. Plus rien de bizarre, j'entends par là. Je n'ai aucune piste... rien.  Rien et encore rien. La chose a disparu. Elle ne veut pas que je l'attrape. En revanche je sais qu'elle rôde, elle se fait discrète, c'est tout. Elle n'a pas pu partir, c'est impossible. Elle attend juste le bon moment pour frapper à nouveau.


  Aujourd'hui je vais devoir retourner au lycée. Je n'en ai aucune envie. C'est trop dur... On va me poser des tonnes de questions, tout le monde va me regarder étrangement. Je sais très bien comment ça va se passer...

  Un hommage à Loana a été rendu dans la cour de récré. Apparemment c'était émouvant... moi je n'y étais pas. Trop occupée à guetter le moindre fait et geste d'un monstre invisible. Mes parents pensent que le mieux pour moi c'est d'être avec des gens qui ressentent la même chose. Ils veulent que j'ai pleins d'amis et que j'aille au ciné de la ville d'à côté tous les soirs, que je passe mes week-end à m'éclater et que j'organise des journées shopping avec les filles de ma classe.

  Ils croient vraiment qu'après tout ce qui vient de se passer j'ai envie de ça ?


  Le car passe devant la route qui mène... où déjà ? J'ai oublié... mais je suis certaine de m'y être déjà rendue. C'est devenu une habitude pour moi de fixer ce chemin, devant lequel je passe tous les jours, mais j'ignore pourquoi.

  Le trajet se fait silencieux. Plus de fous-rires venant du fond... en fait il n'y a plus personne au fond. Quelques personnes qui m'avaient jusqu'à ce jour ignorée me disent gentiment bonjour. D'autres me lancent des regards noirs en pensant que c'était la volonté de leur bien-aimée disparue. Moi je ne sais pas trop comment me comporter.

  Madame Cornichi nous accueille dorénavant devant le portail du lycée, les profs suppriment les interros qu'ils avaient prévus, les élèves restent groupés, tout le monde se sourie poliment - c'est la nouvelle technique pour se remonter le moral mutuellement...

  Ceux qui n'aimaient pas Loana répètent à longueur de journée à quel point elle était parfaite...

  L'hypocrisie est reine.

  Je ne me sens pas bien du tout. Une affreuse tension règne dans le bâtiment. Elle est morte ici.

  Vers la fin de la pause-déjeuner je me rends sur les marches, près du portail. Des fleurs, des lettres et des photos parsèment le sol. Je m'assois et profite de ce moment de solitude. Je devrais peut-être avoir peur, pourtant je me sens en sécurité. Comme si un ange veillait sur moi.

  « Tu étais formidable, j'étais fort minable. Nous étions formidables », lis-je sur une banderole.

  Je me laisse bercer par le chant de je-ne-sais quel oiseau puis une fleur étrange attise mon attention. Mélangée aux autres elle est cependant très différente. Blanche et sculptée dans du cristal, d'après ce que je crois voir, elle reflète un ciel lointain.

  Je l'observe des minutes durant. Elle dégage une sensation de volupté. J'ai déjà vu ça... Je crois m'en aller, je crois m'envoler...

  - Am ?!

Ombre & Lumière Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant